Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Andrada

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ANDRADA (Diego de Payva d’) en latin Andradius, savant portugais, natif de Conimbre, se signala dans le concile de Trente, où le roi Sébastien l’avait envoyé comme l’un de ses théologiens [a]. Il prêcha devant l’assemblée le second dimanche après Pâques 1562. Il ne se contenta pas des services qu’il rendit en expliquant les matières sur quoi on le consulta, il voulut encore employer sa plume à la défense des canons de ce concile. C’est ce qu’il fit dans l’ouvrage qui a pour titre, Orthodoxarum Explicationum Libri X [b]. Il répond là en particulier à un écrit que Chemnice avait publié contre la doctrine des jésuites (A), avant la clôture du concile de Trente : et comme Chemnice prit cette occasion de faire un très-gros ouvrage qu’il intitula, Examen Concilii Tridentini, Andradius se crut obligé de maintenir son premier écrit contre ce docte adversaire (B). Il composa donc un livre, que ses deux frères publièrent après sa mort à Lisbonne, l’an 1578, et qui a pour titre, Defensio Tridentinæ fidei Catholicæ quinque libris comprehensa, adversùs hæreticorum calumnias, et præsertim Martini Kemnitii. Ces écrits d’Andradius ont été réimprimés plusieurs fois [c], et néanmoins sont si rares à Paris, que M. Pellisson ne put les trouver dans toute la rue Saint-Jacques (C). Il n’y a guère d’auteur catholique qui ait été plus cité que lui par les protestans : c’est à cause qu’il a soutenu des sentimens un peu outrés sur le salut des philosophes païens. Il était prédicateur : on a publié ses Sermons en trois parties, dont la seconde a été traduite de portugais en castillan par Benoît de Alarcon [d]. La Bibliothéque des écrivains espagnols ne parle point de tous ses ouvrages (D). On a donné bien des louanges à Andradius (E) : on les trouvera dans les remarques.

  1. Palavic. Hist. Concil. Trident., lib. XIX, cap. XVI, num. 7.
  2. Imprimé à Cologne, en 1564. Le premier de ces dix livres, qui est une Apologie des Jésuites, fut imprimé en français, à Lyon, en 1565. Du Verdier, Biblioth. Française, pag. 266.
  3. Ex Nicolai Antonii Biblioth. Hispan., tom. I, pag. 236.
  4. Ex Nicolai Antonii Biblioth. Hispan., tom. I, pag. 236.

(A) Il répondit à un écrit de Chemnice contre la doctrine des jésuites. ] Un ministre luthérien, qui a fait l’éloge de Chemnitius, s’exprime de cette manière : Breve quidem, sed nervosum scriptum, durante adhuc concilio Tridentino, jesuitarum theologiæ opposuit, cujus Opusculi cùm Andradius Lusitanus in se suscepisset refutationem, Chemnitio occasionem subministravit conscribendi insigne illud... Opus, quod Tridentini concilii examen nuncupavit [1]. J’ajoute à cela un passage d’Eisengreinius, parce qu’il paraît fournir une petite matière de critique. Cet auteur prétend qu’Andradius a fait des merveilles contre les hérétiques dans ses explications orthodoxes, et surtout contre Chemnitius : Præsertìm contra Martini Kemnitii petulantem audaciam, qui coloniensem censuram, quam à viris societatis Jesu compositam esse ait, unà cum ejusdem sanctissimæ societatis vitæ ratione temerè calumniandam suscepit [2]. Nicolas Antonio, après avoir cité ce passage, censure Eisengreinius d’avoir cru qu’Andradius était jésuite : Hæc ille, dit-il, falsus saltem in eo quod Andradam nostrum unum ex jesuitico sodalitio credidit. Si cette censure n’a pas d’autre fondement que les paroles que don Antonio a citées, je la crois fausse.

(B) Andrada.... maintint son premier écrit contre ce docte adversaire. ] Cet éloge est dû à Chemnice ; et, dans le fond, je ne dis pas plus de bien de lui, que don Nicolas Antoine. Il semble d’abord que ces paroles de l’écrivain espagnol, cui cùm reposuisset profligatissimus hæreticus librum in quo gravissimas adversùs universalem ecclesiam contumelias intorquebat, descendere denuò in campum sibi opus esse Paiva vidit, ut immanem hostem totis viribus profligaret, soient extrêmement désobligeantes ; mais, quand on les pèse bien, on les trouve propres à inspirer de la vanité à Chemnitius. N’est-il pas bien doux de se voir traité comme le Goliath et le Polyphème de son parti, par ceux du parti contraire, lorsqu’on croit d’ailleurs soutenir la bonne cause ?

(C) M. Pellisson ne put pas trouver ses ouvrages dans toute la rue Saint-Jacques. ] Un récit sur ce sujet ne déplaira pas aux curieux. M. Leibnitz, dans ses remarques contre les réflexions sur les différens de la religion [3], allégua entre autres choses, qu’Andradius a fait un livre intitulé, Explicationes orthodoxæ de controversis religionis capitibus, où il enseigne en ces propres termes, que les philosophes qui ont employé toutes leurs forces pour connaître un vrai Dieu, et pour l’honorer religieusement, ont eu la foi qui fait vivre le juste.... ; que ce serait la plus grande cruauté du monde (neque immanitas deterior ulla esse potest) de condamner les hommes aux peines éternelles, pour avoir manqué d’une foi à laquelle il n’y avait pas moyen de parvenir [4]. M. Pellisson répondit d’abord, qu’il n’avait jamais vu cet auteur, et qu’il le chercherait par curiosité, quand il serait à Paris [5]. Quelque temps après, il fit savoir qu’il avait cherché avec soin le livre du docteur portugais Payva Andradius ; « Mais, ajouta-t-il [6], ce n’est pas une petite affaire que de le trouver à Paris. La rue Saint-Jacques ne le connaît pas : les bibliothéques les plus nombreuses ne l’ont point, non pas même celle des jésuites, ce qui est remarquable, parce qu’il a écrit en leur faveur. À la fin on me l’a déterré dans la Bibliothéque de Sorbonne. M. l’abbé Pirot, personne de mérite s’il y en a aujourd’hui en France ni ailleurs, et l’un des plus capables et des plus illustres sujets de cette maison, qui ne connaissait cet auteur non plus que moi, s’est donné la peine de le lire à ma prière.... Cet écrivain a du mérite, et n’est pas un scolastique sec et décharné, comme sont tant d’autres : on lui trouve partout de l’esprit, de l’élégance et de la vivacité, fort au-dessus du commun ; et il répond en un mot à la réputation qu’il avait dans le Concile de Trente. » Il est étonnant qu’un livre, si peu connu aux plus grands libraires, et aux plus nombreuses bibliothéques, ait été cité par cent auteurs qui n’avaient guère de livres : cela, dis-je, est étonnant pour ceux qui ne savent pas que l’examen du Concile de Trente par Chemnitius est un livre fort commun, et qu’on y trouve de quoi citer à perte de vue le docteur Andradius. Cent autres auteurs ont parlé aussi fortement que lui pour le moins sur cette matière, comme la Mothe-le-Vayer le montre dans l’un de ses livres [7]. D’où viendrait donc qu’ils n’auraient pas été cités aussi souvent qu’Andradius, quand il s’est agi d’excuser Zuingle par voie de récrimination, ou de reprocher aux papistes qu’ils ont penché vers les hérésies de Pélage ? d’où est-ce, dis-je, que cela viendrait, si j’avais mal indiqué la cause des fréquentes citations d’Andradius ?

(D) La Bibliothéque des écrivains espagnols ne parle point de tous ses ouvrages. ] On n’y trouve point le livre qu’il composa sur l’autorité du pape pendant la tenue du concile, l’an 1562 [8]. Les légats du pape, très-contens de cet écrit, l’envoyèrent au cardinal Borromée. La cour de Rome en fut extrêmement satisfaite : le pape fit remercier l’auteur très-obligeamment. Je crois que cet ouvrage n’est point différent de celui de Conciliorum autoritate, dont Palavicin a cité le 1er. livre [9].

(E) On a donné bien des louanges à Andradius. ] On a déjà vu le jugement que M. Pellisson a fait de lui. Osorius, dans la préface qu’il a mise au-devant des explications orthodoxes d’Andradius, lui donne beaucoup d’esprit, une ardente application, l’intelligence des langues, le zèle et l’éloquence d’un bon prédicateur. Voici ce que Rosweide en a dit : Ad Concilium Tridentinun et profundissimi theologi mentem, et linguam eloquentissimi oratoris attulit [10].

  1. Spizelius, in Templo Honoris, pag. 4.
  2. In Catalogo Test. Veritatis, apud Nicol. Anton. Bibl. Hisp., tom. I, pag. 235.
  3. C’est le titre d’un livre de M. Pellisson.
  4. Voyez le livre de M. Pellisson, intitulé de la Tolérance des Religions, pag. 19. Il fut imprimé à Paris, l’an 1692.
  5. Là même, pag. 71.
  6. Là même, pag. 83.
  7. À la fin de son Traité de la vertu des Païens.
  8. Palavic., lib. XIX, cap. XVI, num. 7.
  9. Idem, lib. XXIV, cap. X, num. 17.
  10. In Lege Talionis Casaubono retaliatâ, apud Nicol. Antonium, tom. I, pag. 236.

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