Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Toulouse

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TOULOUSE, ville de France sur la Garonne, l’une des plus grandes et des plus anciennes de l’occident, et le siége du second parlement du royaume, mériterait un fort long article ; mais comme M. Moréri et l’auteur de son Supplément en ont traité fort au long, je ne m’y arrêterai pas. Je dirai seulement que les consuls de cette ville portent le nom de capitouls, et qu’ils acquièrent la noblesse par cette charge. M. de la Faille publia une très-belle dissertation sur ce sujet[a], au temps qu’on recherchait les faux nobles[b]. Tout le monde attend avec impatience la suite des Annales[* 1] de Toulouse que cet illustre écrivain a composées[c]. Cette ville, qui a été toujours féconde en habiles gens [d], et qui l’est encore autant que jamais[e], méritait bien l’érection (A) qu’on y a faite d’une académie de beaux esprits.

  1. * Les Annales de la ville de Toulouse, Ire. partie, sont de 1687, in-folio : la seconde partie est de 1701, et conséquemment antérieure à la seconde édition de Bayle, qui est de 1702. Mais on ne doit pas oublier que Bayle, habitant la Hollande, ne pouvait connaitre tous les livres français dans leur nouveauté.
  1. Vous en pouvez voir le précis dans l’ouvrage in-4°. de M. Gille de la Roque, sur la noblesse.
  2. C’est-à-dire environ l’an 1666.
  3. M. de Beauval, a parlé du Ier. vol. de ces Annales, mois de septembre 1688, pag. 3 et suiv. Voyez aussi le Journal des Savans, du 19 d’avril 1598.
  4. Voyez Balzac à la dernière page des Œuvres diverses, et Sorbériana au mot Toulouse.
  5. Le Théâtre de Paris et l’Académie française en peuvent rendre témoignage.

(A) L’érection qu’on y a faite d’une académie de beaux esprits. ] M. de Basville[1], qui dans les provinces de son intendance s’est montré si digne d’avoir eu pour père l’illustre premier président de Lamoignon, pendant que M. l’avocat général[2], son frère, se montre si digne du même honneur dans le parlement de Paris, s’est fort employé à ce nouvel établissement. Il résolut de changer les jeux floraux de Toulouse en une académie de belles-lettres[3]. La compagnie des jeux floraux s’alarma de ce dessein, et fit publier des mémoires qui tendaient à intéresser la ville à laisser les choses comme elles étaient. On réfuta ces mémoires ; on montra l’inutilité de ces jeux, et la nécessité qu’il y avait d’établir dans Toulouse une académie de belles-lettres, afin que les heureux génies que cette ville produit eussent les moyens de se perfectionner dans l’éloquence. On soutint qu’elle ne manquerait pas de fournir quantité de sujets capables d’imiter les académies des autres villes du royaume, et on fit une longue liste d’excellens esprits sortis de Toulouse[4]. Pour savoir si ces raisons furent efficaces, on n’a qu’à lire cet extrait d’un des journaux de M. Cousin. « Les jeux floraux de Toulouse ont été enfin érigés en académie, et les lettres en ont été scellées sur la fin de l’année dernière. Cette compagnie est composée de trente-cinq personnes les plus distinguées par leur mérite et par leur savoir. Ils distribueront chaque année deux prix auxquels sera employé le fonds des jeux, qui était considérable[5].

Depuis la première édition de ce Dictionnaire j’ai appris, par le Journal des Savans, du 11 juin 1696, qu’il n’y avait pas long-temps que l’académie française était établie, lorsque M. Pellisson, qui était alors à Toulouse, y forma le plan d’une compagnie qui s’adonnerait à de semblables exercices ; qu’elle ne reçut pourtant sa dernière forme qu’en l’année 1688, que des gens de lettres commencèrent à s’assembler chez M. Carrière, juge-mage et président au présidial de cette ville ; ce qu’ils continuèrent de faire jusqu’en l’année 1694, qu’ils se transportèrent chez M. de Mondran, gentilhomme, dont la maison était située dans un quartier plus commode[6]. Que ceux qui désireront savoir qui étaient les personnes qui composaient cette compagnie, et quels étaient leurs exercices, le pourront apprendre par la lecture de la réponse que M. de Martel, l’un des membres de ce corps, et qui y remplit dignement la fonction de secrétaire, fit imprimer à Montauban, en 1692, pour effacer les impressions peu avantageuses qu’en avait voulu donner l’auteur du mémoire fait contre son établissement, sous prétexte de défendre les jeux floraux. Que les messieurs qui se trouvent à ces conférences académiques, composent souvent en prose et en vers des pièces en l’honneur du roi et sur d’autres sujets importans, et qu’il y en a plusieurs qui ont été imprimées et reçues avec un applaudissement général. Leur zèle a été plus loin. Ils donnèrent, en 1694, un prix qui est une médaille d’or, de la valeur de douze louis[7]. Tout ceci, et quelques autres particularités bien glorieuses à ces messieurs, se peuvent lire dans l’extrait d’une lettre écrite de Toulouse, qui a été employé pe M. Cousin, auteur du journal des Savans. On m’a envoyé de la même ville un long mémoire manuscrit dont je mettrais ici très-volontiers toute la substance, si l’imprimeur me pouvait donner le temps de demander et de recevoir l’éclaircissement qui me serait nécessaire. Mais comme je n’ai examiné ce mémoire-là que deux jours avant que d’envoyer cet article à l’imprimerie, je ne puis attendre que cet éclaircissement me soit donné. Il faut donc que je me borne à un petit nombre d’extraits par où l’on pourra aisément comprendre que l’académie érigée à Toulouse est distincte de la compagnie où se tenaient les conférences académiques dont le Journal du 11 juin 1696 a fait mention.

Ces conférences commencèrent à Toulouse, l’an 1640, en deux endroits différens, chez M. de Malepeire[8] et chez M. de Campunaut[9] ; mais ces deux assemblées se réunirent ensuite chez M. de Garrigis, conseiller au présidial, et choisirent pour leur directeur M. de la Garde, qui s’était rendu également recommandable par ses poésies latines, et par les belles découvertes qu’il faisait dans la physique ; car il avait combattu les formes et les accidens d’Aristote avant qu’on eût vu paraître les ouvrages de Gassendi. M. Donneville, président à mortier, rétablit ces exercices de littérature avec beaucoup plus d’éclat, en l’année 1667. M. de Nolet, trésorier de France, établit des conférences réglées dans sa maison quelque temps après, sous la direction de M. Bayle[10], docteur en médecine ; M. Régis y faisait d’excellens discours sur le système de M. Descartes. Il se forma ensuite une autre assemblée dans le collége de Foix, et l’on commença à travailler à l’érection d’une académie de beaux esprits. La compagnie des jeux floraux ne goûta point ce projet, et il y eut un anonyme qui fit un écrit pour montrer que l’exécution de ce dessein était impossible. M. Martel, agrégé à l’académie des Ricovrati de Padoue, réfuta cet anonyme par un ouvrage[11] dont vous trouverez l’extrait dans le Journal des Savans du 14 septembre 1693. Il avait formé, de concert avec M. de Carrière[12], et avec M. de Malepeire, des conférences réglées qui ont continué jusqu’en 1698. « M. Pellisson qui avait autrefois jeté les fondemens de semblables exercices de littérature, à Toulouse, avec M. de Malepeire, ne peut en voir l’heureux rétablissement sans les regarder en quelque manière comme son ouvrage, puisqu’il en avait formé le premier plan, et que l’illustre magistrat qu’il avait autrefois associé dans les premières conférences avait tant de part et tant d’intérêt à leur renaissance. Ce grand homme, toujours passionné pour l’accroissement des belles-lettres, inspira aux auteurs de ces nouveaux exercices de penser sérieusement à faire ériger leur compagnie en une académie de belles-lettres afin de les fixer dans Toulouse par un aussi solide établissement. Il s’offrit lui-même d’en être le médiateur, se flattant avec quelque raison de pouvoir procurer à Toulouse le même avantage qu’il avait auparavant obtenu, même dans une conjoncture peu favorable, en faveur de Soissons. C’est pour favoriser ce dessein qu’il fit agréer la protection de cette compagnie à monseigneur le prince du Maine, gouverneur de Languedoc, qui eut la bonté de présenter un placet au roi, pour supplier sa majesté d’approuver le projet et l’exécution de cet ouvrage. C’est aussi en reconnaissance d’une grâce si signalée, que M. Richebourg, l’un des membres de cette compagnie, eut l’honneur d’adresser à ce prince une ingénieuse fable... Cette pièce de poésie alarma quelques messieurs des jeux floraux... et ce fut alors que cette compagnie, favorisée de plusieurs illustres magistrats qui en étaient les membres, craignant qu’on n’élevât la nouvelle académie sur les ruines de la leur, qui avait le maniement d’un fonds considérable, prirent les plus justes mesures pour la faire établir par des lettres patentes, sous la protection des chanceliers de France. Ils lui conservèrent autant qu’ils purent le nom et les coutumes qu’elle avait afin de suivre les vestiges de son ancien établissement ; car outre qu’il est défendu à ces messieurs par leurs statuts, de faire imprimer aucun ouvrage au nom de la compagnie, ni d’y faire aucun remercîment à leur réception, de quatre prix qu’on y distribue, il y en a trois, et même l’un des plus considérables, qui sont destinés pour la poésie. Messieurs des conférences académiques redoublèrent alors leur zèle pour perfectionner leurs études ; et, comme ils avaient particulièrement en vue l’éloquence, les antiquités, et tout ce qui peut regarder les belles-lettres, ils choisirent les comédies de Térence et les Institutions de Quintilien, pour le sujet de leurs conférences. M. de Mondran, trésorier de France, qui avait une maison très-commode au milieu de la ville, se fit honneur de la leur offrir pour y faire leurs exercices. »

L’auteur du mémoire dont je tire toutes ces choses finit par dire que ces conférences, qui n’auraient pas été interrompues sans la mort de plusieurs dignes sujets, pourront se rétablir dans un temps aussi favorable pour les sciences, que l’est cette paix générale qui règne dans toute l’Europe[13].

  1. Intendant de Languedoc
  2. On partait ainsi l’an 1696 : depuis ce temps-là cet avocat genéral est devenu président à mortier au parlement de Paris.
  3. Voyez le Journal des Savans, du 14 de septembre 1693, pag. 666, édition de Hollande.
  4. Là-même, pag. 668.
  5. Journal des Savans, du 7 février 1695, pag. 108, édit. de Hollande. On marque que c’est l’extrait d’une lettre écrite de Montauban, le 12 décembre 1695. Il y a là une faute d’impression, 1695 pour 1694 ; et notez que ces paroles, l’année dernière, se rapportent, non pas à la date de la lettre, mais à celle du Journal.
  6. Là même, 1696, pag. 426, édition de Hollande.
  7. Là même, pag. 427.
  8. À présent doyen du présidial.
  9. Père de M. Campunaut, professeur royal en droit.
  10. Il est professeur en philosophie. Voyez, tom. XII, pag. 616, la citation (132) de l’article Rorarius.
  11. Imprimé à Montautan en 1692.
  12. À présent juge-mage.
  13. On écrivait cela commencement de l’an 1700.

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