Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Fascination

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Henri Plon (p. 261-262).
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Fascination, espèce de charme qui fait qu’on ne voit pas les choses telles qu’elles sont. Un bohémien sorcier, cité par Boguet, changeait des bottes de foin en pourceaux, et les vendait comme tels, en avertissant toutefois l’acheteur de ne laver ce bétail dans aucune eau. Un acquéreur de la denrée du bohémien, n’ayant pas suivi ce conseil, vit, au lieu de pourceaux, des bottes de foin nager sur l’eau où il voulait décrasser ses bêtes.

Delrio conte qu’un certain magicien, au moyen d’un certain arc et d’une certaine corde tendue à cet arc, tirait une certaine flèche, faite d’un certain bois, et faisait tout d’un coup paraître devant lui un fleuve aussi large que le jet de cette flèche. Et d’autres rapportent qu’un sorcier juif, par fascination, dévorait des hommes et des charretées de foin, coupait des têtes et démembrait des personnes vivantes, puis remettait tout en bon état.

Dans la guerre du duc Vladislas contre Grémozislas, duc de Bohême, une vieille sorcière dit à son beau-fils, qui suivait le parti de Vladislas, que son maître mourrait dans la bataille, avec la plus grande partie de son armée, et que, pour lui, il pouvait se sauver du carnage en faisant ce qu’elle lui conseillerait ; c’est-à-dire, qu’il tuât le premier qu’il rencontrerait dans la mêlée ; qu’il lui coupât les deux oreilles, et les mît

Le bonnet magique.


dans sa poche ; puis qu’il fît, avec la pointe de son épée, une croix sur la terre entre les pieds de devant de son cheval, et qu’après avoir baisé cette croix il se hâtât de fuir. Le jeune homme, ayant accompli toutes ces choses singulières, revint sain et sauf de la bataille où périrent Vladislas et le plus grand nombre de ses troupes. Mais en rentrant dans la maison de sa marâtre, ce jeune guerrier trouva sa femme, qu’il chérissait uniquement, percée d’un coup d’épée, expirante et sans oreilles…

Mais beaucoup et la plupart des fascinations ne sont généralement que des tours d’adresse. On lit dans les Aventures de Till l’espiègle des fascinations de ce genre. Un jour, dans une foire, il paria avec un grand seigneur que, sur un signe magique qu’il allait faire, une marchande de faïence briserait toute sa boutique, ce qui eut lieu. Mais il avait payé d’avance les pots cassés. Il joua un autre tour semblable en payant un festin, au moyen de son chapeau, qu’il disait magique, et qu’il faisait pirouetter sur son doigt pour solder l’addition. Le dîner pareillement se trouvait payé d’avance.

Les femmes maures s’imaginent qu’il y a des sorciers qui fascinent par leur seul regard, et tuent les enfants. Cette idée leur est commune avec les anciens Romains, qui honoraient le dieu Fascinus, à qui l’on attribuait le pouvoir de garantir les enfants des fascinations et maléfices. Voy. Yeux, Zilon, Prestiges, etc.

Les faïences brisées