Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Gargouille

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Henri Plon (p. 296).
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Gargouille. « Que vous dire de la gargouille de Rouen ? Il est certain que tous les ans le chapitre métropolitain de cette ville présentait au parlement, le jour de l’Ascension, un criminel qui obtenait sa grâce, en l’honneur de saint Romain et de la gargouille. La tradition portait qu’à l’époque où saint Romain occupait le siège épiscopal de Rouen, un dragon, embusqué à quelque distance de la ville, s’élançait sur les passants et les dévorait. C’est ce dragon qu’on appelle la gargouille. Saint Romain, accompagné d’un criminel condamné à mort, alla attaquer le monstre jusque dans sa caverne ; il l’enchaîna et le conduisit sur la place publique, où il fut brûlé, à la grande satisfaction des diocésains[1]. » On a contesté cette légende en niant les dragons, dont les géologues actuels reconnaissent pourtant que l’existence a été réelle. Il se peut toutefois que ce dragon soit ici une allégorie. Des historiens rapportent que, du temps de saint Romain, la ville de Rouen fut menacée d’une inondation ; que ce saint prélat eut le bonheur de l’arrêter par ses soins et par ses prières. Voilà l’explication toute simple du miracle de la gargouille. Ce mot, dans notre vieille langue, signifie irruption, bouillonnement de l’eau. Des savants auront rendu le mot hydra par celui de dragon.

  1. M. Saiguesy, Des erreurs, t. III, p. 370.