Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Cerf

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Henri Plon (p. 150-151).
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Cerf. L’opinion qui donne une très-longue vie à certains animaux, et principalement aux cerfs, est fort ancienne. Hésiode dit que la vie de l’homme finit à quatre-vingt-seize ans, que celle de la corneille est neuf fois plus longue, et que la vie du cerf est quatre fois plus longue que celle de la corneille. Suivant ce calcul, la vie du cerf est de trois mille quatre cent cinquante-six ans.

Pline rapporte que, cent ans après la mort d’Alexandre, on prit dans les forêts plusieurs cerfs auxquels ce prince avait attaché lui-même des colliers. On trouva, en 1037, dans la forêt de Senlis, un cerf avec un collier portant ces mots : Cæsar hoc me donavit. « C’est César qui me l’a donné ; » mais quel César ? Ces circonstances ont fortifié toutefois le conte d’Hésiode. Les cerfs ne vivent pourtant que trente-cinq à quarante ans. Ce que l’on a débité de leur longue vie, ajoute Buffon, n’est appuyé sur aucun fondement ; ce n’est qu’un préjugé populaire, dont Aristote lui-même a révélé l’absurdité. Le collier du cerf de la forêt de Senlis ne peut présenter une énigme qu’aux personnes qui ignorent que tous les empereurs d’Allemagne ont été désignés par le nom de César.

Une autre tradition touchant le cerf, c’est que la partie destinée à la génération lui tombe chaque année. Après avoir ainsi observé ce qui a lieu par rapport à son bois, on s’est persuadé que la même chose arrivait à la partie en question. L’expérience et la raison détruisent également une opinion si absurde[1].

  1. Brown, Essais sur les erreurs, etc., 1. 1, liv. III, ch. x. M. Saignes, Des erreurs et des préjugés, t. II, p. 245. Buffon, Histoire naturelle’, etc.