Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Pierre philosophale

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Henri Plon (p. 539-544).

Pierre philosophale. On regarde la pierre philosophale comme une chimère. Un mépris si mal raisonné, disent les philosophes hermétiques, est un effet du juste jugement de Dieu, qui ne permet pas qu’un secret si précieux soit connu des méchants et des ignorants. La science de la pierre philosophale ou la philosophie hermétique fait partie de la cabale, et ne s’enseigne que de bouche à bouche. — Les alchimistes donnent une foule de noms à la pierre philosophale : c’est la fille du grand secret ; le soleil est son père, la lune est sa mère, le vent Va portée dans son ventre, etc.

Le secret plus ou moins chimérique de faire de l’or a été en vogue parmi les Chinois longtemps avant qu’on n’en eût les premières notions en Europe. Ils parlent dans leurs livres, en termes magiques, de la semence d’or et de la poudre de projection. Ils promettent de tirer de leurs creusets non seulement de l’or, mais encore un remède spécifique et universel qui procure à ceux qui le prennent une espèce d’immortalité.

Zosime, qui vivait au commencement du cinquième siècle, est un des premiers parmi nous qui aient écrit sur l’art de faire de l’or et de l’argent, ou la manière de fabriquer la pierre philosophale. Cette pierre est une poudre ou une liqueur formée de divers métaux en fusion sous une constellation favorable.

Gibbon remarque que les anciens ne connaissaient pas l’alchimie. Cependant on voit dans Pline que l’empereur Caligula entreprit de faire de l’or avec une préparation d’arsenic, et qu’il abandonna son projet, parce que les dépenses l’emportaient sur le profit.

Des partisans de cette science prétendent que les Égyptiens en connaissaient tous les mystères. Cette précieuse pierre philosophale, qu’on appelle aussi élixir universel, eau du soleil, poudre de projection, qu’on a tant cherchée, et que sans doute on n’a jamais pu découvrir[1], procurerait à celui qui aurait le bonheur de la posséder des richesses incompréhensibles, une santé toujours florissante, une vie exempte de toutes sortes de maladies, et même, au sentiment de plus d’un cabaliste, l’immortalité… Il ne trouverait rien qui put lui résister, et serait sur la terre le plu ? glorieux, le plus puissant, le plus riche et le plus heureux des mortels ; il convertirait à son gré tout en or, et jouirait de tous les agréments. L’empereur Rodolphe n’avait rien plus à cœur que cette recherche. Le roi d’Espagne Philippe II employa, dit-on, de grandes sommes à faire travailler les chimistes aux conversions des métaux. Tous ceux qui ont marché sur leurs traces n’ont pas eu de grands succès. Quelques-uns donnent cette recette comme le véritable secret de faire l’œuvre hermétique : Mettez dans une fiole de verre fort, au feu de sable, de l’élixir d’Aristée, avec du baume de mercure et une pareille pesanteur du plus pur or de vie ou précipité d’or, et la calcination qui restera au fond de la fiole se multipliera cent mille fois. Que si l’on ne sait comment se procurer de l’élixir d’Aristée et du baume de mercure, on peut implorer les esprits cabalistiques, ou même, si on l’aime mieux, le démon barbu, dont nous avons parlé.

On a dit aussi que saint Jean l’évangéliste avait enseigné le secret de faire de l’or ; et en effet, on chantait autrefois dans quelques églises une hymne en son honneur, où se trouve une allégorie que les alchimistes s’appliquent :

          Inexhaustum fert thesaurum
          Qui de virgis facit aurum.
          Gemmas de lapidibus.

D’autres disent que, pour faire le grand œuvre, il faut de l’or, du plomb, du fer, de l’antimoine, du vitriol, du sublimé, de l’arsenic, du tartre, du mercure, de la terre et de l’air, auxquels on joint un œuf de coq, du crachat, de l’urine et des excréments humains. Aussi un philosophe a dit avec raison que la pierre philosophale était une salade, et qu’il y fallait du sel, de l’huile et du vinaigre.

Nous donnerons une plus ample idée de la matière et du raisonnement des adeptes en présentant au lecteur quelques passages du Traité de chimie philosophique et hermétique, publié à Paris en 1725[2]. « Au commencement, dit l’auteur, les sages, ayant bien considéré, ont reconnu que l’or engendre l’or et l’argent, et qu’ils peuvent se multiplier dans leurs espèces.

» Les anciens philosophes, travaillant par la voie sèche, ont rendu une partie de leur or volatil, et l’ont réduit en sublimé blanc comme neige et luisant comme cristal ; ils ont converti l’autre partie en sel fixe ; et de la conjonction du volatil avec le fixe, ils ont fait leur élixir. Les philosophes modernes ont extrait de l’intérieur du mercure un esprit igné, minéral, végétal et multiplicatif, dans la concavité humide duquel est caché le mercure primitif ou quintessence universelle. Par le moyen de cet esprit, ils ont attiré la semence spirituelle contenue en l’or ; et par cette voie, qu’ils ont appelée voie humide, leur soufre et leur mercure ont été faits : c’est le mercure des philosophes, qui n’est pas solide comme le métal, ni mou comme le vif-argent, mais entre les deux. Ils ont tenu longtemps ce secret caché, parce que c’est le commencement, le milieu et la fin de l’œuvre ; nous l’allons découvrir pour le bien de tous, il faut donc pour faire l’œuvre : 1o purger le mercure avec du sel et du vinaigre (salade) ; 2o le sublimer avec du vitriol et du salpêtre ; 3o le dissoudre dans l’eau-forte ; 4o le sublimer derechef ; 5o le calciner et le fixer : 6o en dissoudre une partie par défaillance à la cave, où il se résoudra en liqueur ou huile (salade) : 7o distiller cette liqueur pour en séparer L’eau spirituelle, l’air et le feu : 8o mettre de ce corps mercuriel calciné et fixé dans l’eau spirituelle ou esprit liquide mercuriel distillé ; 9o les putréfier ensemble jusqu’à la noirceur ; puis il s’élèvera en superficie de l’esprit un soufre blanc non odorant, qui est aussi appelé sel ammoniac ; 10o dissoudre ce sel ammoniac dans l’esprit mercuriel liquide, puis le distiller jusqu’à ce que tout passe en liqueur, et alors sera fait le vinaigre des sages ; 11o cela parachevé, il faudra passer de l’or à l’antimoine par trois fois, et après le réduire en chaux : 12o mettre cette chaux d’or dans ce vinaigre très-aigre, les laisser putréfier ; et en superficie du vinaigre, il s’élèvera une terre feuillée de la couleur des perles orientales ; il faut sublimer de nouveau jusqu’à ce que cette terre soit très-pure ; alors vous aurez fait la première opération du grand œuvre.

» Pour le second travail, prenez, au nom de Dieu, une part de cette chaux d’or et deux parts de l’eau spirituelle chargée de son sel ammoniac ; mettez cette noble confection dans un vase de cristal de la forme d’un œuf, scellez le tout du sceau d’Hermès ; entretenez un feu doux et continuel : l’eau ignée dissoudra peu à peu la chaux d’or ; il se formera une liqueur qui est l’eau des sages et leur vrai chaos, contenant les qualités élémentaires, chaud, sec, froid et humide. Laissez putréfier cette composition jusqu’à ce qu’elle devienne noire : cette noirceur, qui est appelée la tête de corbeau et le saturne des sages, fait connaître à l’artiste qu’il est en bon chemin. Mais pour ôter cette noirceur puante, qu’on appelle aussi terre noire, il faut faire bouillir de nouveau, jusqu’à ce que le vase ne présente plus qu’une substance blanche comme la neige. Ce degré de l’œuvre s’appelle le cygne. Il faut enfin fixer par le feu cette liqueur blanche, qui se calcine et se divise en deux parts, l’une blanche pour l’argent, l’autre rouge pour l’or ; alors vous aurez accompli les travaux et vous posséderez la pierre philosophale.

» Dans les diverses opérations, on peut tirer divers produits : d’abord le lion vert, qui est un liquide épais, qu’on nomme aussi l’azot, et qui fait sortir l’or caché dans les matières ignobles ; le lion rouge, qui convertit les métaux en or : c’est une poudre d’un rouge vif ; la tête de corbeau, dite encore la voile noire du navire de Thésée, dépôt noir qui précède le lion vert, et dont l’apparition au bout de quarante jours promet le succès de l’œuvre : il sert à la décomposition et putréfaction des objets dont on veut tirer l’or ; la poudre blanche, qui transmue les métaux blancs en argent fin ; l’élixir au rouge, avec lequel on fait de l’or et on guérit toutes les plaies ; l’élixir au blanc, avec lequel on fait de l’argent et on se procure une vie extrêmement longue : on l’appelle aussi la fille blanche des philosophes. Toutes ces variétés de la pierre philosophale végètent et se multiplient… » Le reste du livre est sur le même ton. Il contient tous les secrets de l’alchimie. Voy. Baume universel, Élixir de vie, Or potable, etc.

Les adeptes prétendent que Dieu enseigna l’alchimie à Adam, qui en apprit le secret à Hénoch, duquel il descendit par degrés à Abraham, à Moïse, à Job, qui multiplia ses biens au septuple par le moyen de la pierre philosophale, à Paracelse, et surtout à Nicolas Flamel. Ils citent avec respect des livres de philosophie hermétique qu’ils attribuent à Marie, sœur de Moïse, à Hermès Trismégiste, à Démocrite, à Aristote, à saint Thomas d’Aquin, etc. La boîte de Pandore, la toison d’or de Jason, le caillou de Sisyphe, la cuisse d’or de Pythagore, ne sont selon eux que le grand œuvre[3]. Ils trouvent tous leurs mystères dans la Genèse, dans l’Apocalypse surtout, dont ils font un poëme à la louange de l’alchimie ; dans l’Odyssée, dans les Métamorphoses d’Ovide. Les dragons qui veillent, les taureaux qui soufflent du feu, sont les emblèmes des travaux hermétiques.

Gobineau de Montluisant, gentilhomme chartrain, a même donné une explication extravagante des figures bizarres qui ornent la façade de Notre-Dame de Paris ; il y voyait une histoire complète de la pierre philosophale. Le Père éternel étendant les bras et tenant un ange dans chacune de ses mains annonce assez, dit-il, la perfection de l’œuvre achevée.

D’autres assurent qu’on ne peut posséder le grand secret que par le secours de la magie ; ils nomment démon barbu le démon qui se charge de l’enseigner ; c’est, disent-ils, un très-vieux démon.

On trouve à l’appui de cette opinion, dans plusieurs livres de conjurations magiques, des formules qui évoquent les démons hermétiques. Cédrénus, qui donnait dans cette croyance, raconte qu’un alchimiste présenta à l’empereur Anastase, comme l’ouvrage de son art, un frein d’or et de pierreries pour son cheval. L’empereur accepta le présent et fit mettre l’alchimiste dans une prison, où il mourut ; après quoi le frein devint noir, et on reconnut que l’or des alchimistes n’était qu’un prestige du diable. Beaucoup d’anecdotes prouvent que ce n’est qu’une friponnerie ordinaire.

Un rose-croix, passant à Sedan, donna à


Henri Ier, prince de Bouillon, le secret de faire de l’or, qui consistait à faire fondre dans un creuset un grain d’une poudre rouge qu’il lui remit, avec quelques onces de litharge. Le prince fit l’opération devant le charlatan, et tira trois onces d’or pour trois grains de cette poudre ; il fut encore plus ravi qu’étonné ; et l’adepte, pour achever de le séduire, lui fit présent de toute sa poudre transmutante. Il y en avait trois cent mille grains. Le prince crut posséder trois cent mille onces d’or. Le philosophe était pressé de partir ; il allait à Venise tenir la grande assemblée des philosophes hermétiques ; il ne lui restait plus rien, mais il ne demandait que vingt mille écus. Le duc de Bouillon les lui donna et le renvoya avec honneur. Comme en arrivant à Sedan le charlatan avait fait acheter toute la litharge qui se trouvait chez les apothicaires de cette ville, et l’avait fait revendre ensuite

Le baron de Puimerolles présenté à Charles IX


chargée de quelques onces d’or, quand cette litharge fut épuisée, le prince ne fit plus d’or, ne vit plus le rose-croix et en fut pour ses vingt mille eus.

Jérémie Médérus, cité par Delrio[4], raconte un tour absolument semblable qu’un autre adepte joua au marquis Ernest de Bade.

Tous les souverains s’occupaient autrefois de la pierre philosophale ; la fameuse Elisabeth la chercha longtemps. Jean Gauthier, baron de Plumerolles, se vantait de savoir faire de l’or ; Charles IX, trompé par ses promesses, lui fit donner cent vingt mille livres, et l’adepte se mit à l’ouvrage. Mais après avoir travaillé huit jours, il se sauva avec l’argent du monarque. On courut à sa poursuite, on l’attrapa, et il fut pendu : mauvaise fin, même pour un alchimiste ! chargée En 1616, la reine Marie de Médicis donna à Gui de Crusembourg vingt mille écus pour travailler dans la Bastille à faire de l’or. Il s’évada au bout de trois mois avec les vingt mille écus, et ne reparut plus en France.

Le pape Léon X fut moins dupe. Un homme qui se vantait de posséder le secret de la pierre philosophale lui demandait une récompense. Le protecteur des arts le pria de revenir le lendemain, et il lui fit donner un grand sac, en lui disant que, puisqu’il savait faire de l’or, il lui offrait de quoi le contenir[5]. Mais il y eut des alchimistes plus fiers. L’empereur Rodolphe II, ayant entendu parler d’un chimiste franc-comtois qui passait pour être certainement un adepte, lui envoya un homme de confiance pour l’engager à venir le trouver à Prague. Le commissionnaire n’épargna ni persuasion, ni promesses pour s’acquitter de sa commission ; mais le Franc-Comtois fut inébranlable, et se tint constamment à cette réponse : Ou je suis adepte ou je ne le suis pas ; si je le suis, je n’ai pas besoin de l’empereur, et si je ne le suis pas, l’empereur n’a que faire de moi.

Un alchimiste anglais vint un jour rendre visite au peintre Rubens, auquel il proposa de partager avec lui les trésors du grand œuvre, s’il voulait construire un laboratoire et payer quelques petits frais. Rubens, après avoir écouté patiemment les extravagances du souffleur, le mena dans son atelier. Vous êtes venu, lui dit-il, vingt ans trop tard, car depuis ce temps j’ai trouvé la pierre philosophale avec cette palette et ces pinceaux,

Le roi d’Angleterre Henri VI fut réduit à un tel degré cle besoin que, au rapport d’Évelyn (dans ses Numismata), il chercha à remplir ses coffres avec le secours de l’alchimie. L’enregistrement de ce singulier projet contient les protestations les plus solennelles et les plus sérieuses de l’existence et des vertus de la pierre philosophale, avec des encouragements à ceux qui s’en occuperont. Il annule et condamne toutes les prohibitions antérieures. Aussitôt que cette patente royale fut publiée, il y eut tant de gens qui s’engagèrent à faire de l’or, selon l’attente du roi, que l’année suivante Henri VI publia un autre édit dans lequel il annonçait que l’heure était prochaine où, par le moyen de la pierre philosophale, il allait payer les dettes de l’État en or et en argent monnayés.

Charles II d’Angleterre s’occupait aussi d’alchimie. Les personnes qu’il choisit pour opérer le grand œuvre formaient un assemblage aussi singulier que leur patente était ridicule. C’était une réunion d’épiciers, de merciers et de marchands de poisson. Leur patente fut accordée authoritate parliamenti.

Les alchimistes était appelés autrefois multiplicateurs ; on le voit par un statut de Henri IV d’Angleterre, qui ne croyait pas à l’alchimie. Ce statut se trouve rapporté dans la patente de Charles II. Comme il est fort court, nous le citerons. « Nul dorénavant ne s’avisera de multiplier l’or et l’argent, ou d’employer la supercherie de la multiplication, sous peine d’être traité et puni comme félon. »

On lit dans les Curiosités de la littérature, ouvrage traduit de l’anglais par Th. Bertin, qu’une princesse de la Grande-Bretagne, éprise


de l’alchimie, fit rencontre d’un homme qui prétendait avoir la puissance de changer le plomb en or. Il ne demandait que les matériaux et le temps nécessaires pour exécuter la conversion. Il fut emmené à la campagne de sa protectrice, où l’on construisit un vaste laboratoire, et, afin qu’il ne fût pas troublé, on défendit que personne n’y entrât. Il avait imaginé de faire tourner sa porte sur un pivot, et recevait à manger sans voir, sans être vu, sans que rien pût le distraire. Pendant, deux ans il ne condescendit à parler à qui que ce fût, pas même à la princesse. Lorsqu’elle fut introduite enfin dans son laboratoire, elle vit des alambics, des chaudières, de longs tuyaux, des forges, des fourneaux, et trois ou quatre feux d’enfer allumés ; elle ne contempla pas avec moins de vénération la figure enfumée de l’alchimiste, pâle, décharné, affaibli par ses veilles, qui lui révéla, dans un jargon inintelligible, les succès obtenus ; elle vit ou crut voir des monceaux d’or encore imparfait répandus dans le laboratoire. Cependant l’alchimiste demandait souvent un nouvel alambic et des quantités énormes de charbon. La princesse, malgré son zèle, voyant qu’elle avait dépensé une grande partie de sa fortune à fournir aux besoins du philosophe, commença à régler l’essor de son imagination sur les conseils de la sagesse. Elle découvrit sa façon de penser au physicien : celui-ci avoua qu’il était surpris de la lenteur de ses progrès ; mais il allait redoubler d’efforts et hasarder une opération de laquelle, jusque-là, il avait cru pouvoir se passer. La protectrice se retira ; les visions dorées reprirent leur premier empire. Un jour qu’elle était à dîner, un cri affreux, suivi d’une explosion semblable à celle d’un coup de canon, se fit entendre ; elle se rendit avec ses gens auprès du chimiste. On trouva deux larges retortes brisées, une grande partie du laboratoire en flamme, et le physicien grillé depuis les pieds jusqu’à la tête.

Elie Ashmole écrit dans sa Quotidienne du 13 mai 1655 : « Mon père Backouse (astrologue qui l’appelait son fils, méthode pratiquée par les gens de cette espèce) étant malade dans FleetStreet, près de l’église de Saint-Dunstan, et se trouvant, sur les onze heures du soir, à l’article de la mort, me révéla le secret de la pierre philosophale, et me le légua un instant avant d’expirer. »

Nous apprenons par là qu’un malheureux qui connaissait l’art de faire de l’or vivait cependant de charités, et qu’Ashmole croyait fermement être en possession d’une pareille recette.

Ashmole a néanmoins élevé un monument curieux des savantes folies de son siècle, dans son Theatrum chimicum britannicum, vol. in-4o, dans lequel il a réuni les traités des alchimistes anglais. Ce recueil présente divers échantillons des mystères de la secte des roses-croix, et Ashmole raconte des anecdotes dont le merveilleux surpasse toutes les chimères des inventions arabes. Il dit de la pierre philosophale qu’il en sait assez pour se taire et qu’il n’en sait pas assez pour en parler.

La chimie moderne n’est pourtant pas sans avoir l’espérance, pour ne pas dire la certitude, de voir un jour vérifiés les rêves dorés des alchimistes. Le docteur Girtanner de Gœttingue a dernièrement hasardé cette prophétie que, dans le dix-neuvième siècle, la transmutation des métaux sera généralement connue ; que chaque chimiste saura faire de l’or ; que les instruments de cuisine seront d’or et d’argent, ce qui contribuera beaucoup à prolonger la vie, qui se trouve aujourd’hui compromise par les oxydes de cuivre, de fer et de plomb que nous avalons avec notre nourriture[6]. C’est ce que surtout le galvanisme amènera.

  1. Voyez pourtant Raymond Lulle, quant à ce qui concerne l’or.
  2. Traité de chimie philosophique et hermétique, enrichi des opérations les plus curieuses de l’art, sans nom d’auteur. Paris, 1755. in-12. avec approbation signée Audry, docteur en médecine, et privilège du roi.
  3. Naudé, Apol. pour les grands personnages, etc.
  4. Disquisit. mag., lib. I, cap. v, quæst. 3.
  5. Le comte d’Oxenstiern attribue ce trait au pape Urbain VIII, à qui un adepte dédiait un traité d’alchimie. Pensées, t. I, p. 172.
  6. Philosophie magique, v. VI, P. 383.