Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Mutius

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MUTIUS (Huldric [a]), professeur à Bâle, dans le XVIe. siècle, était suisse de nation [b]. Il publia divers ouvrages, dont le plus considérable, si je ne me trompe, est une Histoire d’Allemagne (A). qu’il fit imprimer à Bâle, l’an 1539, in-fol. M. du Plessis Mornai en cite quelques morceaux que je mettrai ci-dessous, à cause qu’ils peuvent servir de supplément à une remarque de l’article de Grégoire VII [c].

  1. Et non pas Henri comme dans Konig.
  2. In Villario Stocken proximè episcopicellam urbem Turgoviæ Helvetiorum ut Goldastus l. 1. Bohem. p. 14, scribit, natus. Michaël. Hertzius, in Biblioth. germanicâ, num. XL.
  3. C’est la remarque (c).

(A) Il publia.... une Histoire d’Allemagne.... M. du Plessis Mornai en cite quelques morceaux..... qui peuvent servir de supplément à l’article de Grégoire VII. ] Elle est intitulée de Germanorum primâ origine, moribus, institutis, legibus, et memorabilibus pace et bello gestis omnibus omnium sæculorum usquè ad mensem Augusti anni trigesimi noni suprà millesimum quingentesimum, libri Chronici XXXI, ex probatioribus germanicis scriptoribus in latina linguam tralati [1]. M. du Plessis Mornai, ayant à prouver que l’ordonnance de Grégoire VII, sur le célibat des prêtres, fut très-mal reçue en Allemagne, rapporte entre autres choses ce qui suit. « Huldricus Mutius, qui traite cette histoire au long, en son quinzième livre, recueillie des plus approuvez autheurs de l’histoire Germanique, nous deduit ; que l’evêque de Constance ne voulant point imposer cette loi, le pape Gregoire libera son clergé de son serment envers l’evêque : [* 1] Cet evêque toute fois, dit-il, comme plusieurs témoignent, ennemi des prêtres fornicateurs, bien que protecteur des mariez : que l’archevêque de Maience étoit de même opinion, mais dissimuloit pour crainte du pape : que le clergé se défendoit par l’Evangile, par l’apôtre, par l’institution de Dieu ; se soumettoit même au jugement de l’eglise, pour ne s’en départir jamais ; Modò non apertè contrà domini institutionen faciat ; pourveu qu’elle ne déroge point apertement à l’institution du Seigneur. Le pape, au contraire, menaçoit de son excommunication ; Animabus Sathanæ traditis, corpora supplicio afficienda, potestati sæculari traditurum ; qu’après avoir livré les ames à Sathan, il livreroit les corps au bras seculier, pour estre menez au supplice. Poursuit ; que quo quisque vir melior aut sacer los sanctior, hoc pluribus vehementiùs repugnabat ; que les plus gens de bien et les plus saincts d’entre les prestres estoient ceux qui resistoient le plus. Tant s’en faut, que les SS. ministres de l’eglise de ce tems-là estimassent que cette loi peust adjouster à leur saincteté ! et pour venir à l’issue de ce concile [* 2] ; que plusieurs contesterent et disputerent tout haut contre la resolution du siege romain : quelques-uns toutefois, mais peu, soit qu’ils craignissent d’estre reduits à la faim, s’il leur falloit quitter leurs cures ; soit que n’aimans gueres leurs femmes, ils desirassent les changer à des concubines, respondirent qu’ils obeiroient aux constitutions ecclesiastiques du sainct concile. Desquels, dit-il, aucuns se servirent depuis de leurs femmes secretement, et par ce moien retindrent et leurs femmes, et leurs cures : et ceux, qui n’aimoient pas leurs femmes, s’accointerent avec leurs chambrieres, ou bien avec d’autres femmes mariées, dont ils desbaucherent bon nombre, ou bien avec les putains du bordeau, en lieu de leurs femmes. Mais ceux qui ne pensoient pas qu’il leur fust loisible en saine conscience, d’obeir aux constitutions humaines, contre la foi donnée à leurs femmes, contre l’institution de Dieu, et ses commandemens ; pour toute response, amenerent des passages de l’Ecriture, et par leurs disputes importunerent le legat apostolique, qui avoit estouppé ses aureilles à leurs argumens. Parquoi il leur fut commandé, qu’en delaissant les eglises qu’ils avoient en charge, ils se retirassent ailleurs, et ne troublassent point ceux qui seroient envoiez en leur place. Si quelcun y contrevenoit, qu’il fit estat d’estre excommunié, et de perdre à l’instant corps et ame. Mais la plus grand part des prestres de l’eglise de ce diocese demeurans fermes, quand ils furent de retour chez eux, eurent la confiance de plaider leur cause devant leur peuple, et la debattre en pleine chaire contre le pontife romain, enseignant chacun d’eux à leurs paroissiens, ce qu’ils avoient appris les uns des autres, de l’Ecriture Saincte, touchant le mariage, et refutans l’opinion du pape, à laquelle ils donnoient des noms fort odieux. Et ces choses se mirent-ils à prescher si tost qu’ils furent de retour chez eux, pendant quelques jours, quatre ou cinq heures d’arrache-pied à chasque fois, car ils sçavoient bien qu’ils n’auroient guere long tems le moien de prescher, s’ils ne preparoient et disposoient de bonne heure le peuple, à ce qu’il ne receust point la nouvelle opinion venant de Rome. Tant qu’enfin, il fallut que les fauteurs du pape missent la main au sang : car, dit-il, [* 3] quand ils virent que les curez ne faisoient conte ni de leurs menaces, ni de leurs execrations, en ayans empoigné quelques-uns des plus excellens, ils les mirent à mort, en intention d’intimider les autres par cet exemple. Mais, dit-il, il en advint tout autrement, en tant que [* 4] ceux-là aians esté executez à mort, lesquels ils tenoient estre gens de bien, et craignans Dieu, et defenseurs de la verité, ils commencerent à mepriser toute la puissance et authorité du siege romain, et en parler mal, tellement qu’ils avoient pour suspect tout ce qu’ils entendoient plaire audit pontife : et plusieurs, mesmes des autres eveschez, conspiroient avec eux. Tant qu’enfin une si grande multitude non seulement en Allemagne, mais aussi és Gaules, se banda contre l’evesque de Rome, que par tout on faisoit et disoit impunement contre son siege. Et notez ce qu’il dit ; tant en Allemagne, qu’en Gaule : où tout au rebours de l’intention du pape et de son concile tenu à Rome [* 5], ils observoient les prestres non mariez ; et s’ils en surprenoient quelques-uns en paillardise, ils les redarguoient par les textes de l’Ecriture, et des constitutions des papes, et les accusoient publiquement devant le peuple, requerans qu’il fist comparaison d’un paillard, entretenant une putain, et membre de Sathan, avec un homme vivant chastement en mariage, nourrissant et instruisant ses enfans selon l’institution de Dieu. Bref, en ce temps l’eglise occidentale estoit fort troublée, et le ciel estoit meslé avec la terre. Et cette discorde fut cause que plusieurs s’ajoignirent à l’eglise orientale. »

Fronton du Duc, répliquant à cet ouvrage de du Plessis, s’est contenté de cette note générale. Nous ne faisons point d’estat de ce que du Plessis nous entasse ici tiré de l’histoire de Hulric Mutius, lequel on sçait avoir esté protestant de religion, Allemand de nation, et menteur impudent de profession, et toutesfois il ne peut nier que l’empereur enfin ne se mit du costé du pape : et faisant assembler un concile à Mayence presta main forte à la severité de la discipline ecclesiastique, et faisant condamner les refractaires remit en paix l’Alemaigne, et la saincteté du celibat de l’eglise [* 6] ; ce qui vient tout au rebours de ce que du Plessis nous vouloit faire voir icy d’un empereur [2].

FIN DU DIXIÈME VOLUME.
  1. (*) P. Huldricus Mutius, lib. 15, pag. 132. Sunt authores qui dicunt episcopum illum Constantiensem omnino infensos habuisse scortatores patrocinatumque conjugio sacerdotum.
  2. (*) Item, pag. 133. Quidam audacioris spiritus contra sententian Romanæ sedis, multis magnâ voce disserebant : Nonnulli, pauci tamen, vel timentes famem, si essent sacerdotia relinquenda, vel alioqui non amantes uxores, libenter uxores concubinis commutantes, responderunt se ecclesiasticis constitutionibus sacro-sanctæ synodi obtemperaturos. Horum quidam posteà clam usi sunt uxoribus suis, retinuêreque sic uxores et sacerdotia. Li verò qui suas uxores non amabant, vel cum ancillis suis, vel cum adulteris mulieribus, quas multas ipsi fecerunt, vel cum vulgari immundâ meretricum turbâ consuetudinem habuerunt loco uxorum. Li autem qui contrà præstitam fidem uxoribus, et adversùs Dei constitutionem, putabant salvâ conscientiâ, Dei præcepto despecto, hominum constitutionibus obsequi non licere, nihil aliud responderunt quàm sententias ex Scripturâ, et disputando molesti apostolico legato fuerunt, qui occluserat aures suas ad eorum argumenta. Itaque mandatum est illis, ut relictis suis quibus præerant ecclesiis aliò se conferrent, ne turbarent eos qui in eorum locum essent mittendi. Si quis aliter faceret, excommunicationem animæ et corporis interitum præsentissinum expectaret. Sed sacerdotum illius ecclesiæ major pars (nescio quâ fiduciâ) obdurata, domum reversa, apud plebem suam causam ex suggestu, contra pontificem romanum egerunt, et quod diù alius ab alio audierat de matrimonio ex Bibliâ, singuli plebem suam docebant, refellentes opinionem domini : papæ, quam odiosissimis nominibus appellabant. Hæcque prædicârant quamprimùm veniebant domum per aliquot dies, continuis quatuor aut quinque horis : nam sciebant illis non diù fore locum concionandi, nisi populum pararet, ut novam è Româ venientem opinionem non admitterent.
  3. (*) Et paulò post. Ubi animadverterunt Parochos nihil minis, nihil execrationibus moveri, aliquos præstantiores diversæ partis captos interfecerunt, hoc exemplo alios deterrere volentes.
  4. (*) Et paulò post. Supplicio afJectis quos ipsi bonos, et Deum timentes viros, veritatemque defendentes judicabant, inceperunt omnem potestatem et autoritatem Romanæ sedis contemnere, malè de eâ loqui, et quicquid pontifici romano intelligebant placere, illis suspectum erat, conspirabantque multi cum eis etiam sub aliis episcopatibus, donec tanta multitudo non solùm in Germaniâ, sed etiam in Galliâ, in eam contrà romanum pontificem sententiam adducta sit, ut impunè ubique et facerent et dicerent, contrà sedem apostolicam Romæ, etc.
  5. (*) Ibidem. Sacerdotes non uxoratos observabant, deprehensos in scortatione sententiis ex Bibliis et pontificum constitutionibus confutabant, et accusabant palàm coram populo, conferre jubebant scortatorem meretricis Sathanæque membrum, et maritum castè viventem, et liberos juxtà Dei institutionem educantem. Breviter, erat magma illo tempore in ecclesiâ occidentali turbatio, cœlum miscebatur terræ. Atque hæc discordia fecit ut multi orientali ecclesiæ accesserint.
  6. (*) Cæsar Româ reversus in concilio Moguntiæ habito, eis qui sacerdotum conjugia sublata volebant, accessit, aliis qui ei opinioni resisterent condemnatis : sic pacem in Germaniam constitutam. Espencæus, de Continentiâ, lib. I, cap. XII, ex Mutio.
  1. Gesner., in Biblioth., folio 342.
  2. Fronton du Duc, Réfutation de la prétendue Vérification du sieur du Plessis, pag. 542.
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