Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Mariana

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MARIANA (Jean), né à Talavéra au diocèse de Tolède, se fit jésuite le 1er. de janvier 1554. Il étudiait alors à Complute [* 1], et il était âgé de dix-sept ans. Il devint un des plus habiles hommes de son siècle ; grand théologien, grand humaniste, profond dans la connaissance de l’histoire ecclésiastique et de l’histoire profane, bon grec, et docte dans la langue sainte. Il alla à Rome, l’an 1561, et y enseigna la théologie ; au bout de quatre ans il s’en alla en Sicile et y enseigna pendant deux années. Il vint à Paris, l’an 1569 et y expliqua Thomas d’Aquin pendant cinq ans. Sa santé ne lui permit pas de continuer, et l’obligea de s’attacher à des études moins pénibles. Il s’en retourna en Espagne, l’an 1574, et passa le reste de ses jours à Tolède. Il y mourut le 17 de février 1624, à l’âge de quatre-vingt-sept ans (A). L’inquisition se servit de lui dans plusieurs affaires d’importance ; mais de son côté il eut besoin d’être patient (B), et d’avoir assez de courage pour supporter avec constance les rigueurs de l’adversité [a]. Ce qu’on remarque de sa chasteté est tout-à-fait singulier (C). Il publia plusieurs livres [b], et entre autres une Histoire d’Espagne, que plusieurs regardent comme un chef-d’œuvre (D). C’est lui qui fit imprimer un ouvrage de Lucas Tudensis [c] sur la vie à venir, et contre les Albigeois. Son traité du changement des monnaies lui fit des affaires à la cour d’Espagne (E) ; et l’exposa à une peine qui a été mal rapportée par M. Varillas (F) : mais on aurait eu plus de raison de l’inquiéter au sujet d’un autre livre, que l’Espagne et l’Italie laissèrent passer, et qui fut brûlé à Paris, par arrêt du parlement, à cause de la pernicieuse doctrine qu’il contenait. Il n’y a rien de plus séditieux, ni de plus capable d’exposer les trônes à de fréquentes révolutions, et la vie même des princes au couteau des assassins, que ce livre de Jean Mariana (G). Il exposa les jésuites [* 2], et surtout en France, à mille sanglans reproches (H), et à des insultes très-mortifiantes, que l’on renouvelle tous les jours, qui ne finiront jamais, que les historiens copieront passionnément les uns des autres, et qui paraissent d’autant plus plausibles, qu’il fut imprimé avec de bonnes approbations (I). On publia que Ravaillac y avait puisé l’abominable dessein qu’il exécuta contre la vie d’Henri IV, et qu’il l’avait avoué dans son interrogatoire. Ce fait fut contredit publiquement (K). Un autre traité du même jésuite a fait bien du bruit : c’est celui où il remarqua les défauts du gouvernement de sa compagnie (L), mais ses confrères ne demeurent pas d’accord qu’il soit l’auteur d’un pareil écrit (M). Ses scolies sur l’Écriture ont mérité l’approbation du père Simon (N). J’ai oublié de marquer que le mal qu’il dit du roi Henri III fut cause en partie que son ouvrage de l’institution du prince fut condamné à Paris (O).

Je doute qu’il ait fait le livre de Republicâ Christianâ, qu’un écrivain allemand loue beaucoup (P).

  1. * Alcala de Hénarez.
  2. * On lit dans l’édition de 1697 : Il a exposé les Jésuites à mille sanglans reproches que l’on renouvelle, etc.
  1. Tiré de Natanaël Sotuel, Bibl. Script. societ., pag. 477.
  2. Voyez-en les titres dans Moréri.
  3. C’est ainsi qu’il faut dire, et non pas Tridentis avec Alegambe et Sotuel.

(A) Il mourut le 13 février 1624, âgé de quatre-vingt-sept ans. ] Don Nicolas Antonio, qui avait lu tout cela dans Alegambe, n’a pas laissé d’assurer [1] que Mariana mourut le 17 de février 1623, âgé de quatre-vingt-dix ans. Sur cela je me fie plus aux deux jésuites qui ont compilé la bibliothéque de l’ordre, qu’à lui, ni qu’à Bernardin Giraldi [2], qui assure que Mariana mourut l’an 1632, âgé de quatre-vingt-seize ans. Jesuitarum quos ætas nostra vidit, annosissimus, qui abhinc biennium piè obiit diem suum nonaginta sex annos natus.

(B) De son côté il eut besoin d’être patient. ] Si j’avais pu consulter sa Vie [3] composée par Thomas Thomaius [4] de Vargas, historiographe du roi d’Espagne, j’aurais pu sans doute donner ici quelque détail des persécutions que Mariana eut à souffrir ; mais je n’en puis dire que ces paroles des deux bibliothécaires des jésuites : Ipse vicissim multa perpessus adversa, admirabili animi æquitate, et omnium virtutum documento se malis superiorem esse probavit. Exercitum senectutem Toleti produxit usquè al diem xvii februarii anni Domini mdcxxiv [5]. Ajoutez à ce passage ce qu’ils nous diront ci-dessous, quand je parlerai du livre du Changement des Monnaies [* 1].

(C) Ce qu’on remarque de sa chasteté est tout-à-fait singulier. ] Ceux qui ont lu les nouvelles lettres du critique de M. Maimbourg y auront vu cette singularité exprimée de cette manière [6] : « Vous n’êtes point gens à croire cela, ni peut-être ce que le père Alegambe témoigne du jésuite Mariana, mort l’an 1624, aprés avoir vécu près de quatre-vingt-dix ans dans l’étude la plus exacte de la chasteté ; d’où est venu peut-être, ajoute l’historien, que ses [* 2] mains furent aussi souples et maniables après sa mort que s’il eût été en vie. J’avoue franchement que je ne vois pas la liaison de ces deux choses. » Je crois comme lui qu’il serait bien difficile de donner une raison naturelle d’un tel effet de la chasteté ; et quant aux raisons miraculeuses, je ne sais pas sur quel rapport, ou sur quelle analogie on les pourrait appuyer. Peut-être se fondait-on sur l’argument des contraires, et cela en conséquence d’une tradition monacale, qui établit que tous ceux qui ont à faire à des religieuses, sont accusés après leur mort, et convaincus de cette action par une certaine raideur qui se remarque dans la partie par laquelle ils ont péché. Notabile est quod Mariani [7] dicunt, eum qui spurium ex moniali procreârit, singularissimè à Deo post mortem puniri, uti celeberrimus medicus Leonellus Faventinus, c. 7, secundæ partis practicæ medicinalis hoc mysterium naturæ aperuit, qui coit, inquiens, cum monachâ vel moniali, quandò talis moritur, remanet virga ejus tensa, Unde dicitur in carmine apud vulgares :

Qui monachâ potitur, virgâ tendente moritur.


Cujus et meminit Wolfgangus Hidebrandus Mag. Nat. l. r. c. 31, p. 34. Erford. impress. 16. 22. Et fortè an etiam moniales stupratæ post mortem peculiari signo notantur, quòd honoris et pudoris ergò reticetur. Certè si miracula hæc quotidiè contingerent, pauciores spurii invinerentur [8]. Les paroles de Léonel Faventinus, que je viens de rapporter, ont été citées par Henri Korman, au chapitre LXVII de la IVe. partie des Miracles des morts.

Je remarquerai par occasion quelques singularités fort notables qui se trouvent dans Alegambe, sur la chasteté de certains jésuites. Il dit que le père Gil, qui mourut l’an 1622 à l’âge de soixante et treize ans, ne connaissait de visage aucune femme, tant il prenait garde que ses sens ne s’arrêtassent sur ces objets. Il se craignait lui-même : il avait presque horreur de se toucher ; et il rendit grâce à Dieu d’avoir la vue mauvaise, parce que cela lui avait fourni de grands remèdes de chasteté. Erat severissimus suorum sensuum custos : nullam tot annis feminam de facie noverat ; se quoque ipsum attingere quodammodò horrebat. Agebat Deo gratias pro hebetatâ sibi acie oculorum ; ex quo multa conmoda castimontæ persentisceret [9]. Le père Costérus avoua que jamais sa chasteté ne fut vaincue par aucun mouvement irrégulier, ni par quelque imagination malhonnête [10]. Le père Coton, qui avait été confesseur d’un prince fort impudique [* 3], et dont la cour avait suivi la maxime,

Regis ad exemplum totus componitur orbis,


mourut vierge, et conserva de telle sorte la pureté intérieure, qu’il avait horreur de tout ce qui pouvait choquer cette vertu : et il avait l’odorat si fin à cet égard, que les personnes qui l’approchaient après avoir violé les lois de la chasteté, excitaient en lui un sentiment de puanteur insupportable. Castitatem impensè coluit, et virginitatis decus ad extremum usquè obtinuit. Sensus frænabat accuratâ custodiâ, et horrore quodam impuritatis ; quam etiam in iis qui se illâ fœdâssent, ex graveolentiâ nescio quâ discernebat [11]. Le père Spiga, qui mourut l’an 1594, âge de soixante et quatorze ans, passait pour vierge : il n’avait jamais regardé aucune femme, et il n’aurait su distinguer ses propres nièces les unes des autres, quoiqu’il eût été leur confesseur ; et il ne serait entré chez elles pour rien du monde, quand il savait qu’elles étaient seules. Castitati tuendæ, nunquàm feminas intuitus est. Neptes suas, quas crebrò confitentes audierat, inter se distinguere nesciebat ; ad illas, si domi solæ essent, non poterat induci ut intraret, quanticunque momenti negotio urgeretur. Opinio constans fuit, virginitatis illi decus usquè ad extremum constitisse [12]. Je m’étonne qu’Alegambe n’ait point su ce qu’on raconte du jésuite Possevin, qu’ayant à lire Tibulle à cause de sa belle latinité, il priait Dieu les genoux en terre, que les vers d’amour de ce poëte ne lui inspirassent point d’amour. M. Ménage, qui rapporte cela [13], venait d’assurer qu’il avait ouï dire au père Sirmond qu’ayant lu le jugement que faisait Photius du roman d’Achilles Statius, par lequel il paraissait que ce roman était rempli d’obscénités, ne l’avait jamais voulu lire. Je dirai à ce propos que Melchior Canus, qui n’était pas ami des jésuites, plaisanta un jour à leurs dépens à la cour du roi d’Espagne. Il assura qu’ils portaient sur eux une herbe qui amortissait de telle sorte la nature, que par l’efficace de ce simple, ils pouvaient converser impunément avec les femmes. Philippe II, ayant pris cela au sens littéral, voulut savoir ce que c’était que cette herbe ; et ayant donné ordre que l’on pressât les jésuites de la nommer, il apprit qu’elle s’appelait la crainte de Dieu. « Festivum est quod refert Nicolaüs Orlandinus libro quinto historiæ societatis Jesu. Petrus Faber et Antonius Araozius aulam Philippi secundi Hispaniarum regis adierant, et tum primùm in illud regnum societatis nomen invexerant. Quibusdam autem instar erant miraculi, quòd cum omni genere sexuque promiscuo tam versarentur innoxii. Nec dubitavit in mediâ curiâ Melchior Canus bellè jocari, patres societatis Jesu herbam quandam secum solitos circumferre, quæ vim haberet interimendæ libidinis : eaque velut antidoto tutò posse inter fœminarum versari greges, et confitentibus puellis aurem salvâ integritate præbere, etc. Ea vox, etc. sensim sparsa per curiam ad principis pervenit aures. Qui rei auditæ curiosus investigator Johannem de Zuniga (is erat ei velut morum magister ac custos) ad patres misit sciscitatum quod herbæ genus illud esset, etc. Non negavit Araosius hujus virtutis herbam se habere : et cùm Johannem aliquandiù suspensum responsi ambiguitate tennuisset ; quo majorem audiendi cupiditaten accenderet : Hæc, inquit, herba communi sermone Timor Dei nuncupatur, etc. hoc igitur principi, velim, narres, hoc fideliter referas [14]. » Jarrige ne rapporte pas fidèlement les circonstances de ce fait. Philippe II, dit-il [15], leur grand protecteur, et un prince de bel esprit, les gaussant un jour, les interrogeait comment ils pouvaient être chastes, traitant privément et avec familiarité avec toutes des belles dames de sa superbe cour. Nous avons, dirent-ils, au rapport de leur historien, une herbe que nous portions sur nous, par laquelle nous évitons les dangers de l’impureté, et résistons à toutes ses attaques. Pressés par le monarque de la nommer, ils repondirent que c’était la crainte de Dieu ; mais je vous assure que s’ils l’avaient alors, je suis bien certain que maintenant ils en ont perdu la graine, et qu’elle ne croît plus dans leur jardin.

Cette herbe de Melchior Canus me fait souvenir de ces solitaires indiens, qui pratiquent une rude pénitence toute leur vie, et qui renoncent même à la vue des personnes de l’autre sexe. Ils arment leur main d’une canne, par le moyen de laquelle ils écartent toutes les pensées impures, et toutes les tentations, comme s’il ne s’agissait que de faire fuir un chien. I Ruxis o Hiobioli abitano ne’ deserti pascendosi di foglie, e frutti salvatici, occupati quasi sempre nella mediatione de’ lordii, professano perpetua verginità, fuggendo la vista delle donne, portano una canna in mano con lo quale dicono tener lontano i diletti, tentationi, e travaglii [16].

(D) Une histoire d’Espagne, que plusieurs regardent comme un chef-d’œuvre. ] Elle est divisée en XXX livres suivis d’un appendix. Les XX premiers furent imprimés à Tolède, in-folio, l’an 1592. Il y ajouta les X autres quelque temps après [17]. Il la traduisit lui-même de latin en espagnol, et publia cette version à Tolède, l’an 1601. Elle a été réimprimée souvent [18]. Il s’écarta quelquefois de l’original, tout comme s’il eût composé, non pas une traduction, mais un nouveau livre [19]. L’appendix ne contient qu’un petit sommaire de quelques événemens, depuis l’an 1515 jusques au temps qu’il fut fait ; car l’auteur, ayant fini son grand ouvrage à la mort de Ferdinand d’Aragon en 1516, trouva mieux son compte à un simple indice historique depuis ce temps-là, qu’à des narrations exactes, qu’il eût pu faire sans s’écarter de la bonne foi qu’il avait suivie, ou sans offenser des personnes encore vivantes. C’est pourquoi il prit le parti le plus sûr et le plus honnête, et celui que les gens sages ont toujours le plus approuvé [20] : il ne voulut point écrire sur les choses qui s’étaient passées de son temps, ou un peu auparavant. Voyons les éloges que le père Rapin a donnés à cette histoire. « Aucun des historiens modernes n’a écrit plus sensément que Mariana dans son histoire d’Espagne. C’est un chef-d’œuvre des derniers siècles par cette qualité-là. Il règne dans tout cet ouvrage une sagesse qui ne lui permet jamais de s’abandonner aux beaux endroits, ni de se négliger en ceux qui ne le sont pas : cette égalité si judicieuse, qui est toujours la même dans l’inégalité des matières que touche cet auteur, est peu connue aux historiens des derniers temps [21]. » Pour comprendre toute la force de cet éloge, il y faut joindre cette description. Écrire sensément, selon le père Rapin [22], c’est aller à son but en quelque matière que ce soit qu’on écrive, sans s’écarter ou s’amuser en chemin : c’est exposer les choses avec une espèce de sagesse et de retenue, sans s’abandonner ni à la chaleur de son imagination, ni à la vivacité de son esprit : c’est savoir supprimer ce qu’il y a de superflu dans l’expression, comme sont ces adverbes et ces épithètes qui diminuent les choses en les exagérant ; n’y laisser rien d’oisif, de languissant, d’inutile ; retrancher généreusement ce qu’il ne faut pas dire, quelque beau qu’il soit ; donner toujours moins à [* 4] l’éclat qu’au solide ; ne point montrer de feu ni de chaleur, où il ne faut que du sang-froid et du sérieux ; examiner toutes ses pensées, et mesurer toutes ses paroles, avec cette justesse de sens, et ce jugement exquis, à qui rien n’échappe que d’exact et de judicieux ; c’est avoir la force de résister à la tentation qu’on a naturellement de faire paraître son esprit..... C’est laisser la liberté à ceux qui lisent l’histoire d’imaginer ce qu’on ne doit pas toujours dire. C’est enfin bien savoir sauver les contradictions, et établir les vraisemblances, en tout ce qu’on dit. Et cet esprit sensé, ce caractère sage que demande l’histoire, est une manière d’attention sur soi-même, qui ne se permet aucune exagération, et qui prend d’éternelles précautions contre ces imaginations hardies où l’on est sujet quand on a l’esprit trop brillant, ou trop fertile, afin de trancher en peu de grandes choses, comme fait Salluste. Le père Rapin n’en est pas demeuré là, il ajoute que Mariana est un des plus accomplis parmi les historiens modernes, parce qu’il est un des plus simples [23]. Que rien ne donne tant à l’histoire de Mariana l’air de grandeur qu’elle a, que l’art de cet auteur à y faire entrer par le moyen de la digression, tout ce qui se passe de considérable dans le monde, d’admirable dans le temps fabuleux, de remarquable dans la Grèce, dans la Sicile, dans l’empire romain ; un détail assez particulier de la république de Carthage, qui n’est point ailleurs mieux que là : les siéges de Sagunte et de Numance, le passage d’Annibal en Italie : la suite des empereurs, la naissance du christianisme ; la prédication de l’Évangile ; les conquêtes des Arabes, et plusieurs autres traits qui ont du grand : c’est un génie qui ne se fait que de grandes matières, lesquelles tiennent toujours par quelque chose à l’histoire d’Espagne. En quoi jamais historien n’a tant fait d’honneur à son pays par aucun ouvrage ; car il donne à sa nation tout ce qui s’est jamais fait de grand au monde [24]. Parmi les modernes, continue le père Rapin [25], je trouve Mariana, Davila, Fra-Paolo, d’admirables génies pour l’histoire. Mariana a le talent de penser, et de dire noblement ce qu’il pense et ce qu’il dit, et d’imprimer un caractère de grandeur à ce qui lui passe par l’esprit [26]... Mariana, dans son histoire d’Espagne, n’a été surpassé d’aucun moderne, ni par la grandeur du dessein, ni par la noblesse du style : il est plus exact que les autres, et il juge sainement de tout. Joignons à tant d’éloges, non pas ce qu’a dit un autre jésuite en faveur de Mariana [27], mais ce qu’en a dit un protestant. Inter Latinos omnibus palmam præripit Johannes Mariana Hispanus, rerum Hispanicarum cognitione nemini secundus. Valuit verò Mariana insigni eloquentiâ, prudentiâ, et magnâ libertate dicendi : hinc et libertatis studiosissimus in reges suos sæpè est mordax [28].

Quelque beau que soit ce livre de Mariana, il ne laisse pas de contenir plusieurs fautes qui ont été critiquées en partie par un secrétaire du connétable de Castille. Ce censeur se nomme Pédro Mantuano. Il publia sa critique à Milan, in-4°, l’an 1611 [29], et l’intitula Advertencias à la historia de Juan de Mariana. Il n’avait alors que vingt-six ans. Thomas Tamaïus de Vargas, qui répondit pour Mariana, raconte une chose qui tient du prodige ; c’est que Mariana ne voulut jamais jeter les yeux, ni sur l’ouvrage de son censeur, ni sur l’ouvrage de son apologiste, quoique ce dernier lui eût offert son manuscrit avant que de le donner à l’imprimeur, et l’eût prié de le corriger. Noluisse Marianam legere, nec Mantuani censuram, nec Tamaji amicissimi capitis apologiam, etiam antè editionem sibi ab authore ad pervidendum et emendandum oblatam, quod credet vix posteritas [30]. On a publié dans l’Histoire des ouvrages des Savans, à la page 139 du mois de novembre 1693, le dessein d’une traduction française de Mariana, qui sera accompagnée de belles notes. Le public doit souhaiter de jouir bientôt de ce travail. On imprima en Hollande, l’an 1694, un abrégé chronologique de l’histoire d’Espagne, tiré principalement de Mariana. C’est un livre que l’on attribue à une demoiselle de Rouen [31] réfugiée en Angleterre pour la religion.

(E) Son traité du changement des Monnaies [32] lui fit des affaires à la cour d’Espagne. ] Alegambe s’est contenté de nous dire que cet ouvrage découvrait les fraudes du temps, et qu’à la requête de l’ambassadeur d’Espagne il fut suspendu par Paul V ; mais que la suite fit voir que Mariana, persécuté pour ce livre, avait aimé la justice et la vérité. In tractatu de Monetæ mutatione cùm acriùs corruptelam sui temporis perstrinxisset, gravem in se conscivit procellam ; et tractatus ipse postulante catholici regis oratore, à summo pontifice Paulo V tantisper suspensus fuit, donec invidia et cum eâ tempestas conquievit ; docueruntque posteriora tempora veri rectique amantem fuisse Marianam [33]. Nicolas Antonio, à certains égards, s’est tenu dans une plus grande généralité, quoiqu’il marque que les principaux ministres d’état accusèrent Mariana d’avoir censuré le gouvernement. Nec tamen, dit-il [34], vir tot meritis ad famæ immortalitatem nitens effugere voluit lævæ famæ discrimina, interpretantibus quædam ejus scripta principibus in curiâ viris tanquàm iniqua exertèque injuriosa sibi ipsis, ac publicæ administrationi. Cujus rei nomine solemniter accusatus non nisi post agitatam diù causam ægréque statui pristino fuit restitutus. Mais voici un auteur qui s’explique plus nettement : il nous assure que Mariana découvrit si bien la déprédation des finances, en montrant les voleries qui se commettaient dans la fabrique des monnaies, que le duc de Lerme, qui se reconnut là visiblement, ne put retenir son indignation. Il ne lui fut pas malaisé de pousser l’auteur, parce que le roi Philippe III était clairement censuré dans cet ouvrage, comme un prince fainéant, et qui laissait les affaires du royaume à la discrétion de ses ministres. Les monarques les plus possédés par un favori s’irritent sans peine contre ceux qui les exposent au mépris par une censure libre et juste de cet esclavage. Mariana fut mis en prison, et n’en sortit qu’au bout d’un an ; mais l’événement fit voir qu’il ne s’était pas trompé, en prédisant que les abus qu’il reprenait plongeraient l’Espagne dans un grand désordre. L’écrivain qui conte ceci s’appelle Bernardin Giraldus. Je l’ai déja cité une fois. Quarum (Dissertationum) una fuit, dit-il [35], de Monetæ mutatione in Hispaniâ, quâ quidem fraudes, et imposturæ ministrorum regiorum monetas publicas adulterantium detegebantur, oscitantia, et dormitatio Philippi III regis catholici perstringebatur, ingentia denique damna in universam Hispaniam ex improbissimo regiorum peculatu certo exoritura prænuntiabantur : quem librum qui legat, et hodiernum Hispaniæ statum non ignoret, abesse haudquaquàm possit, quin Marianam divinum hominem fuisse agnoscat (qui ea, quæ hodiè Hispania experitur mala, tanto antè ut vates occinerit) vel certè prudentiam genus divinationis esse intelligat. Verùm vehementer ea res Lermœum ducem, regiæ hispanicæ Sejanum, pupugit : quippè qui fundi Hispanici calamitas esset, seque à Marianâ designari satis intelligeret. Hominem ergo in vincula poscit, in iisque annum vertentem ampliùs continet.

(F)... Et l’exposa à une peine qui a été mal rapportée par M. Varillas. ] Cet historien prétend que Ribadéneira n’avait osé écrire en Espagne, sous le règne de Philippe II, ce que Charles-Quint avait contribué pour obliger la cour de Rome à se porter dans les dernières extrémités contre Henri VIII. Il faut avoir aussi peu de connaissance de l’histoire d’Espagne qu’en a M. Burnet, continue-t-il, pour ignorer que le même Philippe II relégua pour quinze ans en Sicile le père Mariana, pour un sujet beaucoup moins important que n’aurait été celui d’écrire contre Charles-Quint, puisque ce fut uniquement pour avoir composé le traité des Monnaies, qui ne regardait pas si directement la majesté des rois catholiques, que la conduite de Charles-Quint, à l’égard de Henri VIII [36]. Il y a trois faussetés dans ces paroles. 1°. Mariana n’a jamais été relégué en Sicile, tant s’en faut que ce prétendu exil ait duré quinze ans. 2°. Philippe II était mort quand ce jésuite écrivit sur les monnaies. 3°. Ce traité choquait beaucoup plus le roi d’Espagne qui régnait alors [37], que le livre de Ribadéneira n’eût choqué Philippe II, si l’on y eût vu la conduite de Charles-Quint à l’égard de Henri VIII. Je ne relève point ce qui se trouve d’absurde dans sa remarque sur Ribadéneira : c’est une chose qui a été solidement réfutée par le savant homme qui lui répliqua [38].

(G) Il n’y a rien de plus séditieux... que ce livre de Mariana. ] Il a pour titre : de Rege et Regis institutione, et il fut imprimé à Tolède, l’an 1598, avec privilége du roi, et avec les approbations ordinaires. L’auteur s’étant proposé d’examiner dans le Vle. chapitre du Ier. livre, s’il est permis de se défaire d’un tyran, entre en matière par le récit de la fin tragique de Henri III. Il admire le courage de Jacques Clément, et il dit que les opinions furent diverses sur l’action de ce jeune moine : les uns la louèrent, et la crurent digne de l’immortalité ; les autres la blâmèrent, parce qu’ils étaient persuadés qu’il n’est jamais permis à un simple particulier de tuer un prince déclaré roi par la nation, et oint de l’huile sacrée, selon la coutume, quoique ce prince soit devenu un scélérat et un tyran. De facto monachi non una opinio fuit, multis laudantibus atque immortalitate dignum judicantibus : vituperant alii prudendiæ et eruditionis laude præstantes, fas esse negantes cuiquam privatâ auctoritate regem consensu populi renunciatum, sacroque oleo de more delibutum sanctumque adeô perimere, sit ille quamvis perditis moribus, atque in tyrannidem degenerârit [39]. On voit clairement que Mariana est de ceux qui approuvèrent l’action de Jacques Clément ; car il rejette le principe en vertu duquel des personnes sages et savantes la condamnèrent. D’ailleurs, il affecte de relever le courage et la fermeté intrépide de cet assassin, sans se laisser échapper un mot qui tende à le rendre odieux au lecteur. Cette observation découvre admirablement tout le venin de la doctrine de ce jésuite ; car il est certain qu’il ne débute par l’exemple de Henri III, que pour descendre de la thèse à l’hypothèse, et pour montrer aux peuples un cas insigne de tyrannie, afin que toutes les fois qu’ils se trouveront en semblable état, ils se croient dans les circonstances où il est permis de faire jouer le couteau contre leurs monarques. Mais s’il est une fois permis d’en venir là, lorsqu’on se trouve sous un prince tel qu’Henri III, je ne sais point où sont les monarques qui ne doivent craindre d’être assassinés, ou détrônés, car on fait bientôt compensation entre le bien et le mal de deux conditions. Si les défauts du gouvernement ne sont pas les mêmes que sous Henri III, on se contentera de dire que tout bien compté ils les égalent, et l’on concluera que l’on se trouve dans le cas que le jésuite a marqué. Quoi qu’il en soit, continuons l’exposition de son système.

Mariana rapporte les raisons de ceux qui blâmèrent Jacques Clément ; c’est-à-dire, selon lui, les raisons de ceux qui prêchent qu’il faut se soumettre patiemment au joug tyrannique de son légitime souverain : et avant que d’y répondre [40], il allègue les argumens du parti contraire, appuyés sur cette base fondamentale ; c’est que l’autorité du peuple est supérieure à celle des rois [41]. C’est sa thèse favorite, il emploie deux chapitres [42] tout entiers à la prouver. Ayant allégué les raisons de chaque parti, il prononce : 1°. que selon le sentiment des théologiens et des philosophes, un prince qui, de vive force et sans le consentement public de la nation s’est saisi de la souveraineté, est un homme à qui chaque particulier est en droit d’ôter la vie : Perimi à quocunque, vitâ et principatu spoliari posse [43] ; 2°. que si un prince créé légitimement, ou successeur légitime de ses ancêtres, renverse la religion et les lois publiques, sans déférer aux remontrances de la nation, il faut s’en défaire par les voies les plus sûres ; 3°. que le moyen le plus court et le plus sûr de s’en défaire est d’assembler les états, et de le déposer dans cette assemblée, et d’y ordonner qu’on prendra les armes contre lui, si cela est nécessaire pour ôter la tyrannie ; 4°. qu’on peut faire mourir un tel prince, et que chaque particulier, qui aura assez de courage pour entreprendre de le tuer, a droit de le faire [44] ; 5°. que si l’on ne peut pas tenir les états, et qu’il paraisse néanmoins que la volonté du peuple est qu’on se défasse du tyran, il n’y a point de particulier qui ne puisse légitimement tuer ce prince, pour satisfaire aux désirs du peuple, qui votis publicis favens eum perimere tentavit, haudquaquàm iniquè eum fecisse existimabo [45] ; 6°. que le jugement d’un particulier ou de plusieurs ne suffit pas ; mais qu’il faut se régler sur la voix du peuple, et consulter même les hommes graves et doctes [46] ; 7°. qu’à la vérité il y a plus de courage à s’élever ouvertement contre le tyran ; mais qu’il n’y a pas moins de prudence à attaquer clandestinement, et à le faire périr dans les piéges qu’on lui tendra. Est quidem majoris virtutis et animi simultatem apertè exercere, palàm in hostem reipublicæ irruere : sed non minoris prudentiæ, fraudi et insidiis locum captare, quod sinè motu contingat minori certè periculo publico atque privato [47]. Il veut donc, ou qu’on l’attaque dans son palais à main armée, ou que l’on conspire contre lui ; il veut que la guerre ouverte, les ruses, les fraudes, les trahisons, soient également permises : et si les conspirateurs, ajoute-t-il, ne sont pas tués dans l’entreprise, ils doivent être admirés toute leur vie comme des héros ; s’ils périssent, ce sont des victimes agréables à Dieu et aux hommes, et leurs efforts méritent des louanges immortelles. Aut in apertam vim prorumpitur, seditione factâ armisque publicè sumptis…. aut majori cautione, fraude et ex insidiis pereunt, uno aut paucis in ejus caput occultè conjuratis, suoque periculo reipublicæ incolumitatem redimere satagentibus. Quòd si evaserint, instar magnorum heroum in omni vitâ suscipiuntur : si secùs accidat, grata superis, grata hominibus hostia cadunt, nobili conatu ad omnem posteritatis memoriam illustrati. Itaque apertè vi et armis posse occidi tyrannum, Sive impetu in regiam facto, sive commissâ pugnâ in confesso est. Sed et dolo atque insidiis exceptum [48] ; 8°. qu’encore qu’il ne semble pas y avoir de la différence entre un assassin qui tue d’un coup de couteau, et un homme qui empoisonne, néanmoins parce que le christianisme a abrogé les lois des Athéniens qui ordonnaient aux coupables d’avaler un breuvage empoisonné, Mariana n’approuve point que l’on se défasse d’un tyran par le moyen d’un poison mêlé dans les alimens : il veut que si l’on recourt au poison, on l’applique ou aux habits ou à la selle du cheval. Ergò, me auctore, neque noxum medicamentum hosti detur, neque lethale venenum in cibo et potu temperetur in ejus perniciem. Hoc tamen temperamento uti, in hâc quidem disputatione licebit, si non ipse qui perimitur venenum haurire cogitur, quo intimis medullis concepto pereat : sed exteriùs ab alio adhibeatur nihil adjuvante eo qui perimendus est. Nimirùm cùm tanta vis est veneni, ut sellâ eo aut veste delibutâ vim interficiendi habeat [49].

Voilà le système de ce jésuite. La dernière pièce en est très-impertinente. C’est une distinction ridicule ; car un homme qui avale du poison sans le savoir, et en croyant que c’est une bonne nourriture, ne contracte en aucune sorte le crime de ceux qui se font mourir eux-mêmes ; et c’est néanmoins pour épargner un si grand crime au tyran, que Mariana ne veut point qu’on lui fasse boire ou qu’on lui fasse manger du poison [50]. De plus, s’il était vrai qu’en avalant du poison sans le savoir on fût homicide de soi-même, on le serait aussi en prenant une chemise empoisonnée ; et néanmoins Mariana ne fait nul scrupule de consentir que l’on empoisonne les habits, les selles ou telles autres choses qui agissent du dehors en dedans. Je dis donc que l’article VIII de ce jésuite est très-indigne d’un homme qui sait raisonner ; et je suis surpris qu’un auteur, qui avait tant de bon sens et tant de logique, adopte une telle puérilité. À cela près, bien des gens se persuadent que son système est d’une belle ordonnance, que les pièces y sont bien liées, qu’on y va naturellement d’une conséquence à l’autre. Posez une fois, disent-ils, que le monarque relève de l’autorité du peuple comme de son tribunal suprême, et qu’il y est justiciable de sa conduite, tout le reste coule de source. Aussi voyons-nous que l’auteur qui réfuta Mariana, établit un fondement tout opposé, savoir que les princes souverains ne dépendent que de Dieu auquel seul il appartient d’en faire justice [51]. Je n’entre point dans la discussion de ce dogme, il me suffit d’observer que comme les doctrines de Mariana sont très-pernicieuses au bien public, il vaudrait mieux qu’il eût raisonné inconséquemment, que de suivre en bon dialecticien les conséquences de son principe. Voyez ci-dessus, tome IX, la remarque (S) de l’article Loyola.

(H)....... Il exposa les jésuites....... a mille sanglans reproches. ] Les catholiques et les protestans fondirent sur eux à qui mieux mieux, à l’occasion de ces dogmes de Mariana, et principalement après l’attentat horrible de Ravaillac ; car on disait que la lecture de Mariana avait inspiré à ce cruel assassin l’infime dessein de poignarder Henri IV. Voilà pourquoi le père Coton fit publier une lettre qu’il avait écrite à Marie de Médicis, veuve de ce prince, où il cita quelques jésuites célèbres qui enseignaient le contraire de ce que Mariana avait soutenu. Il fit plus, car il soutint que le livre de ce jésuite espagnol fut condamné, l’an 1606, dans l’une de leurs congrégations. Je rapporterai ses propres paroles [52] : Tel donc étant le sens et telles les sentences de ces docteurs graves et signalés de notre compagnie, quel préjudice peut apporter l’opinion particulière de Mariana à la réputation de tout un ordre, lequel étant selon son institut, extrêmement jaloux de la manutention des saintes ordonnances de l’église, et respectant la puissance et autorité des rois, que pour le temporel relèvent de Dieu seul, a dès long-temps désavoué la légèreté d’une plume essorée, et nommément en la congrégation provinciale de France, tenue en cette ville de Paris, l’an 1606, où d’abondant le révérend père Claude Aquaviva, général de notre compagnie, fut requis, que ceux qui avaient écrit au préjudice de la couronne de France fussent réprimés et leurs livres supprimés : Ce que ledit révérend père a fait depuis fort sérieusement et exactement, très-marri que par mégarde, en son absence, et sans avoir vu l’œuvre, on ne se fût servi de son aveu. Les paroles dont il usa en sa réponse sont telles [53] : Nous avons approuvé le jugement et le soin de votre congrégation, et avons été grandement attristés que l’on ne se soit aperçu de cela qu’après l’impression de tels livres : lesquels toutefois nous avons soudain commandé d’être corrigés, et aurons soin très-exact désormais que telles choses n’adviennent. De fait à grand peine trouverait-t-on maintenant un seul exemplaire de Mariana, n’eût été la pernicieuse libéralité des héritiers de Wechel, que l’on sait être de la religion prétendue réformée, qui l’ont fait imprimer à leurs propres coûts, non tant poussés, comme il est aisé à présumer, du désir de servir le public, que de nuire au particulier de notre compagnie. Pour ce qui concerne la lecture de Mariana par Ravaillac, on soutint dans la même lettre que messieurs du parlement savaient par la réitérée déposition du malheureux, que Mariana n’avait en rien contribué à l’exécrable parricide, et ne l’avait pu faire, attendu que ce méchant n’avait suffisante intelligence de la langue en laquelle son livre était écrit. En quoi se découvre, poursuit le père Coton, la peu charitable intention de ceux qui vont disant qu’il le savait tout par cœur [54]. Dans un autre livre le père Coton revint à la charge. Les hérétiques............ de France, dit-il [55], « veulent que Mariana ait induit Ravaillac à faire son coup malheureux et exécrable, comme le sachant tout par cœur : à quoi on répliquera cent et cent fois au péril de l’honneur, et de la vie, que Ravaillac ne vit, ne lut et n’entendit jamais le nom même de Mariana, si ce n’est quand on lui demanda s’il l’avait lu, et il répondit que non, et ne savait que c’était ; témoin le révérend père M. Coëffeteau, témoin aussi le procès verbal qui en a été dressé : d’où l’on doit inférer ce que peut la calomnie éshontément soutenue : car n’y ayant rien plus faux que de dire que ce malheureux ait seulement vu la couverture du livre de Mariana, quelques-uns du vulgaire néanmoins croient, à force de l’ouïr dire, qu’il le savait d’un bout à l’autre, comme il a été dit. J’ajouterai que quand bien Ravaillac l’aurait lu, toutefois il est très-faux que Mariana enseigne le meurtre et le parricide que ce malheureux a commis ; ce que néanmoins en cet endroit et par tout son libelle le calomniateur tâche de persuader. Ainsi il serait en certaine manière à désirer que Ravaillac eût lu Mariana, en cas qu’il l’eût pu entendre : car disertement, et expressément Mariana enseigne (comme le montre Gretsérus) qu’un prince légitime ne peut être tué par un particulier de son autorité privée. » Le père Coton se trompe : le livre de Mariana était fort propre à inspirer l’entreprise d’assassiner Henri IV ; car on y pouvait trouver que l’action de Jacques Clément était bonne, et que si la voix du peuple et le conseil de quelques personnes savantes concourent à déclarer que le prince opprime la religion, un particulier le peut tuer. Joignant ces deux choses ensemble, l’on en inférait la justice de l’assassinat d’Henri IV ; car si Henri III, catholique au souverain point, était l’oppresseur du catholicisme, parce qu’il travaillait pour les droits d’un prince hérétique qui devait être son successeur, on peut juger en général que tout prince qui est favorable aux hérétiques veut opprimer la religion. Or, s’il est permis de tuer un oppresseur de la religion, il est permis sans doute de se défaire de celui qui veut l’opprimer dès qu’il le pourra ; car la prudence ne permet pas que l’on laisse croître le mal jusques au point qu’il soit difficile d’y apporter du remède : il faut le prévenir et l’attaquer pendant qu’il est faible. D’ailleurs, par la voix du peuple on n’entend pas le jugement de tous les particuliers : il suffit que dans chaque ville il y ait plusieurs personnes qui joignent leurs voix pour certaines choses. Or il est indubitable que le royaume était plein de gens qui soupçonnaient Henri IV de vouloir faire triompher la religion réformée dès qu’il le pourrait, et de n’entreprendre la guerre contre la maison d’Autriche que dans cette vue. Ainsi Ravaillac, en raisonnant sur les principes de Mariana, et en y joignant selon la coutume un sens d’accommodation, pouvait fort bien croire qu’il n’avait pas moins de droit que Jacques Clément. Il ne se trouvait que trop de personnes doctes, et à son sens très-prudentes, qui le confirmaient dans son pernicieux dessein, et cela pour le bien de la religion. Voyez dans la remarque (K) sa réponse à ceux qui lui demandèrent pourquoi il avait commis cet assassinat, et souvenez-vous qu’il déclara devant les juges, que la volonté de tuer le roi lui vint pource que ce prince n’avait voulu (comme il en avait le pouvoir) réduire ceux de la religion prétendue réformée à l’église catholique, apostolique et romaine [56], et parce qu’il avait entendu que le roi voulait faire la guerre au pape et transférer le saint siége à Paris [57] : car faisant la guerre contre le pape, disait-il [58], c’était la faire contre Dieu : d’autant que le pape était Dieu, et Dieu était le pape.

Un écrivain catholique, qui réfuta la Lettre déclaratoire du père Coton, par un livre intitulé l’Anti-Coton [59], m’apprend des choses qui doivent trouver ici une place. Ce livre de Mariana, dit-il [60], ayant été premièrement imprimé à Tolède, fut apporté en France il y a huit ans, et présenté au roi et les clauses séditieuses de ce livre représentées à sa majesté, laquelle ayant appelé le père Coton lui demanda s’il approuvait cette doctrine. Mais ledit jésuite, qui plie aux occasions, et sait s’accommoder au temps, dit qu’il ne l’approuvait pas. Suivant laquelle réponse sa majesté, par le conseil de M. Servin, son avocat général, commanda à Coton d’écrire à l’encontre : mais il s’en excusa, sachant bien qu’il ne pouvait écrire à l’encontre, sans s’opposer au général de l’ordre et au provincial de Tolède, et à un corps de jésuites qui avait approuvé ce livre. Et maintenant qu’il voit que par la mort du roi les jésuites sont chargés d’une haine universelle, et qu’il se voit pressé par la cour de parlement, et par la sorbonne, il a écrit une épître déclaratoire, où il condamne voirement Mariana : mais en termes si doux et si douteux, qu’on voit bien qu’il a peur de l’offenser, disant seulement que c’est une légèreté d’une plume essorée, au lieu d’accuser la personne d’hérésie, et de trahison perfide et barbare, et la doctrine d’impiété, et inimitié contre Dieu et les hommes. Et quand même il reprendrait Mariana ; comme il faut, si est-ce que c’est (comme dit l’abbé du Bois) après la mort le médecin, et fallait avoir écrit lorsque le roi le lui commanda, et ne laisser point enraciner cette opinion dans l’esprit du peuple, laquelle lui a coûté la vie peu d’années après. Le père Coton articula huit mensonges dans ce narré. Voyez sa réponse apologétique à l’Anti-Coton [61]. Au reste, les jésuites de France ne furent pas les seuls harcelés au sujet de leur confrère Mariana : ceux d’Allemagne eurent part à la tempête, comme il paraît par l’apologie que Jacques Gretsérus fut obligé de publier [62]. Ajoutons ce passage de Conringius : Prodiit et alius ejus (Marianæ) libellus, de Institutione Regis, multa præclara continens, in quo liberrimè judicat, quomodò reges instituendi sint : Non dubitavit autem et apertè quoque docere, si rex vel anathemate tactus vel excommunicatus, ac nonnihil recessit à Romanâ Ecclesiâ, licere in illum gladio, igne scilicet animadvertere. Eâ tamen pietate videri voluit, ut dixerit, regem veneno tolli non licere, quasi verò. Combustus verò hic est liber ob talem doctrinam horrendam Parisiis, et coacti fuêre jesuitæ dissensum profiteri. Non dubitavit et Mariana sicarium Henrici IV regis Galliæ inter sanctos memorare [63]. Je crois que Conringius se trompe deux fois : Mariana n’assure point qu’il soit permis de tuer un prince qui s’écarte tant soit peu de la communion romaine, ou qui est simplement excommunié : et comme son livre a précédé de plus de dix ans la mort d’Henri IV, il n’a pu y faire mention de Ravaillac. Si dans d’autres livres il avait parlé de ce monstre comme d’un saint, on n’eût pas manqué d’en faire reproche aux jésuites, toutefois qu’on leur eût représenté les maximes séditieuses de Mariana, depuis l’impression de ces autres livres. Or je ne pense pas qu’on l’ait jamais fait. On a toujours mis une grande différence entre Ravaillac et Jacques Clément. Celui-ci a eu des approbateurs publics, et même des panégyristes ; l’autre n’en a jamais eu que je sache. La raison de cela est sensible : Henri III était excommunié quand il fut tué ; mais Henri IV était réconcilié depuis long-temps avec le pape.

Remarquons par occasion que M. de Seckendorf pourrait être critiqué. Il prétend que la doctrine de Mariana consiste en ceci, c’est qu’un simple particulier animé, ou par son zèle, ou par les ordres du pape, peut attenter à la vie des rois hérétiques. Dudùm quoque malè audiit, dit-il [64], jesuitarum societas propter doctrinam Joh. Marianæ, itidem jesuitæ Hispani, aliorumque, qui statuerunt, licitum, immò laudabile esse, si quis, privatus licet aut subditus, regem aut principem hereticum, mandatu pontificis, vel etiam ex zelo religionis quovis modo è medio tollat. Mais il est sûr que Mariana se tient à la thèse générale, et qu’il ne dit rien en particulier, ni des princes hérétiques, ni des permissions ou des dispenses de la cour de Rome ; ses maximes regardent toutes les nations et tous les tyrans : il n’exclut point de ses règles les protestans qui se trouveraient sous un règne tyrannique ; il n’en exclut point les mahométans ni les païens : il traite cette question tout comme aurait fait Aristote : et je ne vois point ce que Milton et ses semblables, qui sont en si grand nombre, pourraient trouver à redire dans les hypothèses de cet Espagnol, à moins qu’ils ne condamnassent le préambule dont il s’est servi en faveur de Jacques Clément ; mais ce préambule n’est pas son dogme précis, il désigne seulement par le moyen des conséquences, l’application que l’auteur veut faire de ses maximes [65].

(I) .... Il fut imprimé avec de bonnes approbations. ] Pierre de Onna, provincial des religieux de la rédemption des captifs, l’ayant lu et examiné par ordre du roi d’Espagne, le loua et le jugea digne d’être imprimé. l’auteur obtint un privilége de sa majesté catholique pour dix ans. Etienne Hojéda, jésuite visiteur de la province de Tolède, et autorisé par le général de la compagnie, permit l’impression de l’ouvrage, après avoir su le bon témoignage qu’en rendirent quelques jésuites doctes et graves. L’auteur de l’Anti-Coton fit valoir cela, afin d’imputer à tout le corps la doctrine de cet auteur. Et afin qu’on sache, dit-il[66], que ce n’est point l’opinion de peu de jésuites, au front du livre de Mariana, il y a une approbation et permission d’imprimer du général de l’ordre, Aquaviva, et de Stephanus Hojéda, visitateur de la société de Jésus en la province de Tolède. Qui plus est, en la même permission d’imprimer, il y a[* 5] qu’avant ladite permission concédée, ces livres de Mariana ont été approuvés par des hommes doctes et graves de l’ordre des jésuites. Dont s’ensuit que quand même le général Aquaviva aurait été surpris, (comme le père Coton nous veut faire accroire, forgeant des lettres de cet Aquaviva à sa poste) si est-ce que le visitateur et les docteurs jésuites, qui ont examiné le livre avant l’impression, ne peuvent avoir été surpris. Rapportons la réponse du père Coton : on trouve une chose assez surprenante. « Le calomniateur révoque en doute la réponse du révérend père général Claude Aquaviva ; mais la teneur d’icelle, insérée en note[* 6], fera voir que l’on n’impose pas comme lui. Et quant aux docteurs dont il fait tant de bruit, lesquels ont approuvé Mariana, ils ne sont que trois, nombre qui est beaucoup plus petit que celui des trente ou quarante qui ont approuvé les treize où quatorze livres de ceux de notre compagnie qui ont enseigné et soutenu le contraire de Mariana, conformément au concile de Constance. Et si l’autorité du révérend père général doit être alléguée à ce propos, n’est-elle pas plus considérable en la permission qu’il a donnée au grand nombre d’auteurs, d’imprimer ce que dessus, qu’en celle qu’on lui reproche d’un seul Mariana [67] ? »

Ce qu’il y a de surprenant dans ces paroles, est que le père Coton avoue que le général Aquaviva approuva le livre de Mariana, et en permit l’impression. Or c’est ce qui ne paraît point à la tête de cet ouvrage : on n’y trouve si ce n’est que le père visiteur, chargé d’une commission spéciale du général, permet que le livre de Mariana soit imprimé. Cela prouve seulement que le général Aquaviva avait commis ce visiteur à la charge particulière de permettre ou de défendre l’impression des livres composés par des jésuites : en conséquence de quoi ce visiteur consentit que Mariana publiât son livre. Mais ce n’est pas à dire que le général ait su, ni que Mariana avait écrit de Institutione Principis, ni que ce livre contenait une doctrine pernicieuse. Il y a des censeurs de livres dans tout pays, qui exercent cette charge par l’autorité du prince, ou par celle des évêques, etc. S’ils approuvent une hérésie, en faut-il conclure que le prince, ou que le prélat, dont ils ont reçu leur commission, approuve cette hérésie ? Nullement, à moins qu’on ne sache ou qu’ils ont communiqué à leur maître le manuscrit, avant que de l’approuver, ou que leur approbation a été ratifiée. Il est bien étrange que ni le père Coton, ni le père Richeome [68], n’aient pu se servir de cette raison. Leur confrère Eudémon Johannes n’eut point la berlue comme eux à cet égard. Voici ce qu’il répondit à l’auteur de l’Anti-Coton : pag. 15. Affirmas Marianæ librum à generali societatis atque à provinciali Toletano approbatum fuisse : pag. 23 Apologiam meam pro Henrico Garneto editam esse cum approbatione præpositi generalis. Utrumque mendacium est. Nam moderatores nostri libros non recognoscunt ipsi : sed aliis tradunt recognoscendos ; qui si eos probaverint, tum demùm potestatem edendi faciunt....... Neque difficilis est forma diplomatis, quod legitur in libro Marianæ, cujus edendi potestatem generalis non fecit, sed visitator, non, ut tu scribis provincialis, cui partes in eâ re suas generalis delegârat, ut si liber is designatis eam ad rem theologis probaretur, imprimendi ejus facultatem dare posset [69]. Le véritable moyen de rendre complice Aquaviva des dogmes affreux de Mariana, serait de prouver qu’après avoir su ce que son subdélégué, ou son commissaire avait permis d’imprimer, il en fut content, et qu’il consentit que Mariana laissât dans son livre tout ce qui s’y rencontrait. Mais les jésuites donnèrent bon ordre qu’on ne pût les prendre par cet endroit-là. Ils firent savoir au public [70] que leur père général étant averti par Richeome, l’an 1599, et par leurs pères de France, commanda que le livre de Mariana fût corrigé, et n’en eût-on vu, dirent-ils [71], aucun exemplaire sans correction, si les hérétiques qui en pensaient faire leur profit, ne l’eussent aussitôt réimprimé. Ils publièrent un fragment de lettre d’Aquaviva sur ce sujet [72], et même le mandement général qu’il envoya à tous les colléges des jésuites, par lequel il leur défendait de publier et d’enseigner aucune doctrine qui tendît en quelque manière à la ruine des souverains [73]. Præpositus generalis cùm de Marianæ libro à patribus provinciæ Franciæ accepisset, respondit, primum collaudare se studium, judiciumque provinciæ ; deindé ægerrimé tulisse, quòd libri ii antè emissi essent, quam ejus rei quicquam ad se deferretur. Cæterùm, et ubi primùm rem accepisset, mandâsse uti corrigeretur et sedulò daturum operam, ne quid ejusmodi in posterum accideret. Neque eo contentus (cogit enim me importunitas tua efferre in vulgus ea, quæ soctietatis legibus vulgari non oporteret) decretum etiam addidit vehemens et grave, ne quis è nostris hominibus aut publicè quicquam scriberet, doceretve ; aut privatim consilii cuiquam daret, quod in principum perniciem ullâ ratione vergeret. Quod, es vulgandi ejus præpositus generalis mihi potestatem fecit, ipsis ejus verbis adscribam [74]. Voyez les réflexions qu’a faites sur tout ceci George Hornius, professeur à Leyde [75].

(K) On publia que Ravaillac y avait puisé..... et qu’il l’avait avoué dans son interrogatoire. Ce fait fut contredit publiquement. ] Les passages du père Coton rapportés dans la remarque (H) seraient une preuve suffisante de ce texte ; néanmoins j’y ajouterai quelque chose. On trouve dans le Mercure Français [76] l’interrogatoire de Ravaillac ; mais pas un mot de Mariana. On trouve que pendant les deux jours qu’il fut gardé à l’hôtel de Retz, il répondait à ceux qui lui demandaient qui l’avait mû à cet attentat : « Les sermons que j’ai ouïs, auxquels j’ai appris les causes pour lesquelles il était nécessaire de tuer le roi. Aussi sur la question, s’il était loisible de tuer un tyran, il en savait toutes les défaites et distinctions, et était aisé à reconnaître qu’il avait été soigneusement instruit en cette matière : car en tout autre point de théologie il était ignorant et méchant, tantôt disant une chose et puis la niant. » Ce n’est nullement une preuve qu’il eût lu le livre de Mariana ; car il avait pu apprendre de vive voix, ou par la lecture de plusieurs autres ouvrages, soit imprimés, soit manuscrits, tous les principes de ce jésuite espagnol. Il est très-possible que cette proposition soit véritable : un tel sait parfaitement les maximes de Mariana, et néanmoins il ne sait pas qu’il y ait eu un auteur nommé Mariana. Afin donc de faire voir que Ravaïllac avait lu le livre de ce jésuite, il faut des raisons plus fortes que celle-ci, il savait la doctrine de cet écrivain : il faut d’autres argumens que ce passage du Mercure Français [77]. « Le même jour de cette exécution [78], pour ce que Ravaillac en toutes les réponses aux demandes que l’archevêque d’Aix, le prédicateur Coëffeteau, et plusieurs autres lui avaient faites durant sa prison sur le parricide qu’il avait commis, s’aidait subtilement des maximes de Mariana, et autres qui ont écrit, qu’il était permis de tuer les tyrans : avant que procéder de nouveau à la défense de tels livres, la cour voulut avoir la délibération de la faculté de théologie, et enjoignit aux doyen et syndic, etc. » Notez qu’encore qu’on eût été très-certain que l’assassin n’avait point lu Mariana, on n’eût pas laissé de pouvoir faire raisonnablement aux jésuites la remontrance que leur fit en chaire l’abbé du Bois. Ils s’en plaignirent à la reine, et accusèrent cet abbé : « Que durant les octaves du Saint-Sacrement qu’il prêchait à Saint-Eustache, en traitant la question, s’il était loisible de tuer les tyrans, et réfutant le livre de Mariana et autres, il avait fait une exhortation aux pères jésuites, à ce qu’ils eussent par ci-après très-grand soin que jamais aucun auteur, qui pût offenser la France, ne sortît en lumière, avec le nom de leur compagnie, et approbation de leurs supérieurs, s’ils ne voulaient de gaieté de cœur s’exposer à des dangers que toute leur prudence fortifiée de l’autorité de leurs confidens ne saurait éviter. Voilà les principaux points de l’accusation sur lesquels on dit à la reine que telles paroles avaient pensé émouvoir une sédition contre les jésuites. L’évêque de Paris eut charge d’ouïr le dit abbé, lequel en sa défense lui dit, que ce n’était ni passion, ni inimitié, ni rancune contre les jésuites ou autres, qui l’avaient porté à prêcher ce qu’il avait prêché, mais l’effroyable horreur, et l’indicible douleur de l’étrange mort de son très-bon maître, et le doute probable du péril du roi et de la reine, tandis que les maudits livres de Mariana et autres auraient cours parmi les hommes : ce qu’entendu par l’évêque il le renvoya, après l’avoir doucement admonesté de vivre en amitié avec tous les autres serviteurs de Dieu, et surtout avec les jésuites ; et de continuer à prêcher l’obéissance due au roi et à la reine, et à louer les hauts mérites du feu roi, sans offenser personne [79].

(L) Le livre où il remarque les défauts du gouvernement de sa compagnie. ] Pendant que le duc de Lerme le détenait en prison pour les causes dont j’ai parlé ci-dessus [80], tous ses papiers furent épluchés par François Sosa, évêque d’Osma, et conseiller d’état, qui eut ordre d’abolir tous les manuscrits qu’il y trouverait, où la négligence du roi, et les ruses du duc de Lerme seraient critiquées. Cet évêque trouva un livre écrit de la propre main de Mariana, del Govierno de la Compania de Jesus, où l’auteur représentait les malheurs funestes dont la compagnie était menacée, si elle ne corrigeait les désordres de son gouvernement : sur quoi il suggérait de fort bons conseils. L’évêque d’Osma ne fit point difficulté de donner à lire ce manuscrit à ses amis, et de leur en laisser tirer des copies. De là vint que cet ouvrage tomba entre les mains de quelques personnes [81] qui l’envoyèrent en France, en Allemagne et en Italie. Un libraire français le fit imprimer, non-seulement en espagnol, qui était la langue de l’original, mais aussi en latin, en français et en italien [* 7]. Dès qu’il eut été porté à Rome, le jésuite Floravanti, confesseur D’Urbain VIII, le lut, et s’écria, heu ! heu ! actum est de nobis jesuitis, quandò nimis vera sunt quæ liber hic cantat. Le général des jésuites n’épargna rien pour obtenir la condamnation de ce livre, et cela lui fut enfin accordé l’an 1631 [82]. L’auteur que je cite allègue quelques endroits de cet ouvrage de Mariana. Vous le trouverez tout entier en espagnol et en français dans le IIe. tome du Mercure Jésuitique, imprimé à Genève, l’an 1630, et vous en verrez tout le VIe. chapitre dans les Arcana societatis Jesu, imprimés au même lieu, l’an 1635. Le père Alegambe n’a pu se taire sur ce livre de Mariana. Voyons de quelle façon il en parle : Circumfertur prætereà hispanicè, gallicè, italicè, latinè excusus Discursus de erroribus, qui in formâ gubernationis societatis Jesu occurrunt, constans 20 capitibus. Burdigalæ per Johannem de Bordeos mdcxxv, in-8o. et alibi. Sed is clam illi subductus, à malevolo quopiam ad conciliandam societati invidiam extrusus in lucem est : adjectis etiam fortassè non paucis, ut pronum est existimare, ab ipsius observationibus atque animo alicuis [83]. Conringius s’est fort trompé, quand il a dit que Mariana avait publié lui-même ce livre. Tantam libertatem sibi assumpsit, ut et libellum ediderit de membris [84] societatis, quem licet supprimerent jesuitæ, tamen in mediâ Româ editum esse constat : rarissimus hodiè est inventu [85]. J’ai de la peine à croire qu’on l’ait imprimé à Rome, quoi qu’en dise Conringius.

(M) Les jésuites ne demeurent pas d’accord que Mariana soit l’auteur d’un pareil écrit. ] Cela parut dans une affaire qu’ils eurent l’an 1695, et qui fit beaucoup de bruit. M. l’archevêque de Reims publia une ordonnance [* 8] fort docte le 15 de juillet de cette année-là, contre deux thèses qui avaient été soutenues par les jésuites de Reims, et se servit du traité de Jean Mariana des Choses qui sont dignes d’amendement [* 9] en la compagnie des Jésuites [86]. Il dit [87] que cet auteur espagnol, qui vivait du temps des congrégations de Auxiliis, nous apprend les fâcheuses suites de la licence que Molina et tant d’autres se sont donnée d’enseigner leurs visions.... « Mariana dit donc au chapitre IV, que de la liberté d’avoir ses propres opinions sont procédées plusieurs et ordinaires brouilleries avec les pères dominicains, qu’il déclare, que les jésuites auraient mieux fait de reconnaître pour maîtres. Il ajoute, qu’à l’occasion d’un livre qu’écrivit le père Molina sur le sujet de la grâce et du franc arbitre, ces pères s’altérèrent bien fort, recoururent à d’inquisition, et de là à Rome, là où il dit, qu’encore au temps qu’il écrivait, le procès continuait, et se menait avec beaucoup d’opiniâtreté et de passion, et que quand bien les jésuites en sortiraient victorieux, ce qui était encore fort douteux, il leur aurait toujours coûté plusieurs milliers, et l’inquiétude de plusieurs années. » Je laisse les autres extraits du même livre qui se trouvent dans l’ordonnance de ce prélat. Mais voyons ce que les jésuites lui répondirent [* 10]. Ils alléguèrent d’abord deux ou trois raisonnemens, et puis ils parlèrent de cette manière [88]. « Mais, Monseigneur, sans tant raisonner, je dois vous le dire, ce livre ne méritait pas l’honneur d’être cité dans la pastorale d’un grand archevêque. En voici l’histoire en deux mots, telle que la racontent nos ennemis, dont cependant je ne prétends pas me faire la caution. Ce manuscrit fut enlevé à Mariana, disent-ils, lorsqu’il fut mis en prison à Madrid, pour un autre livre qu’il avait fait contre le changement des monnaies, et dont les ministres d’Espagne, surtout le duc de Lerme, se tinrent fort offensés. La chose arriva en 1609 ou 1610. Il paraît par-là que les ennemis des jésuites gardèrent le manuscrit durant quinze ou seize ans : c’est-à-dire pendant tout le reste de la vie de Mariana, qui aurait pu s’inscrire en faux, ou à raison de la supposition d’un tel ouvrage, ou contre les falsifications qu’on y avait faites. Il ne fut imprimé qu’en 1625, incontinent aprés la mort de ce père, qui mourut en 1624, âgé de près de quatre vingt-dix ans. Cette seule circonstance rend ce livre très-suspect, et on traite de supposés des livres pour des raisons moins fortes. Ceux qui firent imprimer, ne le firent que pour décrier notre compagnie : peut-on douter qu’ils n’y aient du moins changé et ajouté beaucoup de choses ? Mais ce qui ne laisse nul lieu de douter de la fourberie, c’est qu’on n’en a jamais produit l’original, ni marqué le lieu où il était, quoique les jésuites de ce temps-là se fussent d’abord inscrits en faux. De fait, l’endroit même qui est cité dans la pastorale est tellement contraire aux idées de Mariana sur la matière de Auxiliis, qu’il faudrait le croire fou pour s’imaginer que cela soit de lui. On lui fait dire en cet endroit, que les jésuites auraient mieux fait dans les Controverses sur la grâce [* 11], de reconnaître les dominicains pour maîtres, que de se brouiller avec eux : [* 12] et Mariana dans son ouvrage intitulé : De morte et Immortalitate, qu’il écrivait dans la plus grande chaleur de ces disputes, ainsi que lui-même le marque, prend si fort le contre-pied de la doctrine des thomistes, que Molina ne le ferait pas davantage. » Voyez la note [89].

(N) Ses scolies sur l’Écriture ont mérité l’approbation du père Simon. ] « Les scolies ou notes de Mariana, sur le Vieux Testament, peuvent aussi être très-utiles pour l’intelligence du sens littéral de l’Écriture, parce qu’il s’est appliqué principalement à trouver la signification propre des mots hébreux. C’est ainsi qu’au commencement de la Génèse, il a remarqué judicieusement, que le verbe hébreu bara, qu’on traduit ordinairement créer, ne signifie point selon sa propre signification, faire de rien, comme on le croit ordinairement : et que même les auteurs grecs et latins qui ont inventé le mot créer en leur langue, n’ont pu lui attacher ce sens, d’autant que ce qu’on appelle maintenant création, ou production de rien, leur a été tout-à-fait inconnu. Bien que ses notes soient assez abrégées, il aurait pu éviter quelques remarques qui sont purement d’érudition, et qui ne servent point à l’éclaircissement de son texte. Ces sortes de digressions lui arrivent néanmoins rarement, et l’on peut dire que Mariana est un des plus habiles et des plus judicieux scoliastes que nous ayons sur la Bible. Il est vrai que la connaissance, qu’il avait des langues grecque et hébraïque, n’était que médiocre : mais la pénétration de son esprit et sa grande application suppléent en quelque façon à ce manquement. Il choisit d’ordinaire le meilleur sens, et il n’est pas même ennuyeux dans les différentes interprétations qu’il rapporte [90]. » Dans un autre ouvrage, le père Simon a parlé ainsi [91] : « A l’égard de Mariana, ses notes sur le Nouveau Testament sont de véritables scolies, où il ne paraît pas moins de jugement que d’érudition [92]..... Il serait à désirer que les observations de ce savant homme n’eussent pas été si abrégées. Néanmoins il dit beaucoup de choses en peu de mots. » Voyez aussi ce qu’a dit le même auteur [93] touchant le livre de Mariana pour l’édition vulgate.

(O) Le mal qu’il dit du roi Henri III fut cause en partie que son livre de l’Institution du Prince fut condamné à Paris. ] Cela est manifeste par la teneur de l’arrêt : Vu par la cour... Le livre de Jean Mariana, intitulé de Rege et Regis Institutione, imprimé tant à Mayence [94] qu’aux autres lieux, contenant plusieurs blasphèmes contre le feu roi Henri III, de très-heureuse mémoire ; les personnes et états des rois et princes souverains, et autres propositions contraires audit décret.... Ladite cour a ordonné et ordonne... que ledit livre de Mariana sera brûlé par l’exécuteur de la haute justice, devant l’église de Paris........ Fait en parlement, le 8e. jour de juin 1610. Si Mariana s’était contenté de dire qu’Henri III ternit dans un âge plus avancé toute la gloire qu’il avait acquise dans sa jeunesse, on ne pourrait pas le blâmer ; car il est sûr que jamais prince ne se rendit plus dissemblable à soi-même que celui-là. Felix futurus, si cum primis ultima contexuisset, talemque se principem præstitisset, qualis sub Carolo fratre rege fuisse credebatur adversùs perduelliones copiarum bellique dux : qui illi gradus ad regnum Poloniæ fuit procerum ejus gentis suffragio. Sed cesserunt prima postremis, bonaque juventæ major ætas flagitio obliteravi. Defuncto fratre revocatus in patriam, rexque Galliæ renunciatus, omnia in ludibrium vertit [95]. Il n’y avait pas plus de différence entre Hector victorieux de Patrocle, et son cadavre traîné par un chariot [96] ; qu’entre le duc d’Anjou victorieux à Moncontour, et Henri III obsédé de moines et de mignons, et contraint de quitter Paris au duc de Guise. Les débauches commencèrent à énerver son courage ; la bigoterie acheva de l’efféminer. Ses confréries de pénitens, et leur sac, me fait souvenir de cet endroit de M. Despréaux :

Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe,
Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope.

Je ne reconnais plus sous ce sac, sous cet équipage de faux pénitent, ce brave guerrier qui triompha des protestans à Jarnac et à Moncontour, et qui mérita les suffrages des Polonais pour un grand royaume.

...............Ultima primis
Obstant, dissimiles hic vir et ille puer.


Mais Mariana ne s’est point borné à la remarque de ce changement.

Notez néanmoins qu’on a tort de dire dans la dernière édition de Moréri [97], qu’il publia le livre de Rege et Regis Institutione pour justifier l’assassinat du roi de France Henri III. Ce ne fut point son but. Il traita la matière selon l’étendue du titre de son ouvrage. Ce qui concerne l’autorité qu’il donne aux sujets sur les rois tyrans n’est qu’une très-petite portion de son livre, et il ne fait entrer là Henri III que par occasion, et en peu de mots.

(P) Je doute qu’il ait fait le livre de Republicâ Christianâ qu’un écrivain allemand loue beaucoup. ] Il dit que c’est un ouvrage excellent publié par Jean Mariana en espagnol, l’an 1615, et dédié à Philippe III, roi d’Espagne, et qu’après plusieurs autres choses ingénieusement inventées, et sagement proposées [98], on y trouve la description de la tête d’un bon prince avec les usages légitimes des cinq sens externes. Si le jésuite Mariana eût publié un tel ouvrage, les bibliothécaires de la compagnie, et don Nicolas Antoine, l’eussent-ils passé sous silence ?

  1. * Voyez la remarque (E).
  2. (*) Castitatis cultor studiosissimus, cujus aliquis effectus esse potuerit quòd mortuo manus fuerint ita tractabiles ac si viveret.
  3. * Henri IV.
  4. (*) Delectus verborum habendus et pondera singulorum examinanda. Fab., lib. 10, cap. 3.
  5. (*) Quippè approbatos priùs à viris doctis et gravibus ex eodem nostro ordine.
  6. (*) Ad ea quæ congregatio provinciæ Franciæ proponenda censuit : respondeo, probamus judicium ac studium congregationis : et sanè doluimus vehementer, ubi aliqua hujùsmodi post librorum tantùm editionem observari cognovimus, et statim emendari jussimus, et in posterùm ut caveantur seriò monuimus, ac monituri porrò sumus.
  7. * Leclerc observe que M. Simon soutient que ce livre n’a jamais été imprimé en latin.
  8. * Leclerc dit que cette ordonnance était en partie de Witasse, docteur et professeur de Sorbonne.
  9. (*) Lisez donc mendis dans Conringius, et non pas ni moribus ni morbis. Rem. crit.
  10. * Leclerc dit que ce fut le père Daniel qui fit la Remontrance dont Bayle donne le titre dans sa note (88).
  11. (*) Pag. 57.
  12. (*) Mariana, Opuscula, pag. 415, 416, 430, 431, etc.
  1. Nicol. Anton., Biblioth. hispan., t. I, p. 561.
  2. Bernardinus Giraldus Patavinus, in apolog. pro Senatu Veneto, datée de Padoue, le 1er. de décembre 1634.
  3. Alegambe et Sotuel en font mention dans l’article de Mariana. Don Nicolas Antonio n’en parle point dans la longue liste qu’il a donnée des écrits de ce Thomaius, imprimés et à imprimer. Il le nomme Tamajus.
  4. M. Teissier, Biblioth. Bibliothec., pag. 308 et 385, le nomme Tamæus.
  5. Alegambe, pag. 258, Sotuel, pag. 477.
  6. Nouvelles Lettres, pag. 685.
  7. C’est ainsi que cet auteur nomme les catholiques romains, comme s’ils avaient la Sainte Vierge pour le chef de leur religion.
  8. Lyser. Polygamia triumphat., pag. 314.
  9. Alegambe, pag. 369, col. 1.
  10. Virginitatem nullâ unquàm cogitatione aut indecoro motu oppugnatam se servâsse fassus est ipse aliquandò. Idem, pag. 118.
  11. Idem, pag. 379, col. 2.
  12. Alegambe, pag. 401, col. 1.
  13. Ménage, Anti-Baillet, chap. CXLIV, citant Nicius Erythræus, dans l’Éloge de Possevin. Cet Éloge ne se trouve point dans les trois Pinacotheca d’Erythræus.
  14. Nicolaus Abramus, Commentar. in Orat. Ciceronis, tom. II, pag. 599, col. 1.
  15. Jarrige, Jésuites sur l’échafaud, chap. VI, pag. m. 65.
  16. Giornale de’ Letterati, du 31 de mars 1673, pag. 35, dans l’extrait del Viaggio all’ Indie Orientali del P. F. Vincenzo Maria di S. Caterina da Siena.
  17. On a les XXX livres avec l’Appendix, dans l’édition de Mayence, 1605, in-4°.
  18. À Madrid, l’an 1616 et l’an 1650, in-folio, et alibi. Nicolas Antonio, ubi infrà.
  19. Voyez Nicolas Antonio, Biblioth. Script. hispan., tom. I, pag. 560.
  20. Voyez la remarque (D) de l’article Bonfadius, tom. III, pag. 548, et la remarque (E) de l’article Haillan, tom. VII, pag. 465.
  21. Rapin, Réflexions sur l’Histoire, num. 3, pag. m. 232.
  22. Là même, pag. 230.
  23. Rapin, Réflexions sur l’Histoire. num. 5, pag. 236.
  24. Rapin, Réflexions sur l’Histoire, num. 22, pag. 280.
  25. Là même, num. 26, pag. 293.
  26. Là même, sub fin., pag. 305.
  27. Quid ? Mariani gravem et decoram constructionem, sonantia verba, splendorem, narrandique sublimitatem, copiosum ingenium in non impari materiâ, quæ ætas non reverebitur ? Clarus Bonarscius, in Amphitheatro Honoris, lib. II, cap. XIII, pag. m. 192.
  28. Herm. Conringius de Regno hisp., apud Pope Blount, Censura autorum, pag. 614.
  29. Et puis de l’imprimerie royale une édition plus correcte. Nicolas Antonio, ubi infrà, tom. II, pag. 170.
  30. Nicol. Anton., Biblioth. Script. hispan., tom. I, pag. 561.
  31. Nommée mademoiselle de la Roche.
  32. Il fut imprimé à Cologne, in-folio, l’an 1609, avec six autres traités de Mariana.
  33. Alegambe, pag. 258, col. 2.
  34. Nicol. Anton., Biblioth. hisp., tom. I, pag. 560.
  35. Bernard. Giraldus, Patavinus, pro Senatu Veneto Apologia, sive de justitiâ decreti, quo Senatus Venetus adolescentes ditioni suæ subditos, ad jesuitarum scholas accedere interdixit : deque conditionibus, quibus jesuitæ reditum ad Venetos videntur impetrare posse. Cette pièce est dans le Recueil intitulé : Arcana societatis Jesu, imprimé à Genève, l’an 1635, in-8°.
  36. Varillas, Réponse à la Critique de M. Burnet, pag. 84, édition de Hollande.
  37. Voyez, dans la remarque précédente, les paroles de Bernardin Giraldus.
  38. Voyez la Défense de la Critique de M. Varillas, pag. 65.
  39. Mariana, de Rege et Regis Institutione, lib. I, cap. VI, pag. m. 54.
  40. Il les réfute à la fin de ce chapitre VI.
  41. A republicâ, undè ortum habet regia potestas, rebus exigentibus regem in jus vocari posse, et si sanitatem respuat principatu spoliari, neque ita in principem jura potestatis transtulit, ut non sibi majorem reservarit potestatem. Mariana, de Rege et Regis Institutione, lib. I, cap. VI, pag. 57.
  42. Le VIIIe. et le IXe. du Ier. livre.
  43. Mariana, de Rege et Regis Institutione, pag. 58.
  44. Principem publicum hostem declaratum ferro perimere, eademque facultas esto cuicunque privato, qui spe impunitatis abjectâ, neglectâ salute in conatum juvandi rempublicam ingredi voluerit. Idem, pag. 60.
  45. Idem, ibidem.
  46. Neque enim id in cujusquam privati arbitrio ponimus : non in multorum, nisi publica vox populi adsit, viri eruditi et graves in consilium adhibentur. Idem, ibidem.
  47. Ibid., cap. VII, pag. 65.
  48. Idem, ibid., pag. 64.
  49. Ibidem, pag. 67.
  50. Crudele existimârunt, atque à christianis moribus alienum, quantumvis flagitis coopertum eo adigere hominem, ut sibi ipsi manus afferat pugione in viscere adacto aut lethali veneno in cibo aut potu temperato. Perindè enim est, neque minùs humanitatis legibus, jurique naturæ contrarium : quo in vitam suam sævire vetatur omnibus. Negamus ergo hostem, quem fraude dedimus perimi posse, veneno interfici jure. Mariana, ibidem, pag. 66.
  51. Roussel, au chapitre XVII de son Anti-Mariana.
  52. Coton, Lettre déclaratoire de la Doctrine : des jésuites, pag. 8 et 9.
  53. Voyez la remarque suivante.
  54. Lettre déclaratoire, pag. 13.
  55. Réponse apologétique à l’Anti-Coton, pag. 34.
  56. Mercure Français, tom. I, folio 440. Voyez aussi folio 442 verso.
  57. Là même, folio 442 verso.
  58. Là même, folio 443.
  59. On a imputé faussement cet ouvrage au ministre Pierre du Moulin.
  60. Anti-Coton, imprimé l’an 1610, pag. 12 et 13.
  61. Pag. m. 37. Voyez aussi la Réponse d’Eudæmon Johannes à l’Anti-Coton, pag. 54.
  62. Voyez son Vespertilio Hæretico-Politicus. Le père Coton en parle dans sa Lettre déclaratoire, pag. 7, et dans sa Réponse apologétique, pag. 33.
  63. Herman. Conringius, de Regno Hispan., apud Pope Blount, Censura Autorum, p. 614.
  64. Seckendorf, Hist. lutheran., lib. III, p. 332, num. 68.
  65. Voyez ce qui a été dit ci-dessus, remarque (G), et notez que Jacques Gretser a fait voir qu’il y a des livres plus pernicieux que celui de Mariana. Voyez aussi le livre qui a pour titre : Recueil des pièces concernant la doctrine et pratique romaine sur la déposition des rois et subversion de leurs vies et états qui s’en ensuit, imprimé à Genève, 1627, pag. 251 et suiv.
  66. Anti-Coton, pag. m. 11, 12.
  67. Coton, Réponse apologétique, pag. 35, 36.
  68. Richeome, Examen catégorique du libelle Anti-Coton, chap. XIX, pag. 168, 169.
  69. Eudæmon Johannes, in Confutatione Anti-Cotoni, pag. 52.
  70. Richeome, Examen catégorique de l’Anti-Coton, pag. 163.
  71. Là même.
  72. Voyez ci-dessus, citation (53), et la page précédente, citation (*2).
  73. Eudæmon Johannes, in Confutatione Anti-Coton., cap. I, pag. 39.
  74. On voit à la suite de ceci, dans le livre d’Eudæmon Johannes, le décret du général des jésuites.
  75. In Dissertationibus histor. et politic., p. 116 et seq.
  76. Au Ier. tome, feuillet 440 et suiv.
  77. Mercure Français, tom. I, folio 457.
  78. C’est-à-dire, celle de Ravaillac.
  79. Mercure Français, tom. I, folio 493.
  80. Dans la remarque (E).
  81. Et nommément entre les mains de Nicolas Ricardius, dominicain, surnommé le Monstre, à cause de son grand esprit et de sa grande doctrine. Bernardin. Giraldus, ubi infrà.
  82. Tiré de Bernardin Giraldus, Apologia pro Senatu Veneto, pag. m. 104 et seq.
  83. Alegambe, pag. 258, col. 2.
  84. Il faudrait peut-être lire moribus ou morbis.
  85. Conringius, de Regno hispan., apud Pope Blount, Censura Autorum, pag. 614.
  86. Ordonnance de Charles Maurice le Tellier, pag. 55, édit. de Delft, 1698.
  87. Là même, pag. 57.
  88. Remontrance à monseigneur l’archevêque de Reims, pag. m. 157 et seq.
  89. Colomiés, Bibliothéque choisie, pag. 374 de la seconde édition, observe que nous devons à Auger de Mauléon, sieur de Granier, le Traité du père Mariana touchant la réformation du gouvernement des jésuites, traduit en français. Voyez, touchant ce M. Granier, l’Histoire de l’Académie française, pag. m. 225.
  90. Histoire critique du Vieux Testament, liv. III, chap. XII, pag. m. 426.
  91. Histoire critique des principaux Commentateurs du Nouveau Testament, chap. XLII, pag. 637.
  92. Là même, pag. 639.
  93. Histoire critique du Vieux Testament, liv. III, chap. XVIII, pag. 463.
  94. Chez Balthazar Lippius, 1605. Celle dont je me sers est de l’an 1611, typis Wechelianis, apud hæredes Johannis Aubrii.
  95. Mariana, de Rege, lib. I, cap. VI, pag. m. 54.
  96. In somnis, ecce, antè oculos mæstissimus Hector
    Visus adesse mihi, largosque effundere fletus ;
    Raptatus bigis, ut quondàm, aterque cruento
    Pulvere, perque pedes trajectus lora tumentes.
    Hei mihi, qualis erat ! quantum mutatus ab illo
    Hectore, qui redit exuvias indutus Achilles,
    Vel Danaùm Phrygios jaculatus puppibus ignes ?
    Virg., Æn., lib. II, vs. 270.

  97. Celle de Paris 1699.
  98. Post multa alia ingeniosè excogitata cordatèque prolata. Andreas Carolus, abbas Sangeorgianus in ducatu Wittembergico. Memorab. eccles., sæculi XVII, lib. II, cap. XXVI, pag. 388. Il cite Selenian. Aug. J. V. A., pag. 393, seq. 449, pl. Notez que le livre qu’il cite est le même que j’ai cité, tom. VI, pag. 75, remarque (D) de l’article Durer, citation (12).

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