Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Monstrelet

La bibliothèque libre.

◄  Monserrat Montannes (Michel)
Index alphabétique — M
Montaigu (Jean de)  ►
Index par tome


MONSTRELET [* 1] (Enguerrand de), auteur d’une Chronique de France, qui a été imprimée plusieurs fois (A), et qui s’étend depuis l’année 1400 jusques à 1467, a vécu au XVe. siècle. Il était sorti d’une famille noble et ancienne [a], et il fut gouverneur de la ville de Cambrai. Comme cette ville se tenait neutre entre les Français, les Anglais et les Bourguignons, il jouissait de tout le repos qu’un historien pouvait souhaiter, et de la commodité d’apprendre les relations de tous les partis. Quelques-uns disent qu’il écrit avec d’autant plus de fidélité qu’il était dans une place où rien ne l’obligeait à rechercher l’amitié d’un parti, et à redouter la haine de l’autre [b] ; mais il est plus sûr de dire qu’il s’est montré un peu trop partial pour la maison de Bourgogne (B). Il entretenait correspondance avec des hérauts, avec des agens, et avec d’autres personnes considérables par leur administration, et il cherchait de nouvelles connaissances dans le rapport du public [c]. Il a enrichi son histoire par les édits, les lettres des rois et des princes, leurs paroles remarquables, les articles de paix et de trêves, les capitulations des villes, les sommations, etc. [d]. Je ne sais ni l’année de sa naissance, ni l’année de sa mort.

  1. * Je crois, dit La Monoie, qu’il faut prononcer Montrelet ; l’autre prononciation ayant une vilaine équivoque, que l’auteur avait intérêt d’éviter.
  1. Bullart, Académie des Scienc., tom. I, pag. 120.
  2. Là-même.
  3. Là même.
  4. Là même.

(A) Sa Chronique a été imprimée [* 1]. Je ne connais point de plus ancienne édition que celle de l’an 1512, à Paris [1] On en fit une autre dans la même ville l’an 1572. Celle-ci fut revue et corrigée sur l’exemplaire de la librairie du Roi [2]. Du Chesne parle d’une édition de Paris, 1603 [3]. Joignez à celles-là l’édition du Louvre [* 2].

(B) Il s’est montré un peu trop partial pour la maison de Bourgogne. ] M. de Sponde l’appelle Burgundi fautorem [4], quoiqu’en un autre endroit [5] il le reconnaisse pour un écrivain sincère et de beaucoup d’exactitude à marquer les temps. La Popelinière le rend suspect ; car voici comment il parle : Enguerrand de Monstrelet recueillant ce qui est survenu de plus notable en France après Froissard, ne s’y est guère montré mieux disant ni plus judicieux, mais un peu plus véritable et moins passionné [6]. Comme il venait d’accuser Froissard d’une extrême partialité pour les Anglais contre les Français, il ne prétend pas que nous donnions à Monstrelet un désintéressement considérable. Un historien un peu moins passionné que celui qui l’est beaucoup, n’est pas fort fidèle. Il ajoute que Monstrelet a continué son histoire jusques au roi Louis XII, et il le place sous l’an 1500. Je crois qu’il se trompe à l’égard de cette dernière date, et je suis sûr que la Chronique de Monstrelet ne passe pas les cinq on six premières années du règne de Louis XI, car elle finit aux funérailles de Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne. La Popelinière se servait d’une édition où les libraires avaient mis des supplémens jusques à Louis XII. C’est ce qui l’a fait errer.

  1. (*) Monstrelet passe pour un historien peu judicieux, et Rabelais, liv. III ch. XXIV l’a repris comme un vrai diseur de rien, qui, dès l’entrée de son histoire, avait bronché contre les règles prescrites aux historiens par Lucien. Du reste, de toutes les éditions de Monstrelet, celles où Denis Sauvage a mis la main sont les moindres, à cause de la liberté qu’il s’est donnée d’en changer beaucoup de mots et de phrases, dont même il n’a pas toujours rendu le sens. À la suite de ces éditions altérées, sont quelques additions, imprimées sous le titre de Continuation de Monstrelet. Rem. Crit.
  2. * Le père Lelong dans la Bibl. Hist. de la France, dit qu’il n’y a point d’édition du Monstrelet, donnée au Louvre. Les exemplaires datés de 1572, 1595, 1603, ne sont qu’une même édition. M. Brunet, dans son Manuel du libraire, cite une édition de 1518, inconnue au père Lelong, et deux éditions sans date données par Antoine Vérard. Voyez dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, tome 43, le Mémoire de M. Dacier, sur la Vie ; et les Chroniques de Monstrelet.
  1. La Croix du Maine, pag. 75.
  2. Du Verdier, Biblioth. française, pag. 277.
  3. Du Chesne, Biblioth. des histor. de France, pag. m. 50.
  4. Spondan. ad ann. 1415, num. 52, pag. m. 753.
  5. Idem, ad ann. 1467, num. 2.
  6. La Popelinière, Histoire des Histoires, livr. VIII, pag. 435.

◄  Monserrat Montannes (Michel)
Montaigu (Jean de)  ►