Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Code des sorciers

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Henri Plon (p. 176-177).
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Code des sorciers. Boguet, qui avait tant de zèle pour l’extinction de la sorcellerie, amis à la fin de son Discours des sorciers une instruction pour un juge en fait de sorcellerie. Cette pièce curieuse, publiée en 1601, est divisée en quatre-vingt-onze articles. On la connaît plus généralement sous le titre de Code des sorciers. En voici le précis :

Le juge du ressort instruit l’affaire et la juge, sans suivre en cas pareil les formes ordinaires. La présomption de sorcellerie suffit pour faire arrêter le suspect ; l’interrogatoire doit suivre l’arrestation, parce que le diable assiste les sorciers en prison. Le juge doit faire attention à la contenance de l’accusé, voir s’il ne jette point de larmes, s’il regarde à terre, s’il barbote à part, s’il blasphème ; tout cela est indice.

Souvent la honte empêche le sorcier d’avouer ; c’est pourquoi il est bon que le juge soit seul, et que le greffier soit caché pour écrire les réponses. Si le sorcier a devant lui un compagnon du sabbat, il se trouble. On doil le raser, afin de mettre à découvert le sort de taciturnité. Il faut le visiter avec un chirurgien pour chercher les marques. Si l’accusé n’avoue pas, il faut le mettre dans une dure prison et avoir gens affidés qui tirent de lui la vérité. Il y a des juges qui veulent qu’on promette le pardon, et qui ne laissent pas de passer à l’exécution ; mais cette coutume me paraît barbare.

Le juge doit éviter la torture, elle ne fait rien sur le sorcier ; néanmoins il est permis d’en user.

Si le prévenu se trouve saisi de graisses, si le bruit public l’accuse de sorcellerie, ce sont de grandes présomptions qu’il est sorcier. Les indices légers sont les variations dans les réponses, les yeux fixés en terre, le regard effaré. Les indices graves sont la naissance, comme si, par exemple, le prévenu est enfant de sorcier, s’il est marqué, s’il blasphème. Le fils en tel cas est admis à déposer contre son père. Les témoins reprochables doivent être entendus comme les autres ; on doit aussi entendre les enfants. Les variations dans les réponses du témoin ne peuvent faire présumer en faveur de l’innocence du prévenu, si tout l’accuse d’être sorcier..

La peine est le supplice du feu : on doit étrangler les sorciers et les brûler après ; les loups-garous doivent être brûlés vifs. On condamne justement sur des conjectures et présomptions ; mais alors on ne brûle pas, on pend. Le juge doit assister aux exécutions, suivi de son greffier, pour recueillir les dépositions…

Ce chef-d’œuvre de jurisprudence et d’humanité, ouvrage d’un avocat, reçut dans le temps les suffrages des barreaux français. Boguet le dédia à Daniel Romanez, avocat à Salins[1].

  1. M. Jules Garinet, Histoire de la magie en France, p. 320.