Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Deshoulières

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Henri Plon (p. 207).
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Deshoulières. Madame Deshoulières étant allée passer quelques mois dans une terre, à quatre lieues de Paris, on lui permit de choisir la plus belle chambre du château ; mais on lui en interdisait une qu’un revenant visitait toutes les nuits. Depuis longtemps madame Deshoulières désirait voir des revenants ; et, malgré les représentations qu’on lui fit, elle se logea précisément dans la chambre infestée. La nuit venue, elle se mit au lit, prit un livre selon sa coutume ; et, sa lecture finie, elle éteignit sa lumière et s’endormit. Elle fut bientôt éveillée par un bruit qui se fit à la porte, laquelle se fermait mal ; on l’ouvrit, quelqu’un entra qui marchait assez fort. Elle parla d’un ton très-décidé ; car elle n’avait pas peur. On ne lui répondit point. L’esprit fit tomber un vieux paravent et lira les rideaux avec bruit. Elle harangua encore l’âme, qui, s’avançant toujours lentement et sans mot dire, passa dans la ruelle du lit, renversa le guéridon et s’appuya sur la couverture. Ce fut là que madame Deshoulières fit paraître toute sa fermeté. — « Ah ! dit-elle, je saurai qui vous êtes !… » Alors, étendant ses deux mains vers l’endroit où elle entendait le spectre, elle saisit deux oreilles velues qu’elle eut la constance de tenir jusqu’au matin. Aussitôt qu’il fut jour, les gens du château vinrent voir si elle n’était pas morte. Il se trouva que le prétendu revenant était un gros chien, qui trouvait plus commode de coucher dans cette chambre déserte que dans la basse-cour.