Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Aquaviva

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AQUAVIVA (André-Matthieu), duc d’Atri, dans le royaume de Naples, et fils de Jules Aquaviva, comte de Conversano (A), ajouta à l’éclat de sa naissance une érudition qui le rendit très-illustre, vers la fin du XVe. siècle, et au commencement du XVIe. Il ne se contenta pas d’étudier, et de se familiariser avec les savans ; il se mêla aussi de faire des livres, et il s’en tira honorablement, comme il paraît par l’ouvrage qu’il intitula L’Encyclopédie, et par un autre, où il traite de la Vertu morale (B). Il fit aussi un livre de Re Equestri. Mais avant que de s’appliquer aux lettres avec tant d’ardeur, il avait donné au métier des armes tout ce que sa naissance pouvait exiger de lui ; et il s’y était signalé, encore que la fortune lui eût été fort contraire. Il s’était trouvé deux fois à des batailles perdues, et y avait été blessé et fait prisonnier. L’étude le consola dans sa prison, et il fut assez heureux pour obtenir sa liberté de Ferdinand roi d’Aragon, lorsque Gonsalve, surnommé le grand capitaine, le voulait envoyer en Espagne, avec les autres prisonniers. Depuis ce temps-là, il jouit tranquillement des douceurs de la vie privée, au milieu des livres, et de la conversation des hommes de lettres, dont il se vit fort loué et fort honoré (C). Il inspira la même ardeur pour l’étude à son frère Bellisaire, qui devint lui aussi auteur (D). Notre Aquaviva aurait été plus heureux, s’il eût été un peu meilleur économe ; mais pour avoir fait trop de dépenses, pendant plusieurs années, il se trouva enfin incapable d’en faire assez. Il mourut à Conversano, âgé de soixante-douze ans, lorsque les troupes de France, sous la conduite de Lautrec, ravageaient la Pouille [a] ; c’est-à-dire, l’an 1528.

  1. Ex Jovii Elog. doctor. Vir., cap. LXIII.

(A) Il était fils de Jules Aquaviva, comte de Conversano. ] Ce comte se distingua en plusieurs rencontres par sa valeur, et il commandait l’armée de Naples, lorsqu’il fut tué dans une escarmouche, pendant que les Turcs assiégeaient Otrante, l’an 1480 [1]. Son fils, dont nous parlons dans cet article, fut inconsolable de cette perte assez long-temps [2].

(B) Il a fait un ouvrage où il traite de la vertu morale. ] Il semble que Paul Jove veuille dire que c’était un commentaire sur le traité de Plutarque de la vertu morale ; et c’est ainsi que l’auteur moderne des notes sur les poésies latines de Sannazar l’a entendu : Librum nempè nobilem cui Encyclopædia nomen, itemque Commentarium in Plutarchum de virtute morali  ; mais je n’ai point trouvé assez de clarté dans les expressions de Paul Jove, pour oser me déterminer à ce sens-là : j’ai mieux aimé me tenir dans une idée plus vague. Voici le latin de cet auteur : Nemo ex his qui illustribus orti familiis ætate nostrâ claruerunt.….. Andreâ Matthæo Aquavivio... se luculentiùs optimis disciplinis exornavit ; utì præclarè constat eo libre nobili pariter ac erudito qui Encyclopædia inscribitur, et de moral virtute Plutarchi plenior liber subtuli et copioso commentario persimilis ostendit [3]. Cela semble signifier une paraphrase fort travaillée de ce traité de Plutarque.

Depuis la première édition de ce Dictionnaire j’ai eu occasion de découvrir que Paul Jove s’est mal exprimé ; car voici le titre de l’ouvrage de notre Aquaviva, dans l’édition de Naples en 1526, in-folio : Commentarii in translationem libelli Plutarchi Chæronei de virtute morali... liber primus. Le titre de l’édition d’Allemagne, en 1609, in-4o, est plus long : Illustrium et exquisitissimarum disputationum libri quatuor : quibus omnes divinæ et humanæ sapientiæ, præsertìm animi moderatricis, musicæ atque astrologiæ arcana in Plutarchi Chæronei de virtute morali præceptionibus recondita summo ingenu acumine retecta patefiunt, et figuris suo quæque illustrantur, etc. Le Toppi, dont j’emprunte ceci [4], ni Léonard Nicodemo, ne font aucune mention de l’ouvrage intitulé Encyclopædia.

(C). Il fut fort loué et fort honoré des hommes de lettres. ] Alexander ab Alexandro lui dédia ses Jours géniaux. Pontanus lui dédia son Ier. livre de Rebus cœlestibus, et son traité de Magnanimitate. Sannazar l’a loué délicatement sur ce qu’il était, comme on l’a dit depuis de M. de Montauzier,

Favori de Pallas, quelque nom qu’on lui donne,
Ou celui de Minerve, ou celui de Bellone.


Voyez la dernière élégie du IIe. livre sur la fin, et la Ile. Épigramme du IIe. livre. Pour ce qui est de l’Épigramme XLIV du même livre, je doute qu’elle soit à la louange de notre Aquaviva, comme l’a cru l’auteur des Notes sur Sannazar [5] : elle s’adresse ad Neritinorum Ducem qui, selon le témoignage de Paul Jove, était Bellisaire Aquaviva, frère d’André-Matthieu. La Ire. Élégie du IIIe. livre ne se rapporte point non plus, ce me semble. à ce dernier ; mais à Jules Aquaviva son père. Voyez dans l’auteur que je cite le nom de plusieurs écrivains qui ont célébré notre André-Matthieu [6].

(D) Son frère Beilisaire devint aussi auteur. ] Il fit un traité de Venatione, qu’il dédia à André-Matthieu son frère ; un autre, de Aucupio ; un autre, de Principum liberis educandis ; un autre, de Re militari ; et un autre, de singulari Certamine. Ces ouvrages, imprimés premièrement à Naples, in-folio, l’an 1519, furent réimprimés à Bâle, in-8o, l’an 1578, par les soins de Leonclaw, avec le Manuel palæologue de l’éducation royale.

  1. Voyez l’Histoire de Mahomet II, par Guillet, tom. II, pag. 373.
  2. Voyez les vers que Marulle lui adressa, Epigramm., lib. I, pag. 16.
  3. Paul. Jovius, Elog., cap. LXIII, pag. 158.
  4. Toppi, Bibliot. Napolet., pag. 14.
  5. Notæ in Sannaz., pag. 188.
  6. Notæ ad Sann. Elegias, pag. 188, edit. Amstel., an. 1689.

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