Dictionnaire historique littéraire et bibliographie des françaises et des étrangères naturalisées en France/Bernard, Catherine

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BERNARD, (Catherine) née à Rouen en 1662, de parens protestans, était de la famille des Corneille, et marcha sur leurs traces. Après avoir quitté la religion de ses pères, elle fut établir sa résidence à Paris. L’Académie française la couronna trois fois. Elle obtint le même nombre de prix aux Jeux floraux de Toulouse. L’académie des Ricovrati de Padoue la reçut parmi ses membres. Tant qu’elle vécut, Louis XIV la gratifia annuellement de 200 écus. Sur la fin de sa vie, elle supprima plusieurs pièces de vers, qu’elle avait composées dans sa jeunesse, et qui lui parurent trop libres. On lui en offrit une somme considérable, mais elle ne voulut jamais les communiquer. Elle mourut à Paris en 1712.

Il serait à désirer pour la république des lettres, que tous ceux qui écrivent, eussent un guide aussi instruit que celui de Mademoiselle Bernard. Les liens de l’amitié, plus encore que ceux du sang, lui attachaient Fontenelle, et il contribua par ses conseils au succès de sa fortune littéraire ; mais l’intérêt qu’il prenait à ses ouvrages, fit présumer qu’il y avait beaucoup de part. Elle a publié : Éléonor d’Yvrée. « C’est, dit Fontenelle, un petit sujet peu chargé d’intrigues, mais où les sentimens sont traités avec toute la finesse possible… Le style du livre est précis : les paroles y sont épargnées, et le sens ne l’est pas… » — Le comte d’Amboise, 2 parties in-12. Ce second roman n’a pas autant de mérite que le premier. — Inès de Cordoue, nouvelle espagnole, in-12. La même légèreté de style, la même délicatesse de sentimens, la même adresse dans le développement des passions, le même intérêt dans les situations que dans Éléonor d’Yvrée. — Histoire d’Abenamar et de Fatime. — Edgar, roi d’Angleterre, histoire galante. — Relation de l’isle de Bornéo. Mademoiselle Bernard a pour but, dans ses romans, de combattre le penchant qu’on a pour l’amour. Aussi n’y trouve-t-on que des amans malheureux. — Laodamie, tragédie, jouée le 11 février 1689, eut 20 représentations ; imprimée en 1689, in-12. — Brutus, tragédie, mise sur la scène le 18 décembre 1690, Paris, veuve Gontier, 1691, in-12 ; Paris, veuve Pierre Ribou, 1730, in-12. Cette tragédie eut 25 représentations. Quoique médiocre, elle l’emporte néanmoins sur Laodamie. Ces deux pièces furent applaudies dans leur tems. Quarante ans après que Mademoiselle Bernard eut donné au public sa tragédie de Brutus, Voltaire fit paraître une tragédie du même nom. On croit que le Brutus de Mademoiselle Bernard donna à Voltaire l’idée de faire le sien ; on a même été plus loin : on a prétendu que la pièce de Mademoiselle Bernard avait été d’un grand secours à Voltaire ; enfin, contre toute vraisemblance, on inséra dans une parodie, que Voltaire avait dérobé plusieurs vers de la tragédie de Mademoiselle Bernard. — Bradamante, tragédie, représentée au mois de novembre 1695, Paris, 1695, in-12. Si l’on en croit l’auteur des Tablettes dramatiques, la Bradamante, que Beauchamps met sous le nom de Mademoiselle Bernard, est la même que celle de Thomas Corneille. Il ajoute qu’elle fut représentée en novembre 1665, et imprimée en 1696. Les pièces de Mademoiselle Bernard, qui ont obtenu des prix à l’académie des Jeux floraux de Toulouse, et à l’Académie française, se trouvent dans les recueils de ces sociétés littéraires. Voici les sujets sur lesquels elle a composé les morceaux de poésie qui ont été couronnés à l’Académie française, en 1671, 1693 et 1697 : Le roi seul, en toute l’Europe, défend et protège les droits des rois. — Plus le roi mérite les louanges, plus il les évite. — Le roi, par la paix de Savoie a rendu la tranquillité à l’Italie, et a donné à toute l’Europe l’espérance de la paix générale. On a d’elle plusieurs autres pièces de vers, répandues dans différens recueils, où il y a de la légèreté, et quelquefois de la délicatesse. On y distingue un placet adressé à Louis XIV pour se faire payer de sa pension, et un apologue intitulé : L’Imagination et le Bonheur. Voltaire attribue cette fable à M. de la Parisière, évêque de Nîmes ; mais elle a toujours été imprimée sous le nom de Mademoiselle Bernard.