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Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Borri

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Henri Plon (p. 110-111).
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Borri (Joseph-François), imposteur et alchimiste du dix-septième siècle, né à Milan en 1627. Il débuta par des actions qui l’obligèrent à chercher un refuge dans une église jouissant du droit d’asile. Il parut depuis changer de conduite ; puis il se dit inspiré du ciel, et prétendit que Dieu l’avait choisi pour réformer les hommes et pour rétablir son règne ici-bas. Il ne devait y avoir, disait-il, qu’une seule religion soumise au pape, à qui il fallait des armées, dont lui, Borri, serait le chef, pour exterminer tous les non catholiques. Il montrait une épée miraculeuse que saint Michel lui avait donnée ; il disait avoir vu dans le ciel une palme lumineuse qu’on lui réservait. Il soutenait que la sainte Vierge était de nature divine, conçue par inspiration, égale à son fils et présente comme lui dans l’Eucharistie, que le Saint-Esprit s’était incarné dans elle, que la seconde et la troisième personne de la Trinité sont inférieures au Père ; que la chute de Lucifer entraîna celle d’un grand nombre d’anges qui habitaient les régions de l’air. Il disait que c’est par le ministère de ces anges rebelles que Dieu a créé le monde et animé les brutes, mais que les hommes ont une âme divine ; que Dieu nous a faits malgré lui, etc. Il finit par se dire lui-même le Saint-Esprit incarné.

Il fut arrêté après la mort d’Innocent X, et le 3 janvier 1661, condamné comme hérétique et comme coupable de plusieurs méfaits. Mais il parvint à fuir dans le Nord, et il fit dépenser beaucoup d’argent à la reine Christine, en lui promettant la pierre philosophale. Il ne lui découvrit cependant pas ses secrets. Il voulait passer en Turquie, lorsqu’il fut arrêté de nouveau dans un petit village comme conspirateur. Le nonce du pape le réclama, et il fut conduit à Rome, où il vécut en prison jusqu’au 10 août 1695, jour de sa mort.

Il est l’auteur d’un livre intitulé la Clef du cabinet du chevalier Borri, où Von trouve diverses lettres scientifiques, chimiques et très-curieuses, ainsi que des instructions politiques, autres choses dignes de curiosité, et beaucoup de beaux secrets. Genève, 1681, petit in-12[1]. Ce livre est un recueil de dix lettres, dont les deux premières roulent sur les esprits élémentaires. L’abbé de Villars en a donné un abrégé dans l’ouvrage intitulé le Comte de Gabalis.

  1. La Chiavedel gabinetto del cavagliere G. F. Borri, col favor délia quale si vedono varie lettere scientijice, chimice, e curiosissime, con varie instruzioni politiche, ed altre cose degne di curiosita e molti segreti bellissimi. Cologne (Genève), 1681.