Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Abyde

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ABYDE, ville d’Égypte. Étienne de Byzance veut qu’elle ait été une colonie de Milésiens (A), à laquelle un homme nommé Abyde ait donné son nom. Strabon en parle comme d’une ville fort délabrée ; mais il dit qu’il paraissait qu’elle avait été autrefois fort grande et la première du pays après Thèbes[a]. Le fameux roi Memnon y demeura et y fit bâtir un magnifique palais[b]. Le temple et le sépulcre d’Osiris servaient d’un grand ornement à cette ville, et la rendaient extrêmement recommandable. Les plus grands seigneurs d’Égypte affectaient d’y être enterrés, afin d’avoir leur tombeau au même lieu qu’Osiris avait le sien[c]. L’oracle du dieu Bésa n’était pas un ornement médiocre à ce lieu-là. Tous les peuples du voisinage avaient beaucoup de dévotion pour cette divinité, qui répondait par écrit quand on n’avait pas la commodité de la consulter en personne. Il suffisait alors de lui écrire ce que l’on avait à demander [d]. Cet oracle subsistait encore sous l’empire de Constantius, fils de Constantin-le-Grand, et causa bien des désordres (B). Abyde était à 7500 pas du Nil, vers l’occident[e] ; mais on y avait conduit un canal qui lui portait les eaux de cette rivière [f]. Elle était au-dessous de Diospolis et de Tentyris[g], et au-dessus de Ptolémaïde[h], qui était la plus grande ville de la Thébaïde, et aussi grande que Memphis. Les habitans d’Abyde avaient en abomination le bruit des trompettes (C). On a fort parlé des épines qui croissaient dans leur territoire (D) ; on a dit qu’elles étaient toujours chargées de fleurs qui avaient la figure d’une couronne. On croit qu’aujourd’hui elle s’appelle Abutich. Jean Léon ne dit point ce que M. Moréri lui impute, qu’elle soit au lieu où le patriarche Joseph fut enseveli (E). Il y avait sur la côte de l’Hellespont une ville nommée Abyde, dont je ne parlerai pas pour le coup, quoique le dictionnaire de Moréri ait besoin d’être rectifié à son sujet.

  1. Strabo, lib. XVII, pag. 559, édit. de 1587.
  2. Memnonis regiâ et Osiris templo inclytum. Plin., lib. V, cap. IX ; Strabo, lib. XVII, pag. 559.
  3. Plutarch. de Iside et Osir., pag. 359.
  4. Ammiam Marcel., lib. XIX, cap. XII, pag. 227, 228.
  5. Plin.. lib. V, cap. IX.
  6. Strabo, lib. XVII, pag. 579.
  7. Plin., lib. V, cap. IX.
  8. Strabo, lib. XVII, pag. 579.

(A) Une colonie de Milésiens. ] Cela n’est guère apparent. J’avoue qu’ils établirent des colonies en Égypte, mais ce fut proche des embouchures du Nil : leur puissance consistait alors en forces de mer, et leur commerce ne demandait pas qu’ils eussent un poste si éloigné de la côte que l’était Abyde. De plus, ils ne s’établirent en Égypte qu’au temps de Cyaxare, roi des Mèdes [1]. Or Abyde était considérable avant ce temps là, puisque Memnon y avait non-seulement établi sa cour, mais encore y avait fait bâtir un palais magnifique.

(B) Il causa bien des désordres. ] Voici comment. Ceux qui consultaient par écrit l’oracle laissaient quelquefois leur lettre dans le temple, après avoir reçu la réponse[2]. Il y eut des gens malins qui envoyèrent quelques-unes de ces lettres à Constantius ; et comme c’était un petit génie, soupçonneux, crédule, vétilleux, il se mit dans une colère horrible. Qui ut erat angusti pectoris, obsurdescens in aliis etiam nimiùn seris, in hoc titulo imâ, quod aiunt, auriculâ mollior, et suspicax, et minutus, acri felle concaluit [3]. Tout aussitôt il expédia une commission pour faire faire le procès aux coupables ; car on prétendait que plusieurs personnes avaient consulté ce dieu touchant la vie de l’empereur, et touchant le nom de la personne qui régnerait après lui. Le chef de la commission, homme violent et avare, trouva le moyen d’envelopper qui il voulut dans ces procès. Ce fut l’occasion d’une infinité de violences, comme vous pourrez le lire dans Ammien Marcellin.

(C) En abomination le bruit des trompettes. ] C’est Élien qui nous l’apprend, pourvu que nous le corrigions selon la conjecture de Perkélius[4]. Σάλπιγγος ἦχον βδελύττονται Βουσιρῖται καὶ Ἄϐυδος ἡ Αἰγυπτία καὶ (il y a dans les éditions d’Élien Ἄϐυ ἡ Αἰγυπτία) καὶ Λύκων πόλις. Busiritæ, et Abidus Ægyptia, et Lycopolis, tubæ sonitum detestantur[5]. Strabon confirme cette conjecture lorsqu’il dit qu’il était défendu d’employer aucune musique, soit de voix, soit d’instrumens, aux préludes des sacrifices que l’on offrait à Osiris dans son temple d’Abyde[6].

(D) Des épines qui croissaient dans leur territoire. ] Athénée nous apprend ceci[7] : mais il faut ôter de son livre le mot Ἄϐυλον, et y substituer Ἄϐυδον. C’est une conjecture très-raisonnable du même Berkélius[8]. Voici le fait dont parle Athénée. Les épines qui croissaient autour du temple de Tindium passaient pour être toujours fleuries ; mais, selon la remarque d’Hellanicus[9], cela venait de ce qu’il se faisait des assemblées en ce lieu-là, pendant lesquelles on jetait sur ces épines diverses sortes de bouquets. Démétrius rapporte qu’il croissait de cette espèce d’épines autour d’Abyde, et qu’il courait une fable parmi les Égyptiens, que les soldats d’Éthiopie que Tithon envoyait au roi Priam, ayant ouï dire que Memnon avait été tué, jetèrent auprès d’Abyde leur couronne de fleurs sur ces épines, d’où il arriva que les fleurs qu’elles produisirent ressemblèrent à des couronnes[10].

(E) Le patriarche Joseph fut enseveli. ] M. Moréri cite Jean Léon, p. 8. On croit d’abord qu’il indique la huitième page ; mais on ne trouve qu’au livre 8 ce qu’il faut chercher. Or, voici ce qu’on y trouve : que c’est une erreur de croire que la ville nommée Mesre Hatichi est celle où demeuraient les rois d’Égypte du temps de Joseph et de Moïse. Il réfute cette pensée, par la raison que ces anciens rois demeuraient au côté occidental du Nil, ce qu’il prouve par deux raisons : 1°. par la situation de la ville que l’Écriture dit que les Juifs bâtirent à Pharao ; 2°. par la situation d’un édifice fort ancien qu’on dit être la sépulture de Joseph. Quelques pages après, il remarque que la ville où est cette sépulture est un bras du Nil, et s’appelle aujourd’hui El Fiium. Je n’ai point trouvé qu’il dise rien de notre Abyde.

  1. Strabo, lib. XVI, pag. 551.
  2. Amm. Marcell., libro XIX, cap. XII, pag. 227, 228.
  3. Amm. Marcell. ad ann. 359.
  4. Berkel. in Stephan. de Urbibus, pag. 14.
  5. Ælian. de Anim. lib. X, cap. XXVIII.
  6. Strabo, lib. XVI, pag. 560.
  7. Athenæus, lib. XV, cap. VII.
  8. Berkelius, in Steph. de Urbibus, pag. 14.
  9. In Ægyptacis, apud Athen., lib. XV, cap. VII.
  10. Demetrius in libris Rerum Ægyptiacarum, apud Athenæum, lib. XV, cap. VII.

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