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Dictionnaire hydrographique de la France/CANAL DE L’ISLE DE FRANCE

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CANAL DE L’ISLE DE FRANCE. L’utilité des rivieres artificielles, dont on connoît aujourd’hui toute l’importance par les facilités qu’elles donnent au commerce, & par l’abondance qu’elles procurent dans les provinces où elles paſſent, & dans celles circonvoiſines, a engagé M. Brullée a préſenter au Roi les plans & projets d’un canal, d’autant plus utile, pour ne pas dire néceſſaire, qu’il faciliteroit l’approviſionnement de Paris, en diminuant les frais de tranſport des marchandiſes, denrées, &c. qui ſe conſomment dans cette capitale.

Ce canal, dont Sa Majeſté vient d’ordonner l’exécution par lettres-patentes, prendra ſon origine de la riviere de Beuvronne, vers les ponts de Souilly, au nord-oueſt du village de Claye, ſur les confins de la Brie & de l’Iſle de France. Il ſe diviſera en deux branches, dont l’une paſſera entre Anet & Freſnes, d’où elle ſe jettera dans la Marne ; l’autre branche, qui aura environ ſix lieues de cours, aboutira au nord-eſt de Paris, près le fauxbourg S. Laurent, à ſoixante-quinze pieds au-deſſus du niveau de la Seine. Les eaux de ce canal, conduites à cette premiere deſtination, ſerviront à remplir un baſſin de quatre-vingt toiſes de diamêtre que l’on conſtruira vis-à-vis l’Hôpital S. Louis, & d’où ſortira une branche qui paſſera dans les marais du Temple & dans les foſſés de la Baſtille, & ſe jettera dans la Seine à l’Arſenal. Une autre branche ſortira de ce même baſſin, paſſera entre les villages de la Villette & de la Chapelle, côtoyera l’avenue de Saint-Denis, s’approchera de cette ville, & par une branche de dérivation rentrera dans la Seine à la maiſon dite de Seine. Ce canal, depuis Saint-Denis, paſſera dans la vallée de Montmorenci juſqu’au village de Pierre-Laye, où il formera deux branches, dont l’une conduira à Conflans Sainte-Honorine, & ſe jettera dans la Seine ; l’autre deſcendra par Maubuiſſon, & mêlera enſuite ſes eaux avec celles de l’Oiſe à Pontoiſe. On formera le long de ces canaux des gares de diſtance en diſtance, où il ſera conſtruit des magaſins immenſes, & principalement dans l’intérieur de Paris, pour recevoir les marchandiſes.

Un des premiers avantages que procureront ces canaux, eſt, comme on vient de le dire, l’approviſionnement de Paris, que l’on tire de la Normandie, Picardie & autres. Les forêts de Villers-Cotterets, de l’Aigle, de Coucy, &c. ſituées aux environs des rivieres d’Aiſne & d’Oiſe, fourniront abondamment les bois de chauffage, de conſtruction & autres, néceſſaires à cette ville. Ces canaux aſſureront encore la navigation dans tous les tems de l’année ; on ne craindra plus les avaries de la riviere, qui étoient ſouvent la cauſe de la perte des bateaux & marchandiſes, ſur-tout lors de la rupture des glaces.

M. Brullée a projetté d’étendre ce canal depuis Pontoiſe juſqu’à Dieppe, dont une branche paſſera à Giſors, Gournay, Forges, Neuchâtel, Bures, Arques, & ſe jettera enſuite dans l’Océan au port de Dieppe ; & l’autre branche qui prendra de Giſors paſſera à Charleval, & ſe jettera dans la Seine au confluent de la riviere d’Andelle, au nord-eſt du Pont-de-l’Arche. Par cette navigation les marchandiſes venant de l’étranger, & les productions du ſol & des manufactures de la Normandie & du pays de Caux, ſeroient conduites à Paris en moins de tems. On a remarqué que la navigation du Hâvre à Paris étoit de trente jours, au lieu qu’il n’en faudroit que trois par ce canal.