Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Ours

La bibliothèque libre.
Henri Plon (p. 512).
◄  Ourisk
Ovide  ►

Ours. Quand les Ostiacks ont tué un ours, ils l’écorchent et mettent sa peau sur un arbre auprès d’une de leurs idoles ; après quoi ils lui rendent leurs hommages, lui font de très-humbles excuses de lui avoir donné la mort et lui représentent que dans le fond ce n’est pas à eux qu’il doit s’en prendre, puisqu’ils n’ont pas forgé le fer qui l’a percé, et que la plume qui a hâté le vol de la flèche appartient à un oiseau étranger. Au Canada, lorsque des chasseurs tuent un ours, un d’eux s’en approche, lui met entre les dents le tuyau de sa pipe, souffle dans le fourneau, et, lui remplissant ainsi de fumée la gueule et le gosier, il conjure l’esprit de cet animal de ne pas s’offenser de sa mort. Mais comme l’esprit ne fait aucune réponse, le chasseur, pour savoir si sa prière est exaucée, coupe le filet qui est sous la langue de l’ours et le garde jusqu’à la fin de la chasse. Alors on fait un grand feu dans toute la bourgade, et toute la troupe y jette ces filets avec cérémonie : s’ils y pétillent et se retirent, comme il doit naturellement arriver, c’est une marque certaine que les esprits des ours sont apaisés ;

 
Ours
Ours
 


autrement on se persuade qu’ils sont irrités et que la chasse ne sera point heureuse l’année d’après, à moins qu’on ne prenne soin de se les réconcilier par des présents et des invocations[1].

Le diable prend quelquefois la forme de cet animal. Il s’est présenté un jour sous cette peau à une Allemande ; il entraînait à sa suite quelques petits, qui n’étaient que des cobolds. L’Allemande se défia et le mit en fuite par le signe de la croix. Un choriste de Cîteaux, s’étant légèrement endormi aux matines, s’éveilla en sursaut et aperçut un ours qui sortait du chœur. Cette vision commença à l’effrayer, quand il vit l’ours reparaître et considérer attentivement tous les novices, comme un officier de police qui fait sa ronde, o. Enfin, le monstre sortit de nouveau en disant : « Ils sont bien éveillés ; je reviendrai tout à l’heure voir s’ils dorment… » Le naïf légendaire ajoute que c’était le diable, qu’on avait envoyé pour contenir les frères dans leur devoir[2].

On croyait autrefois que ceux qui avaient mangé la cervelle d’un ours étaient frappés de vertiges, durant lesquels ils se croyaient transformés en ours et en prenaient les manières.


  1. La Harpe, Hist. des voyages, t. XVIII, p. 396.
  2. Cæsarii Heisterb. Miracul. illustrium, lib. V, cap. xlix.