Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Marsus

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MARSUS [a] (Pierre) natif de Césa dans la campagne de Rome [b], se fit estimer par ses ouvrages vers la fin du XVe. siècle. Il avait été disciple de Pomponius Lætus, et d’Argyropylus [c]. Il fut consacré dès sa jeunesse à l’état ecclésiastique [d] ; et cependant il s’employa beaucoup plus à illustrer les auteurs profanes (A), qu’à feuilleter les auteurs chrétiens. Il est vrai que, se souvenant de sa vocation, et afin d’en observer les bienséances, il entreprit de commenter l’un des plus beaux livres de morale que les païens nous aient laissés ; je parle des Offices de Cicéron (B). Il jouissait alors d’un loisir honnête par la faveur et par la libéralité du cardinal François de Gonzague. Ce bonheur avait été précédé de plusieurs agitations fâcheuses et incommodes. Il dédia ce commentaire à ce cardinal ; mais lorsqu’il en donna une seconde édition augmentée et corrigée, il le dédia au cardinal Raphaël Riario, qui l’honorait de ses bienfaits. Je ne saurais dire ni où, ni quand il mourut [e] ; mais je sais qu’il atteignit la grande vieillesse, et qu’il y fut assez vigoureux pour continuer à faire des livres [f]. Il y a des gens qui ont parlé de ses ouvrages avec beaucoup de mépris ; mais d’autres les ont fort loués (C). Le tempérament que Barthius a suivi me paraît fort raisonnable (D).

  1. Il eut ce nom à cause qu’il était né au pays des anciens Marses.
  2. Leandr. Alberti, Descritt. di tutta l’Italia, folio m. 141 verso.
  3. Voyez la remarque (C).
  4. Voyez la remarque (B).
  5. Voyez, dans la remarque (C), les paroles de Léandre Alberti.
  6. Voyez le passage d’Érasme, à la remarque (C), vers la fin.

(A) Il s’employa beaucoup à illustrer les auteurs profanes. ] Ses notes sur Silius Italicus furent imprimées in-folio avec le texte de ce poëte, à Venise l’an 1483 et l’an 1492, et à Paris l’an 1512. Ajoutez à cela les éditions in-8°. qui sont celle de Paris 1531, et celle de Bâle 1543. Ses notes sur Térence furent imprimées avec celles de Malléolus, à Strasbourg l’an 1506, in-4°. et à Lyon l’an 1522 [1]. Elles avaient déjà été imprimées à Venise. L’édition de son commentaire sur les livres de Cicéron de Naturâ Deorum, qui a été marquée dans la Bibliothéque de Gesner [2], et qui est de Bâle apud Joh. Oporinum, 1544, n’est pas la première. Cet ouvrage fut imprimé premièrement à Paris, et dédié à Louis XII, par l’auteur, qui se qualifie prêtre [3] dans sa préface, et se reconnaît déjà vieux. Le père Lescalopier n’avait vu que dans la bibliothéque des jésuites de Reims un exemplaire de ce petit livre-là [4]. Je m’en vais parler du Commentaire de notre Marsus sur les Offices de Cicéron.

(B) Se souvenant de sa vocation. il entreprit de commenter.. les Offices de Cicéron. ] Voici ce qu’il dit dans son épître dédicatoire au cardinal François de Gonzague. Ne igitur ocio : quod post varios labores et molestias sub te tandem nactus sum : et melius mihi ipsi jam polliceri audeo clæmentiâ tuâ et generoso animo frætus abuti viderer : diù multumque cogitavi quid potissimum mihi cum decoro agendum esset qui ab ineunte ætate sacris institutis et cerimoniis initiatus essem et addictus. Tandem id elegi quod meæ professioni congrueret : et in se plurimum honestatis haberet et utilitatis. Ciceronis Officia, s. ad usum eruditionem cultumque vitæ communis instituta interprætari [5]. Il revit ce commentaire quelque temps après, et y corrigea beaucoup de fautes que sa jeunesse et la précipitation d’imprimer y avaient introduites. Lisons ce qu’il avoue dans l’épître dédicatoire de la seconde édition : Qui falsa docet atque defendit : ignorantiam suam fatetur : et ducem ad omne scelus impudentiam. Horum sacratis insistens vestigiis : licet hallucinanti similis : mea commentariola recognovi. Cùm in illis multa juveniliter ac minùs quàm decuisset consideratè dicta cognoscerem : celeritas namque partus efficit : ut manca quodammodò et haberentur et essent : cùm Horatianæ maturitatis opportunitatem exspectare non sustinuerint : quod imprudentiæ ascribendum est : præsertim hâc ætate quæ per omnem Italiam perspicacissimis decoratur ingeniis [6]. Tous les auteurs devraient profiter de la conduite de celui-ci. On ne devrait se présenter à l’imprimeur pour le plus tôt qu’au sortir de la jeunesse, et il faudrait composer à pas comptés. On ne connaît que trop tard l’inconvénient de la conduite contraire [7]. Mais revenons à Pierre Marsus. Il retrancha plusieurs choses, et il en ajouta plusieurs autres ; et il reconnaît que le cardinal Raphaël Riario son Mécène lui avait servi de conseil dans la révision. Ne igitur ocio quod benignitas tua milhi concessit abuterer : id tentavi quod eminentissimum celsitudis tuæ ingenium et suprà ætatem in rebus omnibus judicium efflagitabant. Utilitatem : si quæ erit in his Petri Marsi clientis tui commentariolis : amplitudini tuæ debebunt adolescentes : quorum institutioni : te hortante : te duce : pro viribus consulendum duxi : quod ut aliquandò consequerer multa delevi : multa addidi : quæ ex uberrimo Platonis et Aristotelis fonte deducta : Ciceronis majestas exposcere videbatur [8]. Notez qu’il dit qu’il allait faire une semblable révision de son travail sur Silius Italicus ; mais qu’il attendrait un temps commode pour donner ce qu’il méditait sur Horace, et sur les Questions tusculanes, et sur les livres de Finibus de Cicéron. Notez aussi qu’il commenta les traités qui accompagnent ordinairement celui des Offices ; ce sont les dialogues de Amicitiâ, et de Senectute, et les Paradoxes. L’édition dont je me sers est de Venise per Bartholomeum de Zanis de Portesio, 1498, in-folio. C’est pour le moins la seconde. Gesner ne parle que de celle de Lyon 1514 [9].

(C) Il y a des gens qui ont parlé de ses ouvrages avec beaucoup de mépris ; mais d’autres les ont fort loués. ] Gesner [10] cite ces paroles de Louis Vivés : Petrus Marsus in Officia Ciceronis loquacitate penè intolerabilis. Voyons le jugement qu’a fait Dausqueius des notes de Pierre Marsus sur Silius Italicus. Silium immerentem, ac de fato suo mœrentem conspicati tres viri, dicet humani habiti, suppetias ferre connixi sunt Marsus, Modius, et Auctor Crepundiorum : sed aut novis sœviere plagis, aut hiantia vulnera diduxêre. Ignoscibilis quidem Marsi ignoratio et seculo condonanda : simplicitate nocuit, nec valdè [11].

Voici des gens qui en jugent d’une manière plus avantageuse : Petrus Marsus non ad poëtas solùm explicandos, sed ad oratores, quoque et philosophos studium adjecit. Extant ejus in Silium Italicum commentarii, multâ eruditione referti : sed longè utiliora, quæ in Ciceronis opera conscripsit : eloquens, ut Pomponii auditorem agnoscas, et quod plus est, propemodum philosophus : sed quantuscunque in philosophiâ est, eum Argyropuli contubernium effecit. Epitaphium ejus tale mihi sese obtulit :

Quæ sola eloquii superabat gloria, et illam
Perdidimus, tecum vixit et interiit [12].


Joignez à cela ces paroles de Léandre Alberti : Cesa, picciolo Castello patria gia di Pietro Marso huomo multo litterato. Il quale colle sue singolari virtuti ha illustrato questo luogo, come chiaramente conoscere si puo dall’ opere da lui lasciate, e massimamente delli Commentari fatti sopra Sillio Italico. Abandonò li mortali pochi anni fa [13]. Voyez en note la version latine que Kyriander à donnée de ce passage italien [14], et notez en passant que Pierre Marsus n’était mort que depuis peu quand Léandre Alberti écrivait cela ; mais nous n’en pouvons rien conclure de précis touchant l’année de sa mort, puisque cet ouvrage d’Alberti était achevé depuis long-temps lorsqu’il fut donné au public. On l’imprima l’an 1550, et Flaminius l’avait lu en manuscrit dès l’an 1537 [15]. Il y avait peut-être long-temps que la page où Pierre Marsus est loué était composée, quand l’auteur communiqua son manuscrit à Flaminius. On ne devrait jamais se servir de l’expression depuis peu, etc., sans marquer l’année où l’on parle de la sorte. Érasme, qui avait vu Marsus à Rome vers le commencement du XVIe. siècle, dit qu’il était fort vieux, el qu’il continuait à écrire. Romæ vidi Petrum Marsum longævum potiùs quàm celebrem. Non multùm aberat ab annis octoginta, et florebat animus in corpore non infelici. Mihi visus est vir probus et integer, neque potui non mirari industriam. In tantâ ætate scribebat commentarios in librum de Senectute, aliosque nonnullos Ciceromis libellos. Licebat in eo perspicere vestigia veteris seculi [16].

(D) Le tempérament que Barthius a suivi me paraît fort raisonnable. ] Il ne prétend pas qu’absolument les notes de Pierre Marsus soient bonnes ; mais seulement qu’elles méritent d’être louées eu égard au temps où elles furent écrites. C’est une ingratitude et une injustice criante, que de mépriser et que de blâmer des auteurs qui ont eu de si grands obstacles à vaincre dans un temps où les belles-lettres ne faisaient que commencer de revivre. La raison veut que l’on vénère leurs premiers restaurateurs, quoique leur travail ait été fort imparfait. Tels commentateurs qui surpassent aujourd’hui Pierre Marsus ne l’eussent pas égalé, s’ils eussent vécu de son temps. Ils ont donc mauvaise grâce de l’insulter, ou de le juger indigne d’être nommé. Rapportons les termes honnêtes de Barthius : Vide que notârant proavorum nostrorum ævo docti homines, qualium memoriam lubenter facimus ut nostris litteris redintegremus ; fuerit enim optimè animati, et pro copiâ tum studiorum, non malè de optimis auctoribus meriti : Petrus Marsus Comm. ad Terentium, pag. 193. Editionis Venetæ, J. Sulpitius ad Lucanum pag. 1230. Tenuibus ambo notis ; sed et talia ingenia per nos posteritati denuò commendentur [17].

  1. Gesner., in Biblioth., folio 538, verso.
  2. Fol. 550 verso.
  3. Servulum et Presbyterum Christi.
  4. Lescaloper., præf. Comment. in Ciceronis Libros de Naturâ Deorum.
  5. Petrus Marsus, epist. ad F. Gonzagam cardinalem Mantuanum.
  6. Petrus Marsus, epist. ad Raphaëlem Riasium.
  7. Voyez la remarque (B) de l’article Zuérius, tom. XV.
  8. Marcus, epist. Raphaelem Riarium.
  9. Gesner., Biblioth., folio 550, verso.
  10. Idem, ibidem.
  11. Dausqueius, præf. in Silium Italicum, folio e verso.
  12. Autor Dialogi de Reparatione linguæ latinæ, apud Gifanium, pag. 411, citante Konigio, in Biblioth., pag. 512.
  13. Leand. Alberti, Descritt. di tutta l’Italia, folio m. 125, verso.
  14. Oppidulum Cesa, Petri Marsi patria, nuper vitâ defuncti, viri cum primis litterati pro ut ejus scripta maximèque commentaria in Silium testantur.
  15. Cela paraît par une lettre de Flaminius, datée du 1er. de mai 1537. Elle est au-devant du livre de Léandre Alberti.
  16. Erasm., epist V. lib. XXIII, pag. m. 1210.
  17. Barthius, in Statium, tom. III, pag. 610, ad vers. 827 libri VI Thebaid.
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