Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Amyrutzes

La bibliothèque libre.

◄  Amyraut
Index alphabétique — A
Ammien Marcellin  ►
Index par tome


AMYRUTZES[a], philosophe péripatéticien, natif de Trébizonde, s’était acquis une grande considération à la cour de l’empereur David, son maître, et avait signalé sa plume en faveur des Grecs contre les décisions du concile de Florence[b] ; mais il ternit toute sa gloire par l’apostasie où il tomba. Il fut un de ceux qui accompagnèrent l’empereur David à Constantinople, lorsque Mahomet II l’y fit transporter, après la prise de Trébizonde, en l’année 1461. Ce philosophe, se laissant gagner aux promesses du sultan, abjura son christianisme, et se fit turc avec ses enfans, l’un desquels, sous le nom de Mehemet-Beg, traduisit en arabe plusieurs livres des chrétiens par ordre de Mahomet II. Ce prince donna des emplois considérables dans le sérail à Amyrutzes, et s’entretenait quelquefois sur les sciences et sur des matières de religion avec lui, ou avec Mehemet-Beg[c]. De la manière dont Allatius s’est exprimé, on prendrait ce philosophe pour le protovestiaire de l’empereur de Trébizonde (A). N’oublions point de dire qu’Amyrutzes ne commença point à être estimé des princes, lorsque l’empereur de Trébizonde l’honora de son affection ; car il y avait long-temps qu’il s’était vu très-considéré à la cour de Constantinople. Il fut un des principaux savans avec lesquels l’empereur Jean Paléologue délibéra sur son voyage d’Italie[d], et il accompagna cet empereur dans ce voyage[e], comme il le raconte lui-même[f]. C’est dans la relation qu’il composa de ce qui s’était passé au concile de Florence, et qu’il adressa à Démétrius, gouverneur de Napoli de Romane. Il y assure, entre autres choses, que le patriarche de Constantinople fut étranglé pendant la tenue du concile, et que les médecins attestèrent ce fait-là [g].

  1. Dans le Supplément de Moréri on le nomme mal Amyruta.
  2. Leo Allatius, de Perp. Consensione, lib. III. cap. III, pag. 935 et 1379.
  3. Guillet, Histoire de Mahomet II, tom. I, pag. 441, et tom. II, pag. 136.
  4. L’Histoire Polit. de Constantinople le nomme avant Bessarion et Gemiste. Voyez Allat. de Perpetuâ Consens., pag. 883.
  5. Cet empereur arriva à Venise, le 8 de février 1438
  6. Apud Allat. de Perp. Cons., p. 886.
  7. Id., ibid., pag. 908.

(A) Allatius donne lieu de le prendre pour le protovestiaire de l’empereur de Trébizonde. ] Allatius, à la page 936 du Perpetuus Consensus, n’avait parlé que par conjecture du livre que cet Amyrutzes composa contre le concile de Florence ; mais dans les additions il nous apprend qu’on lui avait envoyé de l’île de Chio l’ouvrage même ; puis il dit que Dorothée, archevêque de Monembase, fait connaître[* 1] la condition de cet homme, cujusnam conditionis vir iste fuerit. Il rapporte le passage de Dorothée en grec et en latin. Le grec porte que Mahomet fit embarquer pour Constantinople l’empereur David, et quelques autres personnes, et entre autres τὸν ϕιλόσοϕον Ἀμυρούτζην τὸν πρωτωϐεςιάριον, philosophum Amyrutzium protovestiarium. C’est ainsi qu’Allatius traduit et ponctue. Il ne faut donc point douter qu’il n’ait cru qu’Amyrutzes et le protovestiaire n’étaient qu’un, et qu’il ne lui ait attribué la suite du passage de Dorothée, où l’on voit que ce personnage était cousin germain de Machomet Bassa ; qu’il avait trahi l’empereur David, et qu’après la prise de Trébizonde, il reçut de grands honneurs de son cousin et du sultan Mahomet ; qu’il était rusé, grand, bien fait, bon tireur d’arc et propre à toutes choses. Sa parenté avec Machomet était fondée sur ce que sa mère était sœur de la mère de Machomet : ces deux sœurs étaient filles de Jagarus. Je n’ajoute pas beaucoup de foi à ce discours : car je vois que M. Guillet, en citant la Turco-Græcia de Crusius, dit que le protovestiaire de l’empereur de Trébizonde s’appelait George ; qu’il était d’une mine avantageuse, et d’une si grande adresse à tirer de l’arc, qu’il y surpassait tous les Grecs et tous les Turcs ; qu’il était fils d’une fille d’un prince chrétien appelé Iagrus, qui avait marié son autre fille en Servie, où elle eut un fils qui fut le renégat Machmut[1]. Très-volontiers je mettrais une virgule dans le passage de Dorothée, après Ἀμυροὑτζην, afin de faire deux personnes de ce philosophe et du protovestiaire, qu’Allatius confond ensemble.

  1. (*) In Synopsi Historiarum.
  1. Guillet, Histoir. de Mahomet II, tom. I, pag. 439.

◄  Amyraut
Ammien Marcellin  ►