Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Bietka

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Henri Plon (p. 97-98).

Bietka. Il y avait en 1597 à Wilna, en Pologne, une fille nommée Bietka, qui était recherchée par un jeune homme appelé Zacharie. Les parents de Zacharie ne consentant point à son mariage, il tomba dans la mélancolie et s’étrangla. Peu de temps après sa mort il apparut à Bietka, lui dit qu’il venait s’unir à elle et tenir sa promesse de mariage. Elle se laissa persuader ; le mort l’épousa donc, mais sans témoins. Cette singularité ne demeura pas longtemps secrète, on sut bientôt le mariage de Bietka avec un esprit, on accourut de toutes parts pour voir la mariée ; et son aventure lui rapporta beaucoup d’argent, car le revenant se montrait et rendait des oracles ; mais il ne donnait ses réponses que du consentement de sa femme, qu’il fallait gagner. Il faisait aussi beaucoup de tours ; il connaissait tout le présent, et prédisait un peu l’avenir.

Au bout de trois ans, un magicien italien, ayant laissé échapper depuis cette époque un esprit qu’il avait longtemps maîtrisé, vint en Pologne, sur le bruit des merveilles de l’époux de Bietka ; il reconnut que le prétendu revenant était le démon qui lui appartenait ; il le renferma de nouveau dans une bague, et le remporta en Italie, en assurant qu’il eût causé de très-grands maux en Pologne s’il l’y eût laissé[1]. De sorte que la pauvre Bietka en fut pour trois années de mariage avec un démon.

Le fait est raconté par un écrivain qui croit fermement à ce prodige, et qui s’étonne seulement de ce que ce démon était assez matériel pour faire tous les jours ses trois repas. Des critiques n’ont vu là qu’une suite de supercheries, à partir de la prétendue strangulation de l’homme qui fit ensuite le revenant.

  1. Adrien Regenvolsius. Systema historico-chronologicum ecclesiarum sclavonicarnm. Utrecht, 4652, p. 95.