Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Noyés

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Henri Plon (p. 494-495).

Noyés. Les marins anglais et américains croient que retirer un noyé et l’amener sur le pont d’un navire qui va appareiller, c’est, si le noyé y meurt, un mauvais présage, qui annonce des malheurs et le danger de périr. Superstition inhumaine. Aussi laissent-ils les noyés à l’eau.

Voici une légende qui a été racontée par le poète Œhlenschlæsger. Ce n’est point une légende, c’est un drame de la vie réelle. Un pauvre matelot a perdu un fils dans un naufrage, et la douleur l’a rendu fou. Chaque jour il monte sur

 
 
sa barque et s’en va en pleine mer ; là, il frappe à grands coups sur un tambour, et il appelle son fils à haute voix : — Viens, lui dit-il, viens ! sors de ta retraite, nage jusqu’ici, je te placerai à côté de moi dans mon bateau ; et si tu es mort, je te donnerai une tombe dans le cimetière, une tombe entre des fleurs et des arbustes ; tu dormiras mieux là que dans les vagues. Mais le malheureux appelle en vain et regarde en vain. Quand la nuit descend, il s’en retourne en disant : — J’irai demain plus loin, mon pauvre fils ne m’a pas entendu[1].


  1. Marmier, Traditions des bords de la Baltique.