Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Corcéone

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CORCÉONE (Robert de), cardinal du titre de Saint-Étienne, au mont Célius, était Anglais. On parle de lui dans le Dictionnaire de Moréri[a] ; mais on n’y fait point mention de ce que je m’en vais dire. Ayant été envoyé en France par le pape Innocent III, pour les affaires de la croisade, tant contre les Albigeois que contre les Sarrasins, il célébra un concile l’an 1212 à Paris, et y fit faire de bons règlemens pour la correction des mœurs. Il défendit aux ecclésiastiques séculiers de s’engager par serment à ne pas prêter des livres, ou des maisons, ou d’autres choses, et à ne rien emprunter, et à n’être point caution. Il défendit aux réguliers des engager par serment à ne pas prêter des livres, bien entendu qu’ils prendraient leurs précautions pour l’indemnité, ou pour la restitution. Il leur ordonna aussi de ne point coucher deux à deux (A), et il fit la même défense aux religieuses, afin d’éviter, disait-il, les dangers de l’incontinence. Il célébra d’autres conciles, il établit des prédicateurs de la croisade, et il tourmenta beaucoup les hérétiques ; mais il fit paraître tant d’aigreur contre le clergé, et tant de facilité à donner la croix à toutes sortes de gens, que l’on en porta des plaintes à la cour de Rome. Il se rendit si odieux par ses entreprises contre les droits de l’église gallicane, que l’on appela de ses procédures, pendant le concile qu’il convoqua à Béziers. Les députés du clergé de France poussèrent l’appel avec vigueur, et confondirent de telle sorte ce cardinal, dans une assemblée générale qui se tint à Rome, que le pape les pria de se relâcher sur les griefs énormes dont ils se plaignaient [b]. Corcéone mena beaucoup de croisés en 1214 à Simon de Montfort, qui faisait la guerre aux Albigeois [c]. Il mourut dans la Palestine, où il avait suivi la croisade, comme on le peut voir dans M. Moréri. Il est auteur, entre autres ouvrages, d’un traité sur la question si Origène est en paradis.

  1. Sous le mot Curson.
  2. Tiré des Annales ecclésiastiques de M. de Sponde, à l’ann. 1212, num. 8.
  3. Idem, Spondan., ibid. ad ann. 1214, num. 2.

(A) Il ordonna aux réguliers de ne point coucher deux à deux.] Voici un passage de l’Abrégé du Trésor chronologique de Pierre de Saint-Romuald [1] : « L’an 1212 on célébra un concile à Paris, sous le cardinal de Corcéone, dont M. de Sponde rapporte les décrets, et entre autres celui-ci : Interdicimus regularibus et monialibus ne bini, vel binæ, in lecto jaceant, propter metum incontinentiæ. On publia un petit livre l’an 1643, fait par un pieux prêtre, et approuvé par quatre docteurs, portant pour titre : Avis chrétien touchant une matière de grande importance, dans lequel l’auteur désire grandement que ce décret-là soit sérieusement gardé, à cause des inconvéniens qu’il spécifie le plus chastement qu’il peut. » Aussi chastement qu’il vous plaira ; mais ce livre n’est capable que d’inspirer de l’indignation contre la loi du célibat, puisqu’elle a des suites de cette nature [* 1].

  1. * Leclerc et Joly sont surpris que Bayle, qui s’était astreint volontairement à la continence, fût si prévenu contre le célibat, et se soit déchaîné en mille endroits sur cette matière. Bayle explique clairement ici pourquoi il est révolté contre le vœu de célibat. Quelle grâce Leclerc et Joly n’ont-ils pas à venir dire que le livre du pieux prêtre n’a aucun rapport au célibat ? On dirait en vérité que, en vrais jésuites, ils croient que ce n’est pas le rompre que de faire ce que spécifie chastement le pieux prêtre. Bayle avait ici beau jeu d’être obscène : s’il l’eut été, quels cris Leclerc et Joly n’auraient-ils pas poussés ?
  1. Saint-Romuald, Abrégé chronologique et historique, tom. III, pag. m. 127, 128.

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