Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Althamérus
ALTHAMÉRUS (André), ministre luthérien à Nuremberg, avant le milieu du XVIe. siècle [a], publia non-seulement quelques ouvrages de théologie (A), mais aussi des notes sur le Traité de Tacite de Situ, Moribus et Populis Germaniæ. Elles furent imprimées à Nuremberg, l’an 1529 et l’an 1536, in-4o[b], et à Amberg, l’an 1609, in-8o. [c] ; et elles ont été insérées par Simon Schardius, au 1er tome des écrivains d’Allemagne. Il fut si ardent à rejeter la doctrine du mérite des œuvres, qu’il s’emporta contre l’apôtre saint Jacques avec la dernière brutalité [d]. Cela nous donne l’occasion d’examiner un endroit des disputes de Grotius et d’André Rivet (B). On verra dans cet examen que notre Althamérus assista en 1528 aux conférences de Berne, qui furent le précurseur de la réforme ecclésiastique de ce canton-là.
(A) Il publia quelques ouvrages de théologie. ] En voici les titres : Conciliationes Locorum Scripturæ, qui specie tenùs inter se pugnare videntur. Annotationes in D. Jacobi Epistolam. De Peccato Originis. De Sacramento Altaris. Il fit aussi un dictionnaire des noms propres que l’on trouve dans la Bible, Sylva Biblicorum Nominum, etc. Cet ouvrage fut imprimé à Bâle, l’an 1535. Les Conciliationes Locorum Scripturæ furent imprimées à Nuremberg, la même année, et à Wittemberg, l’an 1582. L’Epitome de Gesner ne marque que ces deux éditions ; mais il est certain qu’elles avaient été précédées d’une autre, qui avait paru avant l’année 1528[1].
(B) Nous examinerons un endroit
des disputes de Grotius et d’André
Rivet. ] La première pièce de cette
partie de leur procès contient ces paroles[2] : Gaudeo D. Rivetum non
accedere iis qui Jacobi Epistolam rejecerunt,
quorum quidam hoc ampliùs
dixêre : « Mentiris Jacobe in caput
tuum ; » c’est-à-dire, « Je suis bien
aise que M. Rivet ne suive pas ceux
qui rejettent l’Épître de saint Jacques,
parmi lesquels quelques-uns
ont dit de plus, Jacques, tu mens par
ta tête. » Voici la seconde pièce. Rivet
demanda[3], qui sont ceux qui ont
parlé de la sorte ? combien sont-ils ?
et il ajouta qu’ayant cherché dans
les écrits des jésuites, et des autres
controversistes, qui recueillent avidement
de pareils faits, si l’on avait
reproché aux protestans un blasphème
de cette nature, il n’avait rien découvert.
La troisième pièce est que
Grotius ne nomma personne, lorsqu’il
répliqua à son adversaire[4],
qui l’avait sommé si expressément et si
vivement. Ce silence fit conclure à
André Rivet, que Grotius n’avait nul
auteur à alléguer. Quòd nunc autores
non indicet harum contumeliarum,
dit-il[5], ostendit se nullos habere.
La quatrième pièce est que Grotius,
répliquant tout de nouveau, cita les
paroles d’André Althamérus : « Is,
qui Jacobum accusavit mendacii,
fuit Andreas Althamerus[6]. Liber
editus est Argentorati, anno ciↄiↄxxvii.
Verba ejusinter cætera sunt :
Vult nunc probare suam sententiam,
sed directè contra Scripturam agit.
Non possumus hìc defendere Jacobum.
Citat enim Scripturas falsò ;
et solus, Spiritui Sancto, Legi,
Prophetis, Christo, Apostolisque
omnibus, contradicit. Testimonium
ipsius vanum est. Uni ipsi testi non
esse credendum, suprà annotavimus,
præsertìm cum quo ipse Spiritus
Sanctus et tot testes veritatis dissentiant.
Credendum multitudini. Paulus
multò digniùs sanctiùsque rem
tractat. Si Abraham ex operibus justificatus,
habet quod glorietur, sed
non apud Deum ; quid enim dicit
Scriptura ? Credidit Abraham Deo,
videlicet promissioni divinæ de semine ;
et reputatum, scilicet quia
credidit, illi ad justitiam. Non quòd
ex filii immolatione justificatum dicit,
rectè mentitus est in caput suum.
Quindecim enim annos antè immolatum
Isaachum justificatus fuit Abraham,
etiam nondùm nato Isaacho ;
non ex circumcisione, neque filii
immolatione, sed ex solâ fide. Dicit
enim Scriptura, Credidit, etc. ut
nihil habeat Jacobus ad quod refugiat.
Nos fidei magistrum constituimus ;
et jam suis ipsissimis verbis
scimus, nescivisse quid sit fides.
Et in fine libri, ne igitur succenseas
nobis, lector, si duriùs et vehementiùs
calamo quandòque in autorem
invecti sumus. Meretur enim hoc
odium et hanc spiritûs vehementiam,
dùm aliam perfectionem atque justitiam
à nobis contendit, quàm fidei. »
La dernière pièce sera que Rivet,
voyant enfin une citation formelle,
répondit[7] qu’elle ne suffisait pas ;
que Grotius s’était servi du nombre
pluriel ; et qu’un ne fait pas plusieurs :
unus non sunt multi. Il condamna les
paroles d’Althamérus ; mais il se plaignit
que Grotius n’eût pas déclaré
que ce n’était pas un calviniste. Il
prouve que c’était un luthérien ; et il
lui attribue de s’être chargé aux conférences
de Berne de parler pour le
parti des papistes, et de soutenir le
dogme de la présence réelle : Qui cùm
in diputatione Bernensi [8], quam sequuta
est Reformatio anni 1528, libera
ei facta esset disputandi copia,
volens passus est se à parte pontificiâ
deligi, ut oratoris munere in suggestu
fungeretur, carnalemque Christi
præsentiam in cœnâ defenderet. « L’injure
qu’il fait à saint Jacques, conclut
Rivet, ne nous touche nullement.
Toute l’ignominie en rejaillit
sur les papistes, et sur les luthériens,
dont il a plaidé la cause. »
Sur ces productions, il est aisé de juger : 1°. que Rivet s’engagea sans aucune nécessité dans un incident. Il pouvait laisser passer cette remarque de Grotius, sans faire nul préjudice à sa cause ; et il suffisait de lui demander le nom de ceux qui avaient eu l’audace de traiter un apôtre si indignement. 2°. Qu’il se trompa lorsqu’il crut que son adversaire ne pouvait nommer personne. 3°. Qu’à force de le presser, il se fit convaincre d’avoir ignoré un point de fait dont la connaissance pouvait faire honneur à sa lecture et à sa bibliothéque. 4°. Qu’il se réfugia dans de petites chicaneries, qui ne servaient qu’à allonger les disputes, et qu’à multiplier les accessoires inutiles. Il est sûr que, dans l’usage ordinaire, l’on a droit de dire, lorsqu’on sait qu’un écrivain a débité quelque chose, qu’il y a des gens qui l’ont débitée. L’on n’est obligé à citer plus d’un témoin, que lorsqu’on a dit que beaucoup de gens, que plusieurs personnes, la rapportent. Mais Grotius n’avait point parlé ainsi ; son expression était vague : quidam dixêre, il y en a qui ont dit, ou quelques-uns ont dit. Il se tirait pleinement d’affaire, quoique l’auteur qu’il citait ne fût pas calviniste, mais luthérien ; et c’est vainement que Rivet allègue ce qui se passa aux conférences de Berne. Cela ne prouve point qu’Althamérus fût papiste : on en peut seulement conclure, qu’il était si opposé aux Zuingliens, sur le chapitre de la réalité, qu’il ne faisait point scrupule de la soutenir, même en faveur du papisme. Si Rivet a été content de lui-même dans cette partie de sa dispute, c’est une marque que les controversistes ne discernent guère l’essentiel d’avec les pointilleries.
- ↑ Hospiniani Hist. Sacram., part. II, pag. 84.
- ↑ Grotii Animadvers. in Notas Riveti, pag. 1029, tom. III Operum Riveti.
- ↑ Riveti Examen Animadv. Grotii, pag. 1029, tom. III Operum ejus.
- ↑ Grotii Votum pro Pace Ecclesiasticâ, ibidem, pag. 1054.
- ↑ Rivet Apologet. ibidem, pag. 1100.
- ↑ Grotii Discussio Apologet. Rivetiani, p. 722 Opusculorum Grotii, editionis Amstelodamensis, apud Blaeu, anno 1679, in-folio.
- ↑ Riveti Grotianæ Discussionis Διάλυσις, pag. 1201 tomi III Operum ejus.
- ↑ Il se sert, sans le citer, des propres paroles d’Hospinien, Historiæ Sacramentar., part. II, pag. 84.