Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Génies

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Henri Plon (p. 300-301).
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Génies. La tradition des anges, parvenue altérée chez les païens, en a fait des, génies. Chacun avait son génie. Un magicien d’Égypte avertit Marc-Antoine que son génie était vaincu par celui d’Octave ; et Antoine intimidé se retira vers Cléopâtre[1]. Néron, dans Britannicus, dit en parlant de sa mère :

 Mon génie étonné tremble devant le sien.

Les borborites, hérétiques des premiers siècles de l’Église, enseignaient que Dieu ne peut être l’auteur du mal ; que, pour gouverner le cours du soleil, des étoiles et des planètes, il a créé une multitude innombrable de génies, qui ont été, qui sont et seront toujours bons et bienfaisants ; qu’il créa l’homme indifféremment avec tous les autres animaux, et que l’homme n’avait que des pattes comme les chiens ; que la paix et la concorde régnèrent sur la terre pendant plusieurs siècles, et qu’il ne s’y commettait aucun désordre ; que malheureusement un génie prit l’espèce humaine en affection, lui donna des mains, et que voilà l’origine et l’époque du mal. L’homme alors se procura des forces artificielles, se fabriqua des armes, attaqua les autres animaux, fit des ouvrages surprenants ; et l’adresse de ses mains le rendit orgueilleux ; l’orgueil lui inspira le désir de la propriété et la vanité de posséder certaines choses à l’exclusion des autres ; les querelles et les guerres commencèrent ; la victoire fit des tyrans et des esclaves, des riches et des pauvres. Il est vrai, ajoutent les borborites, que si l’homme n’avait jamais eu que des pattes, il n’aurait pas bâti des villes, ni des palais, ni des vaisseaux ; qu’il n’aurait pas couru les mers ; qu’il n’aurait pas inventé l’écriture, ni composé des livres ; et qu’ainsi les connaissances de son esprit ne se seraient point étendues. Mais aussi il n’aurait éprouvé que les maux physiques et corporels, qui ne sont pas comparables à ceux d’une âme agitée par l’ambition, l’orgueil, l’avarice, par les inquiétudes et les soins qu’on se donne pour élever une famille, et par la crainte de l’opprobre, du déshonneur, de la misère et des châtiments. Aristote observe que l’homme n’est pas supérieur aux animaux parce qu’il a une main, mais qu’il a une main parce qu’il est supérieur aux animaux.

Les Arabes ne croient pas qu’Adam ait été le premier être raisonnable qui ait habité la terre, mais seulement le père de tous les hommes actuellement existants. Ils pensent que la terre était peuplée avant ! a création d’Adam par des êtres d’une espèce supérieure à la nôtre ; que dans la composition de ces êtres, créés de Dieu comme nous, il entrait plus de feu divin et moins de limon. Ces êtres, qui ont habité la terre pendant plusieurs milliers de siècles, sont les génies, qui ensuite furent renvoyés dans une région particulière, mais d’où il n’est pas impossible de les évoquer et de les voir paraître encore quelquefois, par la force des paroles magiques et des talismans. Il y a deux sortes de génies, ajoutent-ils, les péris, ou génies bienfaisants, et les dives, ou génies malfaisants. Gian-ben-gian, du nom de qui ils furent appelés ginnes ou génies, est le plus fameux de leurs rois. Le Ginnistan est un pays de délices et de merveilles, où ils ont été relégués par Taymural, l’un des plus anciens rois de Perse. Ce sont encore là des vestiges altérés de l’ancienne tradition.

Les Chinois ont des génies qui président aux eaux, aux montagnes ; et chacun d’eux est honoré par des sacrifices solennels. — Voy. Fées, Anges, Esprits, etc.

  1. Plutarque, Vie de Marc-Antoine.