Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Épilepsie

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Henri Plon (p. 241-242).

Épilepsie. Les rois d’Angleterre ne guérissaient pas seulement les écrouelles ; ils bénissaient encore des anneaux qui préservaient de la crampe et du mal caduc. Cette cérémonie se faisait le vendredi saint. Le roi, pour communiquer aux anneaux leur vertu salutaire, les frottait entre ses mains. Ces anneaux, qui étaient d’or ou d’argent, étaient envoyés dans toute l’Europe comme des préservatifs infaillibles ; il en est fait mention dans différents monuments anciens[1]. Il y a d’autres moyens naïfs de traiter l’épilepsie, qui n’obligent pas à passer la mer. On croyait en guérir chez nos aïeux en attachant au bras du malade un clou tiré d’un crucifix. La même cure s’opérait en lui mettant sur la poitrine ou dans la poche les noms des trois mages, Gaspar, Balthazar, Melchior. Cette recette est indiquée dans des livres anciens :

Gaspar fert myrrham, Unis Melchior, Balthazar aurum,
Hœc tria qui secum portabit nomina regum
Solvitur a morbo, Christi a pietate, caduco.

Mais il y a encore bien d’autres remèdes. Le Journal du Cateau publiait dernièrement, sous le titre d’une tradition suédoise, les faits que voici : « Dans ce pays de Suède que j’habite depuis peu, la peine de mort consiste en la décollation par le moyen d’une hache, et à cet effet la tête du patient est posée sur un billot devant lequel on creuse une fosse où la tête tombe après avoir été coupée, et où l’on jette aussi le corps du supplicié ; après quoi on la remplit de manière qu’il n’en reste aucune trace à la surface du sol. Or, il existe parmi le peuple suédois une croyance déplorable ; à savoir, que le sang d’une personne décapitée, pris comme médicament interne, guérit radicalement l’épilepsie ; et ce qui est encore plus déplorable, c’est que l’autorité, d’après un usage immémorial, permette ou tolère que les spectateurs des exécutions recueillent ce sang. Dans une exécution qui a eu lieu ces jours-ci, après que la tête du criminel eut été séparée du corps, une paysanne d’un âge mûr, atteinte du haut mal, se précipita vers le lieu du supplice avec un morceau de pain à la main, pour le tremper dans le sang qui jaillissait du cadavre ; mais au moment où elle allait consommer cet acte, elle fut frappée d’une attaque de sa cruelle maladie, et elle tomba roide morte dans la fosse où venait de rouler la tête ensanglantée. Cet effet a produit sur l’opinion égarée un grand mouvement. La foule semblait frappée de terreur. Alors l’autorité, profitant de cette épouvante, s’est empressée de faire comprendre au public, par des affiches qui défendent à l’avenir un pareil usage, combien Dieu le réprouvait, puisqu’il le punissait de mort subite et faisait tomber les deux cadavres dans la même fosse. »

  1. Lebrun, Histoire des pratiques superstitieuses, t. II, p. 128.