Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Henri 2

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HENRI II, roi de France, succéda à François Ier., son père, le dernier de mars 1547. L’une des premières choses qu’il fit fut de se moquer de l’ordre que son père lui avait donné en mourant, je veux dire que des les premiers jours de son règne il rappela le connétable de Montmorenci (A), que François Ier. avait relégué pour de très-bonnes raisons [a]. Cette désobéissance lui coûta cher (B) ; car on peut dire que les plus fâcheux événemens qui aient flétri son règne sont l’ouvrage du connétable. Ce fut le connétable qui par sa mauvaise conduite perdit, la fameuse bataille de Saint-Quentin [b] ; après quoi il fut la cause d’un traité de paix [c] beaucoup plus honteux à la monarchie française (C), que la perte de cette bataille. Peut-être n’eût-il pas fait si aisément consentir Henri II à cette paix désavantageuse, sans l’esprit de persécution qui s’empara de ce prince (D). Il mérite aussi un grand blâme pour n’avoir pas donné de bons conseils à son maître, par rapport à la duchesse de Valentinois, qui, dans un âge disproportionné à celui de Henri II, ne laissait pas de le tenir dans ses fers, et d’abuser très-injustement de cet esclavage. Le connétable, bien loin de fortifier ce prince contre les piéges de cette femme, intrigua pour elle, et se dévoua à sa faction [d]. C’est dommage que le règne de Henri II ait de si mauvais endroits, car il fut d’ailleurs remarquable par des actions glorieuses, et par de très-beaux succès qui mortifièrent cruellement Charles-Quint. On ne saurait contester à Henri II la gloire d’avoir été brave ; et l’on dit qu’Élisabeth, reine d’Angleterre, avait de l’admiration pour lui de ce côté-là (E). Mais, après tout, ce sera un éternel témoignage de sa faiblesse, et de l’empire que ses favoris exerçaient sur lui, que, contre l’avis des plus sages têtes de son royaume, il ait signé le traité de paix de Cateau en Cambresis : Paix non moins honteuse à la France, que celle de l’empereur Jovinian avec le roi de Perse, tant décriée par toute l’ancienneté [e] ; paix qui, par un seul coup de plume, fit perdre dans un moment les travaux et les conquêtes de plusieurs années, et une étendue de pays qui égalait le tiers du royaume [f]. Il n’y eut personne qui profitât de cette honte de la France autant que le duc de Savoie ; car outre qu’il fut rétabli dans ses états, il épousa la sœur de Henri II, princesse de grand mérite (F), et qui sut duper la cour de France fort avantageusement pour son mari (G). Elle n’était point jeune quand elle se maria ; et de là vint que les murmures contre la paix s’étendirent jusque sur elle (H). C’est sans raison qu’un auteur moderne a voulu justifier la conduite de Henri III (I), qui paya si chèrement l’accueil que lui fit cette princesse. La paix de Cateau n’est pas le seul monument de la faiblesse trop simple de Henri II. L’impunité de ses favoris, après tant de biens qu’ils acquirent par des voies si injustes (K), en est un autre monument. Il mourut de la blessure qu’il avait reçue dans un tournois [g]. Aventure étrange, et plus extraordinaire encore que funeste, car je ne crois point que jamais il y eût eu des monarques qui eussent perdu la vie dans de telles occasions. Il lui aurait été infiniment plus glorieux de la perdre dans une bataille, que dans ces jeux de combat, ou dans ces combats de paix, où d’ailleurs il se comporta d’une manière peu convenable à sa dignité, et plus séante à un jeune cavalier, qu’à la majesté royale (L). On fit bien des réflexions sur cette triste destinée (M). Il ne parla plus depuis sa blessure (N), et ainsi tous les discours qu’on lui attribue sont des contes forgés à plaisir. La sincérité avec laquelle les historiens français ont avoué les défauts de ce monarque, et l’ignominie qu’il fit souffrir à la nation, en préférant les conseils du connétable aux remontrances du duc de Guise (O), ne se voit guère dans les autres historiens. Ceux de la religion s’imaginèrent gagner beaucoup à sa mort, mais ils éprouvèrent encore plus de rigueurs sous François II ; et, humainement parlant, c’était fait d’eux dans la France, si François II eût vécu encore deux ans (P). On les accuse d’avoir témoigné leur joie d’une façon trop insultante sur la fin tragique de Henri (Q) ; mais on ne peut rien voir de plus modeste là-dessus que Théodore de Bèze [h]. J’ai oublié d’observer que ce prince, n’étant encore que dauphin, vivait avec le duc d’Orléans, son frère, dans une mésintelligence qui coûta bon à la France (R), et qui aurait été beaucoup plus funeste si le duc n’était pas mort. Que sait-on s’il n’aurait pas disputé la succession (S) ? Les dames avaient eu la hardiesse de faire courir des horoscopes qui ne pouvaient que fomenter la jalousie de ces deux frères. Elles avaient montré à François Ier. ces prétendues prédictions astrologiques. Castellan les réfuta (T) : l’événement les a réfutées encore mieux. Plusieurs auteurs disent qu’un fameux tireur d’horoscopes avait prédit que Henri II serait tué en duel (U). Les variations avec lesquelles on rapporte cette prédiction suffiraient seules à faire douter que les astrologues l’aient faite (X). Il eut dix enfans légitimes et deux naturels. On conte des choses assez remarquables touchant les mères de ceux-ci (Y).

Henri II était né à Saint-Germain-en-Laye, le 31 de mars 1519. Il portait le nom de duc d’Orléans lorsqu’il épousa à Marseille Catherine de Médicis, le 28 d’octobre 1533. Il n’avait que quatorze ans et quelques mois : cela fit craindre au pape Clément VII, oncle de Catherine, que le mariage ne fût pas consommé la nuit des noces ; et quelques auteurs prétendent que par la curiosité qu’il eut de s’en informer, il trouva des preuves qui lui mirent l’esprit en repos (Z). Ce jeune époux devint dauphin, le 10 d’août 1536, par la mort de son frère aîné. On a vu ailleurs [i] que son épouse fut stérile pendant quelques années ; et qu’ensuite elle lui donna plusieurs enfans. Il persécuta avec la dernière cruauté ses sujets de la religion ; et cependant il forgea lui-même les armes qui les aidèrent le plus efficacement à se maintenir (AA), car il fut cause que les protestans d’Allemagne mirent leurs affaires en si bon état, qu’il leur fut facile d’envoyer de grands secours aux calvinistes de France. La comparaison que l’on a faite entre son règne et les dernières années de François Ier., nous apprend qu’un roi trop enclin à répandre des faveurs est plus préjudiciable à son état, qu’un roi trop enclin à n’en point répandre (BB). Le défaut de Henri II était de mal ménager ses finances : il en pervertit par ce moyen l’administration, et s’endetta prodigieusement (CC). On a mis entre les désordres de son règne le mal que causèrent les poëtes [j]. La polygamie sous les règnes précédens n’était pas un cas pendable ; ce fut Henri II qui commença à la soumettre au dernier supplice (DD). On verra dans d’autres endroits de ce Dictionnaire ce qu’il ordonna contre les mariages clandestins [k], et contre les mères qui font périr leurs enfans [l].

J’ajouterai une chose que j’ai trouvée dans une lettre de Bodin. Le pape Jules III somma ce prince de comparaître devant Dieu, pour répondre du tort qu’il lui faisait de tenir la Mirande. Le roi fit réponse qu’il s’y trouverait ; mais qu’il s’assurait que le pape ne s’y trouverait point [m].

  1. Voyez la remarque (B).
  2. Le 10 d’août 1557.
  3. Celui de Cateau en Cambresis, conclu l’an 1559.
  4. Voyez l’article Poitiers, tom. XII.
  5. Pasquier, Lettres, liv. XV, tom. II, pag. 221. Voyez aussi liv. IV, tom. I, pag. 471.
  6. Monluc, Mémoires, liv. IV, pag. m. 789.
  7. Il fut blessé le 30 de juin 1559, et mourut le 10 de juillet de la même année.
  8. Voyez la remarque (Q), à la fin.
  9. Dans l’article Fernel, remarque (K), tom. VI, pag. 429.
  10. Voyez, tom. VII, pag. 28, la remarque (D) de l’article Garasse, au premier alinéa.
  11. Voyez la remarque (H) de l’article Piene, tom XII.
  12. Voyez la remarque (C) de l’article Patin, tom. XI.
  13. Bodin, dans une Lettre datée de Laon, le 27 de mars 1595, et rapportée par M. Ménage, Remarques sur la Vie d’Ayrault, pag. 250.

(A) Il rappela le connétable de Montmorenci. ] « Son père lui avait sérieusement recommandé qu’il se servît d’Annebaut, dans lequel il avait trouvé beaucoup d’expérience, de sagesse et de zèle, et nulle tache d’avarice ni d’ambition ; mais surtout qu’il se donnât bien de garde, s’il aimait le bien de son état, de rappeler le connétable de Montmorenci....... Néanmoins, quoiqu’il ni eût toute sa vie porté une très-respectueuse obéissance, il ne déféra rien à ses commandemens après sa mort. Il ôta l’administration de toutes les affaires à Annebaut et au cardinal de Tournon, pour la donner à Montmorenci [1]. » Nous allons voir que cette très-respectueuse obéissance eut des exceptions qui ne souffrent pas que M. de Mézerai en ait pu dire tout le bien qu’il en a dit. La précaution de François s’étendit jusqu’à défendre très-expressément au dauphin son fils aîné, qui fut depuis Henri II, d’avoir aucune communication avec le connétable........... Mais tout ce qu’il obtint sur son fils fut de dissimuler durant sept ans entiers l’amitié qu’il avait pour le connétable. Il ne la dissimula pas même avec tant d’adresse, que toute la cour ne sût qu’il ne se passait aucun jour sans qu’ils reçussent des lettres l’un de l’autre. Mais François Ier. ne se mit point en peine d’interrompre ce commerce, soit que le dauphin et le connétable eussent également réussi à le lui cacher ; ou que n’ayant plus d’autre fils que le dauphin, il appréhendât de le choquer [2]. Ces paroles sont de M. Varillas, et peuvent être fort justement critiquées : car 1°., si le dauphin eût dissimulé durant sept ans son amitié, il n’aurait pas tant de fois pressé son père de rappeler le connétable ; et néanmoins M. Varillas assure ce dernier fait [3]. 2°. Comment accorder l’alternative de cet auteur avec ce que M. de Mézerai débite [4], que le roi se fâchait beaucoup de ce que le dauphin, malgré ses défenses, entretenait commerce avec le connétable de Montmorenci.

(B).......... Cette désobéissance lui coûta cher. ] M. Varillas me fournira le commentaire de ce texte : je ne me contenterai pas de le citer quant au règne de Henri II, je reprendrai ses paroles d’un peu plus haut. Les disgrâces du connétable de Montmorenci, dit-il [5], de l’amiral Chabot, et du chancelier Poyet, sont racontées dans le IXe. livre de manière à ne pas surprendre ceux qui auront lu dans la République de Bodin, que François Ier. devenait de plus méchante humeur à proportion qu’il approchait de la vieillesse ; qu’il avait été convaincu par sa propre expérience, de n’avoir pu choisir deux hommes moins propres aux intrigues du cabinet, que l’étaient Montmorenci et Chabot ; et qu’encore qu’il ne pût pas attribuer le même défaut à Poyet, ce chancelier en avait un autre aussi grand, qui consistait à pousser les affaires trop loin ; que c’était là la source de tous les malheurs arrivés à sa majesté ; et que si elle continuait de se servir des mêmes ministres, elle ne devait point attendre de plus favorables succès. L’événement justifia que les trois ministres qui furent mis en la place des disgraciés, étaient plus capables qu’eux de la remplir ; et que si Henri II n’eût pas depuis rétabli le connétable de Montmorenci, il n’aurait pas été contraint de rendre pour le recouvrer cent quatre-vingt-dix-huit villes ou places fortes, et presque autant d’étendue de pays qu’en contenait le tiers de la France.

(C) Le connétable fut la cause d’un traité de paix beaucoup plus honteux à la monarchie française. ] M. de Mézerai, qui est celui de tous les historiens de France qui favorise le plus hautement les sujets contre la cour, ne laisse pas de blâmer la joie que le peuple témoigna de cette paix. Le peuple, dit-il [6], qui souhaite toujours la paix à quelque prix que ce soit, en témoigna grande réjouissance..... Mais le parti des Guises, les sages politiques, toute la noblesse, la blâmaient hautement, comme une tromperie manifeste qui faisait perdre à la France 198 places fortes pour trois seulement qu’on lui rendait, qui étaient Ham, le Catelet et Saint-Quentin. Il parle plus fortement dans sa grande histoire [7] ; car, en rapportant les articles de cette paix, il insère après ces paroles, que pour unir plus fortement les cœurs des princes, cette parenthèse (mais plutôt pour couvrir de quelque honnête prétexte la honte et la perte que la France recevait de ce malheureux traité) ; et voici ce qu’il dit vers la fin de la même page : « Ces articles étant apportés au roi, et communiqués par sa majesté aux princes et aux plus grands de son état, il y eut peu de gens qui ne les jugeassent entièrement désavantageux et honteux à la France ; aussi les condamnait-elle universellement par ses murmures. Brissac en ayant eu avis, bien qu’on lui eût dissimulé les articles, dépêcha en cour Boyvin-Villars, celui qui nous a laissé les mémoires de la guerre de Piémont, avec des instructions pour lui exposer ses très-humbles remontrances, et le détourner de cette paix si désavantageuse : concluant que si sa majesté était résolue de rendre ce qu’elle possédait en Italie, qui valait la meilleure province de son royaume, et lui pouvait rapporter tous frais faits 300 mille écus de revenu dans ses coffres, il ne lui demandait pour toute récompense de ses bons services sinon qu’il lui plût le bannir, lui et toutes les forces qui étaient de delà les monts, comme rebelles, et qu’il saurait bien conserver les places qu’il tenait aux dépens du Milanais et de la seigneurie de Gênes ; ou qu’au moins il mourrait glorieusement dans un pays d’où toutes les forces de l’Europe ne lui avaient su faire lâcher un seul pouce, depuis dix ans qu’on lui en avait commis la défense... Le roi témoigna avoir son zèle fort agréable ; mais au reste, ayant le cœur tout-à-fait porté à la paix, il répondit que quand il la ferait aux conditions qu’on lui proposait, il retiendrait encore assez de quoi se faire craindre à ses ennemis [8]. Sur quoi Guise poussé ou de son propre intérêt, ou des mouvemens de son honneur et de sa conscience, l’interrompant hardiment, lui dit : Votre majesté, Sire, me pardonnera si je lui dis que ce n’est pas en bien prendre le chemin, et que quand elle prouverait vingt-cinq ans durant la fortune aussi contraire qu’elle l’eut l’année passée, elle ne saurait perdre durant tout ce temps-là ce que l’on veut qu’elle rende en un seul jour. Il n’en coûta au feu roi vaincu et prisonnier, etc. » Je laisse toutes les raisons du duc de Guise, mais non pas ce qui les suit dans l’historien. Il dit beaucoup d’autres choses avec tant de véhémence, qu’il fit plusieurs fois changer de couleur au roi, mais non pas de résolution : le dé en était jeté ; et quiconque en fut cause, ou ses favoris, ou son propre naturel, il avait le courage si abattu qu’il ne pouvait plus supporter la guerre. Il ratifia donc le traité, et la paix fut publiée le 10e. jour du mois d’avril......... Tous les auteurs français qui ont écrit de ce temps-là, ont appelé cette paix la malheureuse et la maudite. Brissac ayant appris qu’elle était faite, s’écria plusieurs fois, ah ! misérable France, que de maux !....... Il demeura gouverneur des cinq villes et des huit châteaux que le roi retenait avec 8000 hommes de pied et 450 chevaux, et restitua les autres places : mais il en démolit auparavant la plus grande partie, et vendit les munitions, selon le commandement qu’il en reçut du roi ; non sans beaucoup de peine à avoir l’argent et les ordres nécessaires de la cour, parce que le connétable, favorisant le duc de Savoie, s’efforçait de lui faire retomber ses places toutes entières entre les mains, et même celles que le roi s’était réservées [9].

Nous verrons ci-dessous [10] que la cour de France fut assez faible pour se laisser persuader sous Charles IX et sous Henri III, l’évacuation du peu qu’elle s’était réservé ; et il n’y a point de doute que sous Charles IX le connétable n’ait eu bonne part à cette faute. Quand on songe aux biens immenses qu’il amassa, l’on ne doit pas dire de lui comme de tant d’autres, qu’en faisant bien les affaires de son maître il faisait très-bien les siennes ; il faut dire qu’en faisant très-bien ses affaires il fit très-mal celles de ses maîtres. Ne s’alla-t-il pas liguer sous Charles IX, avec les Guises, et ne fut-il point cause de la prodigieuse puissance où ils montèrent, qui fut si funeste à la monarchie, et qui pensa donner à la France une quatrième race de rois ? Lorsque François Ier. disgracia le connétable, il le traita d’ignorant dans les deux principales fonctions de sa charge, qui étaient la guerre et la politique [11]. Voyez le portrait que les partisans des Guises font de lui dans Mézerai [12].

Quelques critiques diront peut-être que M. de Mézerai exténue trop les avantages accordés à Henri II par le traité de Cateau. Pourquoi se contente-t-il de faire mention des trois villes qui furent rendues à la France ? Pourquoi supprime-t-il la conquête de Calais, et celle de Metz, et de Toul et de Verdun ? Mais cette critique serait très-mauvaise ; car le traité de Cateau n’accorda point ces quatre places à Henri II. Il laissa l’empire dans la pleine liberté de redemander la restitution des trois dernières ; et il engagea solennellement la France à restituer Calais à l’Angleterre au bout de huit ans. C’est à quoi ne prit point garde l’historien anonyme qui parla ainsi [13]. « Le roy de France rendit à celui d’Espagne tout ce qu’il avoit conquis sur lui deçà et delà les monts. Item, au prince de Piemont la Bresse, la Savoie, le Piemont, excepté quatre villes : aux Génois l’île de Corse : Siene au duc de Florence : et ne retint rien que Calais, sans gaigner un poulce d’autre terre en ceste longue et pernicieuse guerre qui avoit desolé tant de provinces, saccagé, bruslé, ruïné tant de villes, bourgs, villages et chasteaux, fait mourir tant de princes, seigneurs, gentilshommes, capitaines, soldats, citadins et païsans, causé tant de ravissemens et violemens de femmes et filles : en un mot qui avoit mis sens dessus dessous toute l’Europe. Le roy rendit plus de deux cens (autres disent presque deux fois autant) places, pour la conqueste desquelles une mer de sang de ses sujets avoit esté espandue, les trésors du royaume espuisés, son domaine engagé, et lui endepté de toutes parts. » Cet historien suppose que pour le moins Henri II vit agrandir ses états par la cession de Calais. C’est un mensonge. Tout le reste de son discours est solide ; et comme il est sûr qu’on eût pu représenter au roi d’Espagne ce qu’Annibal représentait au général des Romains [14], quels foudres ce discours-là ne lance-t-il point sur la tête de Henri II ? On pouvait dire au roi d’Espagne que les pays, dont il dépouillait la France par ce traité de paix, ne valaient pas les sommes immenses que la guerre lui avait coûtées, ni tant de soldats et tant d’officiers qu’il avait perdus. Si cela était capable de diminuer la joie qu’une paix avantageuse lui faisait sentir, quel aurait dû être le crèvecœur du monarque à qui elle était désavantageuse ? Revenir d’une longue guerre les mains vides, c’est une honte, disait Homère [15]. Il eût parlé bien plus fortement sur un cas tel que celui-ci.

(D) L’esprit de persécution...... s’empara de ce prince. ] Henri II fut extrêmement sévère contre les réformés : il les faisait mourir sans rémission ; mais ils ne laissèrent pas de multiplier beaucoup sous son règne. S’ils ne furent pas fâchés de l’extrême consternation qui saisit la cour de France et la ville de Paris, après la bataille de Saint-Quentin, ils ne firent que ce que la nature leur inspira : toute secte maltraitée, et qui ne peut espérer quelque relâche qu’en cas que la cour se trouve dans l’embarras, se réjouira des progrès de l’ennemi, sera bien aise de voir ses persécuteurs si occupés des affaires du dehors, qu’ils ne sachent presque de quel côté se tourner. De toutes les sectes chrétiennes il n’y en a point de plus disposée à se conduire selon cet esprit, que la communion de Rome. Ainsi l’on ne devrait pas s’étonner, quand ce que M. Maimbourg assure [16] serait véritable : savoir, que les protestans se prévalurent de l’affliction publique où l’on était après la bataille de Saint-Quentin....... et se hasardèrent de faire leurs assemblées en plein jour dans les rues les plus fréquentées de Paris, et de paraître même en public, et de s’assembler en plein jour à grosses troupes dans le Pré-aux-Clercs, pour y chanter à haute voix les psaumes de Clément Marot. Cela doit apprendre aux princes que les édits de persécution les exposent à de grands inconvéniens : cela est cause que leurs feux de joie affligent une partie de leurs sujets, et que les victoires de leurs ennemis la remplissent de consolation. S’ils se plaignent d’avoir de mauvais sujets, on leur doit répondre : c’est vous qui les rendez tels [17] ; car de prétendre qu’un parti persécuté s’affligera des maux publics qui sont la source de son repos, et le fondement d’une espérance très-plausible de prospérité, c’est prétendre le retour des premiers siècles du christianisme ; or ces temps-là ne reviennent pas deux fois. C’est demander des hommes tout semblables à ceux du règne de mille ans, si jamais il vient. Mais retournons à Henri II. Dès qu’il vit que les protestans pensaient profiter de la perte qu’on avait faite à la journée de Saint-Quentin, il fit un nouvel édit portant défense à tous les juges de modérer la peine de mort et de confiscation de tous les biens contre tous ceux qui seraient non-seulement trouvés coupables du crime d’hérésie, mais aussi convaincus d’avoir porté en France des livres imprimés à Genève contre la doctrine de l’église catholique. Ainsi l’on procéda plus rigoureusement encore qu’on n’avait fait auparavant contre les calvinistes [18]. Mais comme cela n’empêchait point qu’ils ne se multipliassent, et qu’il n’y eût même des personnes de la première qualité qui suivissent leur parti, le roi vit bien que pour l’extirper il avait besoin de faire la paix avec la maison d’Autriche ; et ce fut sans doute l’un des grand motifs qui le portèrent à fermer les yeux sur le bon état où il avait remis ses affaires [19]. Il avait arrêté le progrès de ses ennemis, et il leur avait même enlevé de très-fortes places. N’importe ; il aima mieux leur accorder tout ce qu’ils voulurent, que de n’avoir pas ses coudées franches pour exterminer les protestans de son royaume. C’est ainsi que l’on a vu la même cour laisser perdre les occasions les plus favorables de s’agrandir, l’an 1684, afin de s’appliquer uniquement à la suppression de l’édit de Nantes. Ceux qui se laissent posséder de cet esprit n’ont qu’à renoncer au titre de conquérant. Si Henri II avait survécu long-temps à l’ignominieuse paix qu’il accepta, on ne l’eût vu occupé qu’à des tournois et à des persécutions mais il mourut peu après la signature. M. Maimbourg est un témoin récusable, sur la joie qu’il dit que les hérétiques en eurent. Voici ses paroles [20] : Aussi fut-il pleuré avec des larmes très-véritables, et infiniment regretté de tous ses sujets, excepté des seuls protestans, qui croyant être délivrés par sa mort de ce qu’ils appelaient persécution de l’église, firent éclater d’une manière très-indigne par leurs paroles, par leurs actions et par leurs écrits scandaleux, la joie excessive qu’ils en avaient.

On peut faire à l’égard de Henri II la même remarque qu’à l’égard de François Ier. [21]. Il attaquait le parti par les girouettes ; il lui enlevait quelques tuiles, pendant qu’il lui bâtissait des forts : il faisait mourir en France quelques petits particuliers, et en même temps il se liguait avec les protestans d’Allemagne contre Charles-Quint, etc. [22] ; et voulait bien être appelé le protecteur de la liberté germanique, c’est-à-dire en ce temps-là le protecteur des protestans [23]. Les autres princes catholiques tenaient la même conduite [24]. Je trouve mémorables ces paroles de M. le Laboureur : Pour arracher la zizanie d’avec le bon grain, dit-il [25], Dieu ne veut choisir que des princes innocens et de bonne vie, et il ne se veut point servir des mains politiques, comme étaient celles des conseillers de toutes les couronnes catholiques de ce temps-là, qui ne nettoyaient leurs champs que pour jeter l’ivraie dans ceux de leurs voisins, et qui ne poursuivaient l’hérésie que comme une faction contraire à l’autorité. Charles-Quint et les rois d’Espagne ses successeurs ont favorisé en plusieurs rencontres les protestans d’Allemagne et les protestans de France. Voyez-en les preuves dans le Ier. tome [26] de l’Apologie pour les Catholiques., composée par M. Arnauld. L’ambassadeur d’Espagne sollicitait des secours en Angleterre pour M. le duc de Rohan. Ce que Grotius écrit sur cela est remarquable. Validus est rumor, Gonthomerunm, et qui in aulâ Anglicâ Hispanicæ sunt factionis, apertè profiteri, non debere à rege Britannicarum deseri religionis consortes in Galliâ, ne si quando vetera jura repelere ipsi sit animus, desint, qui partes Anglicas sequantur [27]. Voyez dans le testament politique du marquis de Louvois [28] quelques réflexions sur les violences exercées en Hongrie contre les protestans, par les ordres de la même cour qui peu après a rendu de si grands services aux protestans de la Grande-Bretagne et de Hollande, que Louis XIV et Jacques II étaient résolus d’opprimer, dit-on.

(E) Élisabeth, reine d’Angleterre, avait de l’admiration pour lui du côté de la bravoure. ] Brantôme nous instruira là-dessus : J’ai ouï conter à la reine d’Angleterre qui est aujourd’hui, dit-il [29], que c’étoit le roi et le prince du monde qu’elle avoit plus desiré de voir, pour le beau rapport qu’on lui en avoit fait, et pour la grande renommée qui en voloit partout..... Étant à table devisant familierement avec ces seigneurs, elle dit ces mots (après avoir fort loué le roi) c’étoit le prince du monde que j’avois plus desiré de voir, et lui avois déjà mandé que bien-tost je le verrois, et pour ce j’avois commandé de me faire bien apareiller mes galeres (usant de ces mots) pour passer en France exprès pour le voir. Voyez le même récit dans les Mémoires des Dames Galantes, où il est expressément marqué que cette reine désirait de voir Henri II, à cause qu’il était brave, vaillant et généreux, et fort martial [30].

(F) Le duc de Savoie épousa la sœur de Henri II, princesse de grand mérite.] Elle s’appelait Marguerite, comme sa tante la reine de Navarre, et avait comme elle beaucoup d’inclination à l’étude et à protéger les savans. Elle fut soupçonnée d’avoir goûté les nouvelles opinions, et d’en avoir communiqué quelque chose à Catherine de Médicis [31]. Voyez son éloge dans Brantôme [32], et dans M. le Laboureur. Ce dernier nous apprend un fait qui mérite d’être su. Marguerite de France, dit-il [33], fut mariée à quarante-six ans [34], et comme son âge semblait trop avancé pour croire qu’elle eut des enfans, on crut que le bruit de sa grossesse était une ruse, pour obliger le roi à lui remettre d’autant plus volontiers les places qu’il détenait. C’est pourquoi le sieur Huraut de Bois-Taillé, ambassadeur à Venise, manda, en une lettre du 27 juillet 1561, à Bernardin Bochetel, évêque de Rennes, ambassadeur de France en Allemagne : l’on dit que madame de Savoie est grosse, mais je crois que cela se fait ad aliquid. Ce bruit se trouva vrai par la naissance de Charles Emmanuel, aïeul du duc de Savoie qui règne à présent [35].

(G) ..... Et qui sut duper la cour de France fort avantageusement pour son mari. ] Le traité de Cateau portait que dans trois ans les droits que le roi prétendait sur les terres du duc de Savoie seraient examinés et règles par des commissaires de part et d’autre[36]. Le roi François II et le duc avaient nommé pour cela des députés, l’an 1560. Les députés du roi firent six demandes très-considérables ; mais, au lieu d’obtenir quelque chose, la cour de France abandonna toutes les villes qu’elle s’était réservées. Elle ordonna, par lettres patentes du 8 d’août 1561, qu’on remît au duc Turin, Chivas, Quiers et Ville-Neuve d’Ast, à la réserve des munitions et de l’artillerie, en échange de Pignerol, Savillan et la Pérouse, avec leurs finages. Imbert de la Platière Bourdillon, lieutenant pour le roi delà les monts, forma plusieurs difficultés, envoya de grandes remontrances au conseil pour empêcher l’exécution de cet ordre, et ne voulut obéir qu’après trois jussions, et sur des décharges les plus solennelles qu’il se put imaginer. La duchesse joua bien son rôle dans cette négociation : sa prudence fut louée d’avoir conquis, par son adresse, les places qui restaient à rendre, et que les commissaires du roi ne purent défendre contre sa douce manière de soulever innocemment les cœurs, et de forcer les places les plus imprenables. C’est M. le Laboureur qui dit cela[37]. Brantôme raconte fort au long toute cette affaire : les divers sentimens des ministres, les oppositions formées par Bourdillon, et les manières dont il se laissa fléchir. Il en coûta bien des présens au duc et à la duchesse de Savoie[38]. Il restait encore trois places aux Français dans le Piémont, savoir : Pignerol, Savillan et la Pérouse. La duchesse seconda merveilleusement son mari pour les retirer d’entre leurs mains, lorsque Henri III passa par Turin, en revenant de Pologne. Je me servirai des paroles de M. Varillas. « Le duc et la duchesse de Savoie, qui se proposaient de faire ce que n’avait pu faire l’Espagne lorsqu’elle était la plus heureuse, c’est-à-dire de renvoyer les Français delà des Alpes, mirent en usage un artifice tout nouveau, qui fut celui des divertissemens et des festins qui se succédaient de si près les uns aux autres, qu’à peine restait-il du temps pour dormir. Des relations de bonne main parlent d’une collation superbe qui coûta cent mille écus : le duc et la duchesse en avaient fait la dépense, et ce fut pour se dédommager qu’ils pressèrent Henri III de leur restituer Pignerol, Savillan et la Pérouse[39]. » Henri III leur promit qu’ils auraient satisfaction, et leur tint parole ; car ayant tenu conseil à Lyon sur cette affaire, l’évacuation de ces trois places y fut conclue, nonobstant les fortes raisons de celui qui y commandait. C’était le duc de Nevers[* 1]. « Il eut la liberté de dire tout ce qu’il voulut, et la satisfaction que l’écrit qu’il présenta pour appuyer sa harangue, quoique très-ample, fut lu en présence de Henri III ; mais la restitution des trois places n’en fut pas moins résolue, et sa majesté lui donna de sa propre bouche l’ordre de les évacuer. Il en devait demeurer là, puisque tout le monde lui rendait la justice de croire qu’il avait satisfait à sa conscience et à son honneur ; mais il eut recours à d’autres précautions qui lui attirèrent l’aversion de la cour, et l’empêchèrent longtemps de rentrer dans le conseil d’état. Il s’obstina à solliciter que l’ordre qu’il recevait de la boucle du roi fût encore écrit de la propre main de sa majesté ; que la reine-mère, les princes du sang et les officiers de la couronne le signassent ; qu’il fût enregistré dans les parlemens en suite de l’écrit qu’il avait fait pour s’en dispenser ; et que les principales villes du royaume l’insérassent dans leurs archives. On lui accorda presque tout cela, mais ce ne fut pas sans lui reprocher qu’il affectait de se signaler aux dépens de son maître, et qu’il devait imiter le maréchal de Brissac, qui s’était contenté en cas semblable de redoubler ses très-humbles remontrances, et de demander qu’on lui envoyât un successeur[40]. »

(H) Les murmures contre la paix s’étendirent jusque sur elle. ] Brantôme, qui vivait en ce temps-là, nous va dire cavalièrement quelques circonstances de ces murmures. « Ce mariage... coûta bon à la France, car de tout ce qu’on avoit conquis et gardé en Piemont et Savoye l’espace de trente ans, il fallut qu’il se rendist en une heure, tant le roy Henry desiroit la paix et aymoit sa sœur, qu’il ne voulut rien espargner pour la bien colloquer ; mais pourtant la plus grande part de la France et de Piemont en murmuroient, et disoient que c’étoit un peu trop. D’autres le trouvoient fort estrange, et d’autres fort incroyable, jusques à ce qu’ils l’eussent veu, et mesmes les estrangers s’en mocquoient de nous, et ceux qui aimoient plus la France et son bien en pleuroient, lamentoient, et sur tout ceux de Piemont qui ne vouloient tourner à leur premier maistre : si les ducs de Savoye se doivent justement appeller maistres et seigneurs de Piemont, d’autant que les roys de France le sont esté d’autrefois, et sont encore justes seigneurs, titulaires et maistres, legitimement leur appartient. Quant aux soldats et compagnons de guerre qui estoient jà si long temps accoustumez aux garnisons, douceur, et belles nourritures de ce pays, ne faut point demander ce qu’ils en disoient, comment ils en crioient, s’en desesperoient, et ce qu’ils en debagouloient ; les uns, tant Gascons qu’autres, disoient : He Cap de Biou, faut-il que pour une petite piece de chair qui est entre les jambes de cette femme, qu’on rende tant de belles et grandes pieces de terre. D’autres, elle devoit bien garder l’espace de quarante-cinq ans [41] sa virginité et son beau pucelage, pour le perdre pour la ruine de la France. Que si de ce temps ils eussent esté autant déreglez, mutins et seditieux, comme depuis on les a veus en nos guerres civiles, assûrez-vous, qu’un chacun en eust pris la part, et se fussent saisis des places qu’on eust eu bien de la peine de les en chasser [42]. » N’est-il pas étrange que M. le Laboureur, qui avait lu ces paroles tout fraîchement, nous vienne dire néanmoins, qu’il n’y eut que certains politiques qui trouvèrent à redire qu’elle fut si chèrement mariée, et tous les autres furent bien aises qu’elle emportât avec soi une récompense qui fût du prix de son mérite, et qu’on lui donnât en dot les états qu’on avait pris sur son mari [43] ? Voilà le langage d’un faiseur d’éloge : un tel homme, sans procuration, se charge pourtant de faire, au nom du public, toutes les avances nécessaires au panégyrique, et ne se met point en peine si le fait est réfuté par les auteurs les mieux instruits. Mezerai, qui écrivait une histoire et non pas un panégyrique, s’est bien autrement conformé [44] que M. le Laboureur au témoignage de Brantôme.

Je ne saurais lire ces paroles, et mesme les estrangers s’en mocquoient de nous [45], sans m’écrier que c’étoit un bon temps pour les écrivains du Pays-Bas, et de tout autre pays malintentionné pour la France. Quelles insultes n’avoient-ils pas lieu de lui faire ? Quelles fanfares n’avoient-ils pas lieu de publier ? Car je suppose qu’ils étaient, ou peu s’en faut, de l’humeur du temps présent.

(I) Un auteur moderne a voulu justifier la conduite de Henri III. ] Ce moderne est l’antagoniste de Costar. Ce dernier trouvait mauvais [46] qu’on eût critiqué Voiture, pour avoir dit quelque part en se jouant, qu’il estimait plus un bon potage que le panégyrique de Pline, et que la plus longue harangue d’Isocrate. M. de Girac, poursuit-il, croit que M. de Voiture est aussi fou que ce profane qui céda son droit d’aînesse pour une soupe de lentilles, et que ce prince des nôtres qui donna Pignerol pour un bon repas. À quoi ne se porte-t-on point, quand on est ému par la chaleur d’une querelle ? On convertit en crimes les moindres fautes qui échappent à l’antagoniste. Girac, qui par rapport à un autre homme se serait apparemment contenté de représenter que le mot de fou est trop fort pour être employé à désigner la faute d’un prince, se rend délateur de crime d’état contre Costar, son ennemi. Pesons bien toutes ses paroles [47]. « Il a bien osé, par un attentat punissable des plus severes chastimens, porter son venin et sa malice sur la sacrée personne de nos roys. Ne compare-t-il pas [* 2] la liberalité de Henry troisiesme à la sottise d’Esaü, qui céda son droit d’aînesse pour une souppe de lentilles ? N’appelle-t-il pas fou ce grand prince, pour avoir rendu Pignerol au duc de Savoye, qui avoit l’honneur d’estre son oncle, et de qui il attendoit de grands secours, dans la pressante necessité de ses affaires ? A-t-on jamais pris Louis XII pour un fou, luy qui fit present au roy de Navarre de la principauté de Bearn, et qui détacha de ses estats une piece de telle importance ? Personne a-t-il accusé de folie le peuple romain [* 3], quoi qu’il ait donné souvent des provinces et des royaumes entiers à divers roys de ses amis ? Et si Alexandre, comme dit Plutarque, eût payé volontiers de l’isle de Chipre des vers composez à sa louange, un roy de France, pour avoir rendu une place à son parent, qui l’avoit receu dans ses estats avec beaucoup de frais et de magnificence, passera-t-il pour insensé parmi des gens qui auront le moindre rayon de sens commun ? » Un peu après il demande si M. Costar n’apprehende point de chastiment sous le regne d’un prince, proche parent de Henry qui vivoit il n’y a pas si long-tems ? Et il cite ce que Guicciardin et Paul Jove ont dit de l’extrême vénération que les Français ont pour leur monarque. Il revient souvent à la même accusation [48] ; il faut attribuer cela aux symptômes d’une espèce de fièvre qui saisit les écrivains, quand ils en sont aux répliques et aux dupliques.

Quand il nous aurait nommé tous les souverains qui, depuis le commencement du monde, ont donné des villes ou des provinces, ou même des royaumes, il n’eût point persuadé aux experts, aux connaisseurs, qu’on ait jamais fait de pareils presens dans des circonstances semblables à celles de Henri III, sans commettre une folie. Henri III se dessaisit de Pignerol en faveur d’un prince qui devait aux Espagnols son glorieux rétablissement, et qui dans le fond de l’âme était Espagnol à brûler [49], c’est-à-dire, toujours prêt à favoriser le plus redoutable ennemi qu’eût alors la France. Ce fut à un tel duc de Savoie que l’on livra une place qui ouvrait le royaume à l’ennemi, et qui tenait en respect ce même duc, pour l’empêcher de se liguer avec l’Espagne. Mais, dira-t-on, ce duc avait fait tant de caresses à Henri III, et tant de dépenses pour le régaler à Turin, n’était-il pas juste de le regarder comme un bon et constant ami ? Non ; cela n’était point juste. Il n’y a que des ignorans qui puissent compter sur la constance de l’amitié entre souverains. À voir les présens qu’ils se font, et les lettres qu’ils s’écrivent en temps de paix, on jurerait qu’ils s’aiment de tout leur cœur, et qu’ils s’aimeront ainsi toute leur vie ; mais il est vrai très-souvent qu’ils négocient en ce temps-là un engagement à la rupture, et qu’ils n’ont dessein de se rendre du service les uns aux autres, que jusqu’à ce que l’occasion se présente de profiter d’une hostilité. Jamais cela ne fut aussi véritable qu’au temps qu’Henri III recevait mille caresses à la cour du duc de Savoie. Le duc était entièrement disposé à profiter des confusions qu’il voyait en France, et de s’aider pour cela des Espagnols ; et il laissa un fils qui fut l’héritier de cette passion, et qui non-seulement s’empara du marquisat de Saluces, mais aussi forma des conspirations qui avaient pour but le démembrement de la France, et la ruine totale de la monarchie [50]. Peut-on donc assez blâmer la bévue de Henri III ? Voyez la remarque (F) de son article.

(K) Ses favoris acquirent de grands biens par des voies....... injustes. ] De peur qu’on ne m’accuse d’outrer les choses, je me servirai des termes de Mézerai. « Les dépenses que lui firent faire ceux qui disposaient de sa faveur et de ses affaires, et dont ils convertirent une bonne partie à leur profit, furent si excessives, qu’il surchargea le royaume de grands impôts, et s’endetta de plus de quarante millions de livres. Avec cela ils ruinèrent encore quantité de familles par une damnable convoitise. C’est que l’invention des partis et des monopoles n’étant pas alors si en usage, ils se servirent d’une autre non moins pernicieuse, savoir, de dénoncer les plus riches sous prétexte d’hérésie et autres crimes, et de rechercher ou de faire des coupables, afin d’en avoir les dépouilles, où de les contraindre d’acheter leur grâce par leur intercession [51]. » Cet historien venait de dire que Henri II n’est accusé d’autre défaut que d’avoir eu l’esprit trop facile, et plus capable d’être gouverné que de gouverner lui-même. C’est un des plus grands défauts d’un roi, parce qu’ordinairement ceux qui le gouvernent, quand il est en cet état, font plus de maux qu’il n’en ferait s’il les gouvernait.

(L) Il se comporta d’une manière peu convenable à sa dignité, et plus séante à un jeune cavalier qu’à la majesté royale. ] C’est ainsi qu’en jugèrent les personnes sages, comme nous l’apprend un auteur de ce temps-là [52]. « L’on a ouvert le pas à un tournoy en la ruë Sainct-Antoine, devant les Tournelles, avec toutes les magnificences et parades dont l’on s’est peu adviser : et ce pour autant que le roy estoit l’un des tenans, suivy de MM. de Ferrare, de Guise et de Nemoux. Ce que plusieurs personnes de bon cerveau trouvoyent estrange : disans que la majesté d’un roy estoit pour estre juge des coups, et non d’entrer sur les rangs. Mesme que dans les vieux romans les roys en tels estours n’avoyent appris de faire actes de simples chevaliers, ains ou se desguisoyent, s’ils avoyent envie d’entrer en la lice, ou bien du tout s’en abstenoyent. Toutesfois telle a esté la mesadventure du roy, qu’il a voulu avoir le premier honneur de la jouste. Et croy que le desir qui lui en prit, fut pour faire paroistre aux estrangers combien il estoit adextre aux armes et duit à bien manier un cheval. De sorte que ceux qui estoyent pres de luy ne l’oserent destourner de ceste entreprise. Chose qui a depuis apporté un miserable spectacle à la France. »

(M) On fit bien des réflexions sur cette triste destinée. ] Je ne veux point alléguer le témoignage des écrivains protestans : chacun voit que celui d’Étienne Pasquier aura plus de force [53]. « Voilà comment nostre bon roy Henry est decedé. Et comme le commun peuple a naturellement l’œil fiché sur les actions de son roy, aussi ne s’est pas trouvée ceste mort sans recevoir quelques commentaires et interpretations de quelques-uns. Car pour vous compter tout au long comme les choses se sont passées en ceste France, soudain que la paix fust faite, M. le cardinal de Lorraine, qui en avoit esté l’un des premiers entremetteurs, declara en plein parlement, que l’opinion du roy avoit esté de la faire à quelque prix et condition que ce fust, pour de là en avant vacquer plus à son aise à l’extermination et bannissement de l’heresie de Calvin. Et de faict le dixiesme jour de juin il se transporta en personne au milieu de son parlement, pour tirer de chaque conseiller son advis sur la punition des heretiques. Surquoy fut par plusieurs opiné assez librement ; quelques-uns estans d’advis d’en faire sursoir la punition jusques à la decision d’un concile general qu’ils disoient estre necessaire. Au moyen dequoy le roy esmeu d’une grande et juste colere commanda des l’instant mesme à Montgommery de se saisir de quelques uns de la compagnie qui avoyent opiné plus librement qu’il ne vouloit. Lesquels furent sur-le-champ menez prisonniers dans la Bastille. Parquoy disoyent ces nouveaux commentateurs que ce mal estoit advenu au roy par un juste jugement de Dieu pour venger ces emprisonnemens tortionniers. Que les opinions devoyent estre libres, et non sondées par un roy, pour puis apres les ayant ouyes envoyer les conseillers en une prison close. Que Dieu l’avoit chastié par la main de celuy du ministere duquel il s’estoit aydé pour faire ces emprisonnemens. Mesme que tout ainsi que le dixiesme de juin il avoit faict ceste honte à la cour de parlement, aussi le dixiesme de juillet ensuyvant, jour pour jour, il estoit allé de vie à trespas. Ainsi devisoyent les aucuns du peuple selon leurs passions particulieres de ceste mort : ne cognoissans pas toutesfois que les mysteres de Dieu nous sont totalement cachez, et tels que pour l’imbecillité de nos sens nous les rapportons ordinairement plus à nos opinions, qu’à la verité. » Anne du Bourg fut un de ceux que le roi fit enfermer à la Bastille, et celui contre lequel il se mit le plus en colère ; car entre autres propos il dit qu’il le verrai de ses deux yeux brûler [54]. Fra Paolo remarque que la reine-mère fut horriblement irritée de ce que les luthériens publiaient, dans leurs manifestes, que la blessure du roi, son mari, dans l’œil, était une punition de Dieu, pour les menaces qu’il avait faites à Anne du Bourg, en lui disant qu’il le voulait voir brûler [55].

(N) Il ne parla plus depuis sa blessure. ] Presque tous les historiens disent qu’un éclat de la lance de Montgommeri sauta dans l’œil de Henri II, et le blessa mortellement ; mais ce qu’en dit Mézerai me semble plus vraisemblable. Il arriva, dit-il [56], que Montgommeri lui ayant brisé sa lance dans le plastron ne put retenir son bras, tellement qu’il lui donna dans l’œil droit avec le tronçon qui lui restait à la main, avec si grande violence qu’il lui en passa un éclat jusqu’au derrière de la tête. De cette façon Montgommeri pouvait paraître infiniment plus criminel, quoiqu’au fond il n’eût point agi volontairement. L’historien ajoute : On ne sut pas au vrai, même en ce temps-là, si le roi parla ou non depuis qu’il eut reçu le coup, la vérité ayant été déguisée par ceux qui étaient auprès de lui, ou rendue incertaine par les divers bruits qu’en firent courir ceux qui avaient divers intérêts. Il y en a qui nous rapportent de belles remontrances qu’il fit à son fils : quelques autres ajoutent même que, quand on l’emporta hors des lices, il regarda vers la Bastille où étaient les prisonniers du parlement, disant avec un grand soupir qu’il avait peur d’avoir maltraité des hommes innocens, et que le cardinal de Lorraine, le reprenant aussitôt, l’exhorta de rejeter cette pensée qui lui était suggérée par l’esprit tentateur. D’autres maintiennent qu’il perdit la parole et toute connaissance dès le moment qu’il fut frappé [57], ce qui est confirmé par le raisonnement de plusieurs médecins, qui enseignent qu’un homme devient nécessairement muet lorsqu’il a le cerveau blessé, ou ébranlé avec grande violence. Allez vous fier après cela aux relations que l’on fait courir, touchant les dernières paroles des mourans [58].

(O) Il préféra les conseils du connétable aux remontrances du duc de Guise. ] Le connétable, prisonnier depuis la journée de Saint-Quentin, voulait recouvrer sa liberté à quelque prix que ce fût. Les Guises profitaient trop de son absence. Voilà pourquoi il négocia un traité de paix où il accorda aux Espagnols tout ce qu’ils voulurent ; et il connaissait tellement le faible du roi son maître, qu’il lui persuada aisément de consentir à ce traité. Le duc de Guise eut beau se servir de mille raisons démonstratives [59], pour faire rejeter une paix qui sacrifiait aux Espagnols la gloire du nom français, et plus de places en un jour qu’ils n’eussent pu en conquérir dans un siècle, le roi fut sourd à tout cela. Il faut rapporter ici une observation de Brantôme [60] : il prétend que Henri II, las et dégoûté de l’insolence de messieurs de Guise, les voulut renvoyer chez eux ; mais pour cela il eut besoin de recouvrer son connétable, et de terminer la guerre : il lui manda donc, et au maréchal de Saint-André [61], de moyenner une paix ; ce qu’ils firent à notre désavantage. N’oublions pas l’autre machine : ces deux prisonniers, et la duchesse de Valentinois, s’enrichissaient de la dépouille des hérétiques ; qui doute que pour obtenir la paix ils n’aient fait accepter toutes sortes de conditions, afin de vasquer tout à leur aise aux affaires de l’inquisition ? Il est certain [62] que les cabales de cette duchesse, secondées par le connétable, entraînèrent le roi dans ce précipice.

(P) C’était fait des réformés dans la France, si François II eût vécu encore deux ans. ] C’est le sentiment de Théodore de Bèze ; car ayant étalé toutes les raisons qui leur promettaient un meilleur temps après la mort de Henri, il ajoute [63] : Mais Dieu en avait disposé tout autrement, voulant avoir l’honneur qui lui appartient d’avoir redressé son église par son seul bras et effort, d’autant plus admirable que la résistance des plus grands aurait été plus forcenée. Ce fut donc durant le règne de François II, successeur de Henri, que la rage de Satan se déborda à toute outrance : de sorte qu’il se peut dire de ce règne, n’ayant duré que dix-sept mois, ce que dit Jésus-Christ en saint Matthieu, à savoir que si ces jours-là n’eussent été abrégés, personne ne serait échappé, mais qu’à cause des élus ils ont été abrégés. Le détail des mesures que l’on avait prises pour ruiner entièrement le parti, se voit en très-peu de pages dans M. Maimbourg [64]. Prenez garde aux paroles qu’il met en tête de ce détail [65].

(Q)..…. On les accuse d’avoir témoigné leur joie d’une façon trop insultante sur la fin tragique de Henri. ] J’ai déjà cité [66] sur cela M. Maimbourg ; et voici les paroles de Mézerai [67]. « Comme ce prince avait eu une grande bonté, il fut pleuré de tous ses peuples, hormis des nouveaux sectaires, qui croyaient que sa mort serait leur liberté et leur accroissement. Ils en eurent tant de joie qu’ils en firent des chansons et des actions de grâces à Dieu, ou plutôt des blasphèmes, osant dire que le Tout-Puissant l’avait frappé sous les murailles de la Bastille, où il tenait les innocens en prison. Il ne faut pas trouver étrange que dans un grand nombre de gens il se rencontre quelques indiscrets ; mais c’est une chose très-louable que l’historien des églises réformées ait gardé la modération que l’on va voir : Ne restoit rien en apparence, sinon un très-horrible spectacle d’extreme desolation, quand le Seigneur y pourveut. Car le roy Henry au plus fort de ses triomphes de la paix joints avec le mariage.... courant en lice... fut atteint d’un contrecoup d’une lance... et mourut le 10e. jour de juillet suivant. Choses estranges furent remarquées en la mort tant inopinée de ce prince, qui de sa nature estoit debonnaire, mais ne voyoit ni oyoit que par les yeux et aureilles de ceux qui le possedoient et gouvernoient à leur appetit [68].

(R) Il vivait avec le duc d’Orléans son frère, dans une mésintelligence qui coûta bon à la France. ] La faction du dauphin avait pour chef Diane de Poitiers, qui était maîtresse de ce prince. Cela fut cause que la duchesse d’Étampes embrassa les intérêts du duc d’Orléans. J’ai parlé ailleurs [69] du préjudice qu’apportèrent aux affaires de François Ier. les intrigues de cette duchesse.

(S) Que sait-on si le duc d’Orléans n’aurait pas disputé la succession ? ] Tavanes, qui était à son service, et qui avait une passion démesurée de s’agrandir, espérait beaucoup de l’ambition de ce prince, « qui pensait à se rendre souverain du vivant du dauphin, son frère aîné. Aussi l’empereur Charles V le flattait-il fort dans son honneur, par des espérances qui lui avaient bien élevé le courage ; c’est pourquoi étant à l’extrémité, à Farenmonstier, où il avait été témérairement défier la mort dans une maison pestiférée qu’il choisit exprès, Tavanes, son confident, lui étant venu apporter la nouvelle de l’exploit qu’il avait fait sur la garnison de Calais, dont il avait tué huit cents hommes et fait quatre cents prisonniers, il lui dit ces mêmes mots, Mon ami, je suis mort, tous nos desseins sont rompus ; mon regret est de ne pouvoir récompenser vos mérites [70]. »

(T) Les dames... avaient montré à François Ier. de prétendues prédictions astrologiques. Castellan les réfuta. ] Environ deux ans avant la mort de ce prince, certaines femmes, qui avaient beaucoup de part à son amitié, lui dirent que les astres promettaient de grandes conquêtes au duc d’Orléans, et annonçaient que le dauphin ne ferait rien qui fût digne de la qualité de roi de France. Elles tenaient ces discours, parce qu’elles connaissaient l’affection particulière de François Ier. pour ce duc, et parce qu’elles souhaitaient de s’enrichir par le crédit de ce jeune prince. Elles le louaient ; elles l’élevaient jusques au ciel, et décriaient le dauphin comme un esprit lourd et pesant, et d’une étoile la plus malheureuse du monde [71]. Castellan ne put souffrir ni leurs flatteries, ni leurs médisances : il se tourna vers ces dames, et les regardant d’un sourcil froncé, il leur dit que l’astrologie était malaisée à apprendre, et qu’il était encore plus malaisé de l’ajuster aux événemens humains. Il ajouta que la vanité et l’impudence des astrologues les rendaient indignes d’être crus ; qu’il avait autrefois étudié ces matières sous Turreau [72], et qu’il y avait fait autant de progrès qu’aucun autre ; que par une espèce d’amusement, et pour satisfaire les curieux, il avait dressé avec toute l’exactitude possible l’horoscope du dauphin et celui du duc d’Orléans, et que, selon les règles de cette science des astres, il avait trouvé que le duc devait avoir âme bonne, grande, guerrière ; être soutenu des forces et de l’amitié des grands, et parvenir à une puissance très-considérable [73] : que le dauphin ne lui serait pas inférieur, ni à l’égard de la vertu militaire, ni à l’égard des autres vertus dignes d’un prince, et règnerait très-heureusement vainqueur de ses ennemis [74] : mais que toutes ces manières de prédire l’avenir étant vaines et douteuses, le plus sûr était de se fonder sur les mœurs, et sur le génie de l’un et de l’autre de ces deux princes, pour conjecturer ce qui leur arriverait. Le roi écouta favorablement ce discours-là : les flatteurs et les flatteuses s’en indignèrent. Le dauphin, ayant appris que Castellan avait parlé de la sorte, en eut une joie extrême, non à cause qu’il avait été loué, mais à cause que l’on s’était déclaré pour l’innocence auprès de François Ier., à qui il craignait qu’on ne le rendît odieux [75], apud quem ne in suspicionem aut odium traheretur metuebat [76]. Maudites pestes de cour ! qui pourrait vous détester suffisamment ? Quelle malignité que de nourrir par tant d’artifices la jalousie de deux frères ! N’oublions pas que l’astrologie de Castellan fut fausse à l’égard du duc d’Orléans. Il mourut peu de temps après ; et cependant elle lui avait présagé une très-grande puissance, que Castellan considérait comme une chose à venir ; et il ne pouvait pas la considérer autrement en ce temps-là ; car ce prince mourut dix-neuf mois ou environ avant son père, et n’avait pas encore vingt-quatre ans.

(U) Plusieurs auteurs disent qu’un fameux tireur d’horoscopes avait prédit que Henri II serait tué en duel. ] Voyons ce qu’en dit Brantôme [77]. « J’ay ouï conter et le tiens de bon lieu, que quelques années avant qu’il mourust (aucuns disent quelques jours) il y eut un devin qui composa sa nativité, et la luy fut présenter. Au-dedans il trouva qu’il devoit mourir en un duel et un combat singulier : Monsieur le connestable y estoit present, à qui le roy dit, voyez, mon compere, quelle mort m’est presagée. Ah ! sire, respondit monsieur le connestable, voulez-vous croire ces marauts, qui ne sont que menteurs et bavards ? Faites jetter cela au feu. Mon compere, repliqua le roy, pourquoy ? ils disent quelquefois vérité ; je ne me soucie de mourir autant de cette mort que d’une autre, voire je l’aimerais mieux, et mourir de la main de quiconque ce soit, pourveu qu’il soit brave et vaillant, et que la gloire m’en demeure : et sans avoir esgard à ce que luy avoit dit monsieur le connestable, il donna cette prophetie à garder à M. de l’Aubespine, et qu’il la serrast pour quand il la demanderoit.…. [78]. Or le roy ne fut pas plustost blessé, pansé, et retiré dans sa chambre, que monsieur le connestable se souvenant de cette prophetie, appella monsieur de l’Aubespine, et luy donna charge de l’aller querir, ce qu’il fit, et aussitost qu’il l’eust veue et leue les larmes luy furent aux yeux. Ah ! dit-il, voilà le combat et duel singulier où il devoit mourir, cela est fait, il est mort : il n’estoit pas possible au devin de mieux et plus à clair parler que cela, encore que de leur naturel ou par l’inspiration de leur esprit familier ils sont toujours ambigus et douteux, et ainsi ils parlent toujours ambiguement, mais là il parla fort ouvertement. Que maudit soit le devin qui prophetisa si au vray et si mal ! » M. de Thou ne fait pas comme Brantôme, qui ne dit point comment s’appelait le devin : il l’appelle Luc Gauric, et il ajoute que cet horoscope fut dressé à la prière de Catherine de Médicis, et qu’on s’en moqua jusques à ce que le roi eût reçu cette blessure. M. de Thou débite cette prédiction comme un fait certain [79]. Mais ceux qui citent les propres paroles de Luc Gauric, tirées de l’horoscope de Henri II, méritent plus de croyance. Or il est certain par ces paroles que le devin promettait une longue vie à ce monarque, et qu’il ne le menaçait point d’un duel funeste. Gassendi n’a pas manqué de citer ce grand exemple, et d’ajouter que Cardan ne se trompa pas moins que Gauric dans l’horoscope du même prince [80]. Constat ex historiis Henricum II Galliæ nostræ regem obiisse anno ætatis quadragesimo completo, ex oculari vulnere. En autem de eo Gaurici vaticinium in prognostico anni MDLVI. Quoniam in sui natalis penè divini schemate habuit solem sub gradibus suæ altitudinis veneri ferè partiliter alligatum ; quin et lunam atque venerem sub arietis asterismo, per horoscopum progredienteis ; vivet fœlicissimus annos LXX, deductis duobus mensibus ; si nutu divino superaverit annos insalubreis LXIII, LXIV, et semper vivet in terris pientissimus. Paria sunt quæ idem Gauricus anteà ediderat, quæque à Sixto [81] referantur. En et vaticinium Cardani, cùm de eodem Henrico loquens, erit certè, inquit, senecta tantò felicior quantò etiam plura fuerit expertus, etc. Cette matière est si importante, qu’elle mérite que j’allégue un second témoin : ce n’est pas un homme qui se fonde sur un ouï-dire ; il rapporte ce qu’il a lu dans les écrits même de Gauric ; il y a vu les prédictions les plus heureuses que l’on pouvait souhaiter à Henri II. Et memini in Italiâ quasdam Ephemerides annuas Lucæ Gaurici vidisse, in quibus cùm pro libertate scribendi quæ tunc vigebat, singulis principibus Europæis maximas felicitates, aut gravissima damna minaretur, nihil posteà perindè cecidit, ac ipse futurum prædixerat : Atque utinam Henricus secundus, quem ille extremâ tantùm senectute, et morbo placidissimo fatis concessurum dixerat, non ætate potiùs florenti, et tam acerbo præcipitique fato nobis ereptus fuisset [82].

(X) Les variations... suffiraient seules à faire douter que les astrologues l’aient faite. ] Voyons le narré d’Étienne Pasquier : on n’y trouve pas même le nom de Gauric : tout roule sur d’autres gens, et sur d’autres circonstances. Aussi semble-il que long-temps auparavant..... ce malheur eust esté taisiblement prognostiqué au roi par Hierosme Cardan, lequel, en un projet qu’il dressa de sa nativité, lui promettoit toutes choses aisées sur l’advenement de son régne, mais l’asseuroit au déclin de sa vie d’une fin assez fascheuse, et telle que pour la grandeur d’un roy il se commande un silence. Aussi a couru un bruit en cour qu’au retour du dernier voyage d’Italie de monsieur le cardinal de Lorraine, luy avoyent esté présentées unes lettres de la part d’un juif de Rome, grandement expert et nourry en ces fantasques presciences et divinations, qui l’admonnestoyent soigneusement de se garder d’un combat d’homme à homme. Desquelles missives, comme illusoires, le roy après en avoir ouy la lecture n’en feit compte, ne se pouvant imaginer, veu le grand rang qu’il tenoit, d’entrer jamais en un duel. Ces lettres furent deslors serrées par monsieur de l’Aubespine, qui depuis la mort de luy les a exhibées à plusieurs seigneurs, comme l’on dict. Et de faict l’on adjouste (je ne veux pas l’asseurer pour vray) que la royne memorative de ces lettres, et du temps qui luy avoit esté designé, le supplia par plusieurs fois, que puis que les deux jours precedens s’estoyent passez à son honneur et contentement, il voulust ce 3 jour se deporter de la jouste pour eviter à tout inconvenient, et y commettre en son lieu quelque autre seigneur. À quoy toutesfois il ne voulust condescendre. Et comme le jour mesme qu’il fust blecé, la royne luy eust envoyé de sa loge gentilhomme exprès pour le prier de sa part de se contenter de ce qu’il avoit faict, il luy feit responce qu’il ne courroit plus que ceste fois là, dont le desastre voulust qu’il fut blecé [83]. Remarquez bien que Pasquier ne conte ces choses que sur un ouï-dire fort vague, dont il n’est point lui-même persuadé. Mais prenez encore mieux garde que l’on ne dit point que Cardan ait mis au jour ce prétendu horoscope après la mort de Henri II. Il était pourtant assez vain, assez entêté d’astrologie [84], pour se vouloir faire honneur d’une découverte si surprenante. Rien ne pouvait ennoblir son art autant que cela : il pouvait prendre à témoin le connétable de Montmorenci, Catherine de Médicis, l’Aubespine et quelques autres personnes de la plus haute importance. D’où pourrait venir qu’il eût négligé les intérêts de sa gloire, et ceux de sa bourse [85], jusqu’à un tel point ? On a vu dans la remarque précédente ce que Gauric promettait à Henri II, l’an 1556 : voyons ce qu’il lui avait prédit quatre années auparavant : Inclytissimus Gallorum Rex, c’est ce qu’il a mis au bas de la figure de nativité de ce monarque, dans l’édition de Venise, 1552, chez Curtius Troianus Navò : Henricus Christianissimus erit regum quorumdam imperator, ante supremos cineres ad rerum culmina perveniet, fœlicissimamque ac viridem senectam ; uti colligitur ex sole, venere, et lunâ horoscopantibus, et potissimùm, sole in suo trono partiliter supputato. In civitatibus Arieti subjectis maximum sortietur dominium, si fortè superaverit sue ætatis annos 56, 63, 64, ad annos 69 menses 10 dies 12 facili ac fœlici tramite perducetur [86].

(Y) On conte des choses assez remarquables, touchant les mères de ses deux enfans naturels. ] Lisez ce qui suit : c’est Brantôme qui parle [87]. Henri II qui étoit d’assez amoureuse complexion, quand il alloit voir les dames, il alloit le plus caché et le plus couvert qu’il pouvoit, afin qu’elles fussent hors de soupçon et d’infamie : et s’il en avoit aucunes qui fussent descouvertes, ce n’estoit pas sa faute, ny de son consentement, mais plustost de la dame, comme une que j’ay ouy dire de bonne maison, nommée madame Flamin d’Escosse, laquelle ayant esté enceinte du fait du roy, elle n’en faisoit point la petite bouche, mais tout hardiment disoit en son escossement françois, j’ay fait tant que j’ay pu, qu’à la bonne heure je suis enceinte du roy, dont je me sens très-honorée, et très-heureuse, et si je veux dire que le sang royal a je ne sçay quoi de plus suave et friande liqueur que l’autre, tant je m’en trouve bien, sans conter les bons brins de présens que l’on en tire. Son fils qu’elle en eut alors fut le feu grand-prieur de France, qui fut tué dernierement à Marseille [88], ce qui fut un très-grand dommage ; car il estoit un très-honeste, brave et vaillant seigneur. Ce que j’ai à dire de l’autre maîtresse est une singularité d’une autre nature. Le dauphin, depuis roi Henri II, étant devenu amoureux d’une demoiselle de Cony en Piémont [89], au voyage qu’il y fit avec le connétable de Montmorency, ses gens mirent le feu de nuit en sa maison, et le péril en permettant l’accès a tout le monde, ils y accoururent en grand nombre, criant salva la donna, et l’ayant prise la menèrent au dauphin [90]. Il en eut une fille nommée Diane, qui épousa en premières noces Horace Farnèse duc de Castro, et en secondes, François duc de Montmorency, fils aîné du connétable. Le second mariage commença le 5 de mai 1557 [91], et finit par la mort du mari, le 6 de mai 1579 [92]. Le fils unique qui en sortit décéda avant son père. La veuve vécut jusques au 3 de janvier 1619. Elle avait alors plus de quatre-vingts ans. Elle moyenna un accord entre Henri III et Henri IV, et eut une amitié tendre pour Charles de Valois, son neveu, fils naturel du roi Charles IX. Elle lui sauva la vie, lorsqu’Henri IV le voulait envelopper dans la cause du duc de Biron : elle représenta à ce prince, qu’il avait trop d’intérêt à rendre sacrées et inviolables les têtes des enfans naturels des rois, pour éviter soigneusement d’établir contre eux un funeste exemple. Elle maria ce neveu à Charlotte de Montmorenci, nièce de son mari, et laissa ses enfans héritiers de tous ses biens, et de l’hôtel d’Angoulême [93] qu’elle avait à Paris [94].

(Z) Quelques auteurs prétendent que par la curiosité que Clément VII eut de s’en informer, il trouva des preuves qui lui mirent l’esprit en repos. ] Je n’ai lu cela que dans M. Varillas. L’entrevue de sa sainteté, dit-il [95], et de sa majesté se fit à Marseille, et les noces du duc d’Orléans et de Catherine y furent célébrées avec beaucoup de magnificence. Comme l’époux n’avait que seize ans et l’épouse que treize, le roi, qui ne voulait point hasarder la santé de son fils, prétendait que l’on différât pour deux ou trois ans la consommation du mariage. Mais ce n’était pas là le compte du pape, qui craignait que s’il venait à mourir avant que le mariage de sa nièce fût achevé, on ne la renvoyât en Italie. Et de fait il ne fut content, dit Paul Jove, qu’après avoir vu des marques certaines que le mariage avait été consommé. Si Paul Jove a fait mention d’une telle circonstance, ce n’est point dans l’endroit de son Histoire où il parle de cette entrevue du pape et de François Ier. C’était pourtant le lieu le plus propre, et l’occasion la plus naturelle de toucher cette particularité, vu principalement que l’auteur n’oublia pas de marquer la grande jeunesse du duc d’Orléans, et de faire plusieurs autres observations, et de dire même que le mariage fut consommé la première nuit. Augebant suspicionem maturatæ nuptiæ, quæ impares regio sanguini viderentur. Siquidem nobilissimus adolescens Henricus, quanquam ætate tenerior, Catharinam celebratis insigni cerimoniâ nuptiis, ex virgine mulierem primâ nocte reddiderat [96]. J’avoue donc que l’on pourrait soupçonner M. Varillas de citer à faux le témoignage de Paul Jove. Ce qu’il dit que l’époux avait seize ans, et l’épouse treize, n’est point juste ; car il est sûr que Henri II naquit le 31 de mars 1519, et qu’il épousa Catherine de Médicis le 28 d’octobre 1533 [97]. Le père Anselme, qui met sa naissance au 31 de mars 1518, ajoute que ce fut avant Pâques, et par conséquent que cette année-là est 1519 selon le style moderne. Il dit aussi que Catherine naquit le 13 d’avril 1519. Gauric marque le même jour et la même année dans l’horoscope de cette dame. Il n’y avait donc que quatorze jours de différence entre l’âge du marié et l’âge de la mariée. M. de Sponde ne s’est guère moins trompé que Varillas puisqu’il a dit que Catherine n’avait que treize ans, et qu’Henri en avait quinze et sept mois [98].

(AA) Il forgea lui-même les armes qui aidèrent le plus efficacement ceux de la religion à se maintenir. ] Voyez ce que j’ai dit là-dessus dans la remarque (D), et joignez-y ce passage d’Étienne Pasquier [99]. « Nous veismes l’empereur Charles V faire la guerre aux Allemands ses vassaux, pour avoir embrassé l’hérésie.……… Ses affaires lui succedoient à propos ; au moyen dequoy ils implorerent nostre aide. Y avoit-il rien plus plausible en matière d’affaires d’estat, telle que le courtisan se figure, que de prendre leur faict en main, pour ne permettre qu’un grand prince s’agrandisse davantage à nos portes par la ruïne de tous les seigneurs d’Allemagne ? Mais aussi y avoit-il rien plus injuste, que de secourir un subject contre son seigneur naturel ? Et encores prendre la cause d’un hérétique, contre un empereur catholic, qui ne combattoit que pour l’honneur de Dieu et de son eglise ? Nostre roy estoit prince catholic, comme aussi les seigneurs qui avoient meilleure part en ses bonnes graces : ce nonobstant nous prenons la protection de l’hérétique allemand ; et par un titre magnifique le roy en plein parlement se faict proclamer protecteur de la liberté germanique, c’estoit à dire de l’hérésie germanique ; et comme tel fit forger monnoye portant ceste inscription. Sous ce beau titre entreprismes le voyage avecques une puissante armée. En quoy les choses nous reüssirent de telle façon, que sur la seule renommée de nostre entreprise, estant sur le point de passer le Rhin, l’empereur fut contraint de passer les choses à l’amiable avec ses subjects et leur accorder plusieurs passe-droits contre l’honneur de Dieu et de sa conscience, qu’il n’eust autrement tollerez. Quant à moy, je veux croire que Dieu nous voulut depuis chastier de mesmes verges, dont nous affligeasmes l’empereur ; ayant permis qu’après le decez de Henry, ses enfans mineurs fussent guerroyez par leurs subjects, pour Îe soustenement d’une opinion plus violente que celle de Luther ; et qu’ils s’aidassent des princes allemands contr’eux. Et quand Dieu voulut exercer sa vengeance sur nous, il fut hors de toute puissance humaine d’y remedier, et fit que tous les remèdes que nous y avions pensé apporter se tournassent à notre ruine. » Pasquier fait une autre remarque qui ne me paraît pas bonne. Au retour de ce beau voyage d’Allemaigne, dit-il [100], Calvin commença de solliciter uns et autres par lettres, qui se laisserent aisément surprendre, estimans, comme il est à croire, que puisque le roi et son conseil avoient pris la protection des luthériens, ils estoient en leurs ames de pareille religion. Ainsi s’espandit petit à petit un seminaire de nouvelle religion par la France ; laquelle vint enfin jusques aux parties nobles, je veux dire jusques aux princes et grands seigneurs. L’auteur fait là deux fautes : il suppose que Calvin ne commença à solliciter les Français par lettres, que vers la fin de l’année 1552. Cela est faux : il m’avait cessé d’en user ainsi depuis l’an 1536 ; et d’ailleurs il n’est pas vrai que les Français pussent croire que Henri II et son conseil estoient en leurs âmes luthériens. On ne pouvait pas douter du contraire, puisque l’on voyait ce prince persécuter à feu et à sang ceux de la nouvelle religion, dans tout son royaume. La protection qu’il accorda, et les bons offices qu’il rendit aux protestans d’Allemagne ne servaient de rien à éluder cette preuve de son aversion pour leur secte ; on voyait seulement par-là qu’il sacrifiait aux intérêts politiques de son état les intérêts de sa religion. C’est le train ordinaire des souverains. Ils le quittent quelquefois pour sacrifier à l’esprit de persécution, non-seulement les conquêtes qu’ils pourraient faire, mais aussi celles qu’ils ont déjà faites, et les plus solides avantages de leur état. Henri II en fut un exemple lorsqu’il accepta la paix de Cateau.

(BB) Un roi trop enclin à répandre des faveurs est plus préjudiciable à son état qu’un roi trop enclin à n’en point répandre. ] Un jurisconsulte français [101] à soutenu que « ceux-là s’abusent bien fort, qui vont louant et adorant la bonté d’un prince doux, gracieux, courtois et simple : car telle simplicité sans prudence est tres dangereuse et pernicieuse en un roy, et beaucoup plus à craindre que la cruauté d’un prince severe, chagrin, revesche, avare et inaccessible. Et semble que nos peres anciens n’on pas dit ce proverbe sans cause : De meschant [102] homme bon roy : qui peut sembler estrange aux aureilles delicates, et qui n’ont pas accoustumé de poiser à la balance les raisons de part et d’autre. Par la souffrance et niaise simplicité d’un prince trop bon, il advient que les flatteurs, les corratiers et les plus meschans emportent les offices, les charges, les bénéfices, les dons, espuisant les finances d’un estat : et par ce moyen le povre peuple est rongé jusqu’aux os, et cruellement asservi aux plus grands : de sorte que pour un tyran il y en a dix mil, etc. » Voulant confirmer ensuite sa thèse par des exemples, il dit ceci [103] : On a veu ce roiaume aussi grand, riche et fleurissant en armes et en loix sur la fin du roy François Ier., lors qu’il devint chagrin et inaccessible, et que personne n’osoit approcher de lui pour rien lui demander : alors les estats, offices, et bénéfices n’estoyent donnez qu’au mérite des gens d’honneur : et les dons tellement retranchez, qu’il se trouva en l’espargne quand il mourut, un million d’or, et sept cens mil escus, et le quartier de mars à recevoir, sans qu’il fust rien deu sinon bien peu de chose aux seigneurs des ligues, et à la banque de Lyon, qu’on ne vouloit pas payer pour les retenir en devoir : la paix asseurée avec tous les princes de la terre : les frontieres estendues jusqu’aux portes de Milan : le royaume plein de grands capitaines, et les plus scavans hommes du monde. On a veu depuis en douze ans que regna le roy Henry II (la bonté duquel estoit si grande, qu’il n’en fut onques de pareille en prince de son aage) l’estat presque tout changé : car comme il estoit doux, gracieux et debonnaire, aussi ne pouvoit-il rien refuser à personne : ainsi les finances du pere en peu de mois estant espuisées, on mit plus que jamais les estats en vente, et les bénéfices donnez sans respect : les magistrats aux plus offrans, et par conséquent aux plus indignes : les imposts plus grands qu’ils ne furent onques auparavant : et neantmoins quand il mourut, l’estat des finances de France se trouva chargé de quarante et deux millions : après avoir perdu le Piedmont, la Savoye, l’isle de Corse et les frontieres du Bas Païs : combien que ces pertes-là estoyent petites, eu esgard à la réputation et à l’honneur. Si la douceur de ce grand roy eust esté accompagnée de severité, sa bonté meslée avec la rigueur, sa facilité avec l’austerité, on n’eust pas si aisément tiré de lui tout ce qu’on vouloit. L’opinion de ce savant homme semble d’abord un paradoxe ; mais quand on l’examine de bien près, on la trouve bien fondée.

(CC) Il pervertit l’administration de ses finances, et s’endetta prodigieusement. ] « Il y avoit une ordonnance du roy François Ier. confirmée par son successeur, portant qu’il y auroit quatre clefs du coffre de l’espargne, desquelles le roy en aurait une, et que les autres seroyent entre les mains des commissaires par lui establis : et la distribution des deniers se devoit faire par le mandement du roy en présence du thresorier et contreroleur de l’espargne. Mais le roy Henri II par edict [* 4] après deschargea les commissaires et officiers de l’espargne, à fin qu’on ne leur peust à l’advenir faire rendre compte : tant y a que l’un des commissaires eut en pur don pour une fois cent mil escus, si le bruit qui en courut par-tout estoit vray : qui estoit beaucoup alors [104]. » C’est Bodin qui fait cette observation, qui peu après ajoute [105] que François Ier. ne fit pas autant de largesses pendant un règne de trente-deux ans, que son successeur en fit pendant deux années. François Ier. n’avoit quasi pas fermé les yeux, que le tilletage ou reachet des offices, qui estoit dès lors une somme infinie, fut donnée à une seule personne [106]. Voyons comment on a exprimé cela dans la traduction latine. Nondùm justa parenti fecerat (Henricus secundus) cùm hirudo quædam Palatina pecuniæ vim infinitam quam officiarii acceptâ confirmatione regibus initiatis fisco dependere solent, uno absorbuit et eodem haustu [107]. La prodigalité de ce prince fut cause sans doute qu’il imposa de nouvelles charges à ses sujets, sans se souvenir des promesses qu’il avait faites en créant ces impositions. Considérez bien ces paroles de Bodin [108] : « Quand le taillon fut mis sur les subjects l’an mil cinq cens quarante neuf, le roy fit promesse de n’affecter, n’employer les deniers à autre usage, qu’au payement de sa gendarmerie, sans les confondre avec les autres deniers ordinaires : comme il fut aussi dict quand on imposa la solde de cinquante mil hommes de pied, du temps du roy François Ier. qui se devoit seulement prendre sur les villes closes et fauxbourgs d’icelles, qui ne ressentoyent rien de la foule des soldats : toutesfois depuis on l’a esgalée sur villes et villages, bourgs et bourgades, l’an mil cinq cens cinquante-cinq, en quoi les povres païsans ont esté grevez doublement : car ils payent et sont pillez de tous costez. » Le mauvais ménage du même roi produisit un autre désordre : c’est qu’il emprunta beaucoup de sommes à gros intérêt. Depuis que le roy Henry eut affaire d’argent, il emprunta à dix, à douze, à seize pour cent, comme il fit l’an m.d.liiii. des Caponis, Albicis, et des participes d’Allemagne : et l’usure se payoit aux quatre foires, ou l’interest de l’usure estoit converti en sort, et joint au principal : l’empereur faisoit le semblable de son costé : vrai est qu’il ne prenoit qu’à dix et douze pour cent au plus, et l’année mesme le roy d’Angleterre emprunta des marchands allemans cent mil escus à douze pour cent. Et au lieu que le roy Henry pensoit attirer plus d’argent en payant plus d’interest que l’empereur et le roy d’Angleterre, il commença à perdre son crédit : car les plus sages mesnagers faisoyent jugement qu’il n’en pourroit en fin payer ni sort, ni usure : d’autant que l’interest de seize pour cent revenoit pour le moins à dix huict pour cent, retenant l’interest qu’il ne pouvoit payer [109]. Notez qu’il ne fut pas l’inventeur de cette pratique : elle avait commencé sous le roi son père. « Ce fut aussi le moyen apporté en France, l’an m.d.xliii par le cardinal de Tournon, lors qu’il avoit le credit envers le roy François Ier. auquel il fit entendre, à la suscitation de certains Italiens, qu’il n’y avoit moyen d’attirer en France les finances de tous costez, et faire fonds à l’advenir, pour en frustrer les ennemis, que d’establir la banque à Lyon, et prendre l’argent d’un chacun, en payant l’interest à huict pour cent : mais en effect le cardinal vouloit asseurer cent mil escus qu’il avoit en ses coffres, et en tirer tout l’interest qu’il pourroit : les lettres patentes decernées, et l’ouverture de la banque ainsi faite comme j’ai dit, chacun y venait à l’envi, de France, d’Allemagne et d’Italie, en sorte que le roi François Ier. quand il mourut, se trouva endebté à la banque de Lyon de cinq cens mil escus, qu’il avoit en ses coffres, et quatre fois davantage : et la paix asseurée avec tous les princes de la terre [110]. » Bodin [111] condamne cette invention suggérée à François Ier. Il croit qu’elle ruine le fondement des finances, et qu’elle fut la source de mille malheurs. Citons-le encore une fois [112] : Et quant aux finances, dit-il, on a si bien mesnagé, qu’en moins de douze ans que le roy Henry II regna, il [113] devoir plus d’interest que ses prédécesseurs quarante ans auparavant ne levoyent pour toutes charges.

Je n’assure que ces citations de Bodin ne seront pas désagréables à ceux qui souhaitent de savoir les époques des impôts, et en général l’origine des coutumes.

(DD) Henri II commença à soumettre la polygamie au dernier supplice. ] C’est ce que j’ai lu dans Bodin. Imperatores, dit-il [114], perpetuâ lege πολυγαμίαν infamiæ pœnâ subjectâ vetuerunt [* 5] : nostris verò legib. pœna capitalis Henrici II principatu irrogari cœpit. L’auteur des Mélanges d’histoire et de littérature ignorait apparemment cette particularité ; car voici comment il s’exprime : « Mais à propos de mariage et de lois du royaume, il y a des parlemens en France, où l’on condamne à mort ceux qui se trouvent convaincus de polygamie ; parce que l’on suppose que c’est une loi du royaume. On demande où se trouve cette loi ? C’est à nos jurisconsultes français à nous l’apprendre. La conséquence en mérite bien la peine. Pour moi, je crois que ce n’est point pour la polygamie qu’on envoie ces gens-là au gibet ; mais pour les fourberies dont ils usent pour surprendre des femmes qu’ils épousent de mauvaise foi [115]. »

  1. (*) Voyez ses Mémoires, tom. I. jusqu’à la page 68. Rem. crit.
  2. (*) Pag. 173.
  3. (*) Voyez Val. Maxim., liv. 4, chap. 8 ; Tite-Live, liv. 30, etc. Plut., de la fort. d’Alex., disc. 2.
  4. (*) En 1556.
  5. (*) L. neminem de incestis, cod.
  1. Mézerai, au commencement de l’Histoire de Henri II, pag. 1057 du IIe. vol. de l’Histoire de France.
  2. Varillas, Histoire de Henri II, liv. I, pag. 6.
  3. Histoire de François Ier., liv. XII, pag. 295.
  4. Abrégé chronolog., tom. IV, pag. 635.
  5. Préface de l’Histoire de François Ier.
  6. Mézerai, Abrégé chronologique, tom. IV, pag. 715.
  7. Histoire de France, tom. II, p. 1132.
  8. Cela me fait souvenir de ces paroles de Trebellius Pollion : Pudet numerare inter hæc tempora quùm ista gererentur, quæ sæpè Gallienus malo generis humani quasi per jocum dixerit. Nam quùm ei nuntiatum esset, Ægyptum descivisse, dixisse fertur : Quid ? sine lino Ægyptio esse non possumus ? Quùm autem vastatam Asiam et elementorum concursionnibus et Scytharum incursionibus comperisset, Quid ? inquit, sine aphronitris esse son possumus ? Perditâ Galliâ arrisisse ac dixisse perhibetur, Non sine atrebaticis sagis tuta resp. est ? Sic denique de omnibus partibus mundi quùm eas amitteret, quasi detrimentis vilium ministeriorum videretur affici, jocabatur. Trebell. Poliio, in Gallienis duob., cap. VI, pag. m. 209.
  9. Mézerai, Histoire de France, tom. II, pag. 1184.
  10. Dans les remarques (G) et (H), où l’on verra encore des murmures contre la paix de l’année 1559.
  11. Varillas, Histoire de François Ier., liv. IX, pag. 397, édition de Hollande, 1690, à l’ann. 1540.
  12. Histoire de France, tom. II, pag. 1135.
  13. Histoire des choses mémorables avenues en France depuis l’an 1547 jusques au commencement de l’an 1597, pag. 61.
  14. Voyez les Pensées diverses sur les Comètes, num. 113, pag. 658.
  15. Αἰσχρόν τοι δηρόν τε μένειν, κενεόν τε νέεσθαι.
    Turpe diùque manere, inanemque redire.
    Homer., Iliad., lib. II, vs. 298.

  16. Maimbourg, Histoire du Calvinisme, liv. II, pag. 96.
  17. Appliquez ici ce mot de Sénèque contre ceux qui se plaignent des ingrats : Multos experimus ingratus, plures facimus. Seneca, de Beneficiis, lib. I, cap. I.
  18. Maimbourg. Histoire du Calvinisme, liv. II, pag. 100
  19. Voyez, dans la remarque (M), les paroles du cardinal de Lorraine.
  20. Histoire du Calvinisme, liv. II, pag. 114.
  21. Voyez la remarque (P) de l’article François Ier., tom. VI, pag. 576.
  22. Le roi... résolut de s’appliquer de toute sa force à la grande affaire de la religion, pour laquelle il avait un très-grand zèle, sans qu’il se soit jamais relâché, durant tout son règne, sur ce point-là, non pas même quand il fit alliance pour des intérêts purement politiques avec les princes protestans d’Allemagne, contre l’empereur Charles-Quint. Maimbourg, Histoire du Calvinisme, liv. II, pag. 110.
  23. Voyez la remarque (AA).
  24. Voyez l’article de la reine Élisabeth, remarques (G) et (R), tom. VI.
  25. Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. II, pag. 577.
  26. Pag. 78 et suiv.
  27. Grotius, epist. CLVII, I part., p. 60.
  28. Pag. 367, édition de Cologne, 1695.
  29. Brantôme, Discours de Henri II, au IIe. tome de ses Mémoires, pag. 60, 61.
  30. Dames galantes, tom. II, pag. 261.
  31. Voyez le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. I. pag. 750.
  32. Mémoires des Dames illustres.
  33. Le Laboureur, Additions à Castelnau, tom. I, pag. 752.
  34. Il se trompe, elle était née le 5 juin 1523, et fut mariée en 1559.
  35. M. le Laboureur publia son livre l’an 1659.
  36. Mezerai, Abrégée chronolog., t. V, p. 41.
  37. Additions à Castelnau, tom. I, pag. 751.
  38. Voyez dans les Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. I, pag. 847 et suivantes, ce que Brantôme dit sur tout cela dans l’Éloge d’Imbert de la Plattière, seigneur de Bourdillon.
  39. Varillas, Histoire de Henri III, liv. I, pag. 74.
  40. Varillas, Hist. de Henri III, liv. I, p. 84.
  41. Mézerai, Abrégé chronol., tom. IV, pag. 722, dit qu’elle était dans la trente-septième année de son âge : il a raison, car elle était née le 5 de juin 1523. Voyez ci-dessus la citation (34).
  42. Brantôme, Mémoires des Femmes illustres, pag. m. 325.
  43. Additions à Castelnau, tom. I, p. 751.
  44. Ci-dessus, remarque (C), citation (7).
  45. Brantôme, Mémoires des Femmes illustres, tom. I, pag. 325.
  46. Suite de la Défense de Voiture, p. 172.
  47. Réplique à Costar, sect. I, pag. 8.
  48. Voyez la page 91, où il insinue que Costar méritait d’être mis à la Bastille, pour avoir appelé Henri III fou. Voyez aussi la page 190.
  49. Tant qu’elle a vécu elle a tousjours persuadé et gagné M. de Savoye, son mari, à bien entretenir la paix, et ne se debander, lui qui était Espagnol, pour la vie contre la France, ainsi qu’il fit depuis après qu’elle fut morte. Brantôme, Femmes illustres, pag. 328.
  50. Voyez l’article Gontaut (Charles), rem. (D), tom. VII, pag. 131.
  51. Histoire de France, tom. II, pag. 1138.
  52. Pasquier, Lettres, liv. IV, tom. I, pag. 172, 173.
  53. Là même, pag. 174, 175.
  54. La Place, Comment. de l’État de la Religion et République, folio m. 19.
  55. Fra Paolo, Histoire du concile de Trente, liv. V, pag. 400 de la version d’Amelot, édition de 1686.
  56. Mézerai, Histoire de France, tom. II, pag. 1138.
  57. Mézerai, dans son Abrégé chronol., tom. IV, pag. 721, se fixe à ce sentiment. Le coup fut si grand, dit-il, qu’il le renversa par terre, et lui fit perdre la connaissance et la parole. Il ne les recouvra jamais plus. D’où l’on peut convaincre de faux tous les différens discours, que les uns et les autres lui mirent à la bouche, selon leurs intérêts et leurs passions.
  58. Voyez, tom. VII, pag. 373, la remarque (F) de l’article de François, duc de Guise.
  59. Mézerai les rapporte amplement. Voyez ci-dessus la remarque (C), entre les citations (8) et (9).
  60. Éloge de Henri II, tom. II, pag. 52.
  61. Il était prisonnier tout comme le connétable.
  62. Voyez Belcarius, lib. XXVIII, num. 17 et seq.
  63. Histoire ecclésiastique des Églises réformées, liv. III, pag. 212.
  64. Histoire du Calvinisme, liv. II, pag. 157, 158, 159.
  65. Toutes les choses se trouvaient alors, (c’est-à-dire, lorsque François II mourut), tellement disposées pour la ruine entière du calvinisme, en France, qu’elle semblait être absolument inévitable. Là même, pag. 157.
  66. Dans la remarque (D).
  67. Histoire de France, tom. II, pag. 1139.
  68. Théodore de Bèze, Histoire ecclésiastique des Églises réformées, liv. II, pag. 195.
  69. Dans la remarque (R) de l’article de François Ier, tom. VI, pag. 577. Voyez aussi la remarque (E) de l’article Étampes, même volume, pag. 303.
  70. Le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. II, pag. 572.
  71. Animo lento et sopito infelici quodam syderum positu natum. Gallandius, in Vitâ Castellani, pag. 73.
  72. Voyez, la remarque (C) de l’article Castellan, tom. IV, pag. 545.
  73. Valdè potentem futurum. Galland., in Vitâ Castellani, pag. 73.
  74. Suorum hostium latè victorem felicissimum regnaturum comperisse. Idem, ibid.
  75. Tiré de la Vie de Pierre Castellan, composée par Gallandius, chap. XLIV, pag. 72 et suiv.
  76. Idem, ibidem, pag. 74.
  77. Brantôme, Discours de Henri II, au IIe. tome de ses Mémoires, pag. 50.
  78. Là même, pag. 52.
  79. Genus ac tempus mortis à Lucâ Gaurico mathematico Pauli tertii perfamiliari prædictum Constat, cùm Catharina uxor futuri anxia fœmina eum super viri ac filiorum fato consuleret, fore nimirùm ut in duello caderet, vulnere in oculo accepto : quod irrisum à multis ac pro tempore neglectun fuit, quasi regis conditio supra duellum posità esset. Thuan., lib. XXII, sub finem.
  80. Gassendus, sect. II Physicæ, lib. VI, pag. 745, tom. I Operum.
  81. Il parle de Sixtus ab Hemmingâ, qui a montré par l’exemple de trente horoscopes célèbres, que l’événement les a démentis.
  82. Nandæus, in Judicio de Cardano.
  83. Pasquier, Lettres, liv. IV, tom. I, pag. 175.
  84. Confer quæ supra remarque (E) de l’article Cardan, tom. IV, pag. 442.
  85. On l’eût payé bien plus largement de ses prédictions, si l’on eût su qu’il avait trouvé par l’astrologie, qu’un roi de France serait tué dans un duel.
  86. Lucas Gauricus, in Tractatu astrologico in quo agitur de præteritis multorum hominum accidentibus per proprias corum genituras ad unguem examinatis, folio 42 verso.
  87. Mémoires des Dames galantes, tom. II, pag. 372.
  88. Le père Anselme, Histoire généalogique de la Maison de France, pag. 144, dit qu’il était né de N.... de Léviston, damoiselle écossaise, et qu’il fut tué, à Aix en Provence, par Philippe Altoviti, baron de Castellanes, le deuxième jour de juin 1586.
  89. Le père Anselme, là même, dit qu’elle s’appelait Philippe-des-Ducs, et qu’elle vivait encore le 1er. de juillet 1552 et ne se fit pas religieuse, comme a cru Pierre Matthieu.
  90. Le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. II, pag. 447.
  91. Anselme, Histoire généalogique de la maison de France, pag. 144.
  92. Le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. II, pag. 418.
  93. Henri III lui donna les duchés d’Angoulême et de Châtelleraut, le comté de Ponthieu, et le gouvernement de Limosin. Le Laboureur, là même.
  94. Tiré des Additions de M. le Laboureur, là même.
  95. Varillas, préface du tom. V de l’Histoire de l’Hérésie, fol. **, troisième édition de Hollande.
  96. Jovius, Historiar. lib. XXXI, fol. 230, edit. Basil., 1555.
  97. Voyez les Fastes du père du Londel, pag. 23 et 34 ; et le père Anselme, Histoire généalogique, pag. 137 et 139.
  98. Spondanus, ad ann. 1533, num. 7.
  99. Pasquier, Lettres, liv. XV, pag. 218 du IIe. tome.
  100. Pasquier, Lettres, liv. XV, pag. 219.
  101. Bodin, de la République, liv. II, chap. IV, vers la fin, pag. m. 295. Voyez aussi liv. VI, chap. II, pag. 895.
  102. Notez qu’il ne donne pas à ce mot toute son étendue, il ne le prend que selon la signification d’austère et de rigoureux. Voyez la fin de ce chapitre du IIe. livre de Bodin.
  103. Là même, pag. 296.
  104. Bodin, de la République, liv. VI, chap. II, pag. 104.
  105. Là même, à la page 1055 de l’édition latine, 1601, in-8°.
  106. Là même, pag. 905 de l’édition française, 1608, in-8°.
  107. Là même, pag. 1055.
  108. Là même, pag. 891.
  109. Bodin, de la République, pag. 893, 894.
  110. Là même, pag. 893.
  111. Là même, pag. 896.
  112. Là même, pag. 895.
  113. Voyez la remarque précédente, citation (103).
  114. Bodin, de Republ., lib. V, cap. I, pag. m. 793.
  115. Vigneul Marville, Mélanges d’Histoire et de Littérature, pag. 175.

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