Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Figures du diable

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Henri Plon (p. 273-274).

Figures du diable. Le diable change souvent de formes, selon le témoignage de quantité de sorcières. Marie d’Aguerre confessa qu’il sortait en figure de bouc d’une cruche placée au milieu du sabbat. Françoise Secrétain déclara qu’il avait la mine d’un grand cadavre. D’autres sorcières ont dit qu’il se faisait voir sous les

Une des figures du diable.


traits d’un tronc d’arbre, sans bras et sans pieds, assis dans une chaire, ayant cependant quelque forme de visage humain. Mais plus généralement c’est un bouc ayant deux cornes par devant et deux par derrière. Lorsqu’il n’a que trois cornes, on voit une espèce de lumière dans celle du milieu, laquelle sert à allumer les bougies noires du sabbat. Il a encore une manière de bonnet ou chapeau au-dessus des cornes. Il s’est montré aussi en squelette.

On a prétendu que le diable se présente souvent sous l’accoutrement d’un homme qui ne veut pas se laisser voir clairement, et qui a le visage rouge de feu[1]. D’autres disent qu’il a deux visages à la tête, comme Janus. Delancre rapporte que, dans les procédures de la Tournelle, on l’a représenté en grand lévrier noir, et parfois ressemblant à un bœuf d’airain couché à terre. Il prend encore la forme d’un dragon, ou bien c’est un gueux qui porte les livrées de la misère, dit Leloyer. D’autres fois il abuse de la figure des prophètes ; et, du temps de Théodose, il prit celle de Moïse pour noyer les Juifs de Candie, qui comptaient, selon ses promesses, traverser la mer à pied sec[2]. Le commentateur de Thomas Valsingham rapporte que le diable sortit du corps d’un diacre schismatique sous la figure d’un âne, et qu’un ivrogne du comté de Warwick fut longtemps poursuivi par un esprit malin déguisé en grenouille. Leloyer cite quelque part un démon qui se montra à Laon sous la figure d’une mouche ordinaire. Ces métamorphoses diverses que se donnent les démons pour se faire voir aux hommes sont multipliées à l’infini. Quand ils apparaissent avec un corps d’homme, on les reconnaît à leurs pieds de bouc ou de canard, à leurs griffes et à leurs cornes, qu’ils peuvent bien cacher en partie, mais qu’ils ne déposent jamais entièrement.

Cœsarius d’Heisterbach ajoute à ce signalement qu’en prenant la forme humaine, le diable n’a ni dos ni derrière, de sorte qu’il se garde de montrer ses talons. (Miracul. lib. III.) Les Européens représentent ordinairement le diable avec un teint noir et brûlé ; les nègres au contraire soutiennent que le diable a la peau blanche. Un officier français se trouvant au dix-septième siècle dans le royaume d’Ardra, en Afrique, alla faire une visite au chef des prêtres du pays. Il aperçut dans la chambre du pontife une grande poupée blanche et demanda ce qu’elle représentait. On lui répondit que c’était le diable. — Vous vous trompez, dit bonnement le Français, le diable est noir. — C’est vous qui êtes dans l’erreur, répliqua le vieux prêtre ; vous ne pouvez pas savoir aussi bien que moi quelle est la couleur du diable : je le vois tous les jours, et je vous assure qu’il est blanc comme vous[3]. Voy. à leurs articles particuliers les principaux démons. Voy. aussi Formes.

  1. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., liv. II, p. 70.
  2. Socrate, Hist. eccl, liv. VII, ch. xxviii.
  3. Anecdotes africaines de la côte des Esclaves, p. 57.