Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Aigle

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Henri Plon (p. 11).
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Aigle. L’aigle a toujours été un oiseau de présage chez les anciens. Valère-Maxime rapporte que la vue d’un aigle sauva la vie au roi Déjotarus, qui ne faisait rien sans consulter les oiseaux ; comme il s’y connaissait, il comprit que l’aigle qu’il voyait le détournait d’aller loger dans la maison qu’on lui avait préparée, et qui s’écroula la nuit suivante.

De profonds savants ont dit que l’aigle a des propriétés surprenantes y entre autres celle-ci, que sa cervelle desséchée, mise en poudre, imprégnée de suc de ciguë et, mangée en ragoût, rend si furieux ceux qui se sont permis ce régal, qu’ils s’arrachent les cheveux, et se déchirent jusqu’à ce qu’ils aient complètement achevé leur digestion. Le livre qui contient cette singulière recette[1] donne pour raison de ses effets que « la grande chaleur de la cervelle de l’aigle forme des illusions fantastiques en bouchant les conduits des vapeurs et en remplissant la tête de fumée ». C’est ingénieux et clair.

On donne en alchimie le nom d’aigle à différentes combinaisons savantes. L’aigle céleste est une composition de mercure réduit en essence, qui passe pour un remède universel ; l’aigle de Vénus est une composition de vert-de-gris et de sel ammoniac, qui forment un safran ; l’aigle noir est une composition de cette cadmie vénéneuse qui se nomme cobalt, et que quelques alchimistes regardent comme la matière du mercure philosophique.


  1. Les admirables secrets d’Albert le Grand, liv. II, ch. iii. (Livre supposé.)