Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Poisons

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Henri Plon (p. 549-550).
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Poisons. On a souvent attribué à la magie des forfaits qui n’étaient dus qu’à la connaissance de l’art des poisons. « Il est certain que, pendant le seizième siècle, dans les années qui le précédèrent et le suivirent, l’empoisonnement était arrivé à une perfection inconnue à la chimie moderne et que l’histoire a constatée. L’Italie, berceau des sciences modernes, fut à cette époque médecins inventrice et maîtresse de ces secrets, dont plusieurs se perdirent. De là vint cette réputation qui pesa, durant les deux siècles suivants, sur les Italiens. Les romanciers en ont si fort abusé, que partout où ils introduisent des Italiens, ils leur font jouer des rôles d’assassins et d’empoisonneurs. Si l’Italie avait alors l’entreprise des poisons subtils dont parlent quelques historiens, il faudrait seulement reconnaître sa suprématie en toxicologie comme dans d’autres connaissances. Elle servait les passions du siècle, comme elle bâtissait d’admirables édifices, commandait les armées, peignait de belles fresques, chantait des romances, dessinait des fêtes ou des ballets et raffinait la politique. À Florence, l’art des poisons était à un si haut point, qu’une femme partageant une pêche avec un duc, en se servant d’une lame d’or dont un côté seulement était empoisonné, mangeait la moitié saine et donnait la mort avec l’autre. Une paire de gants parfumés infiltrait par les pores une maladie mortelle. On mettait le poison dans un bouquet de roses naturelles, dont la seule senteur, une fois respirée, donnait la mort. Don Juan d’Autriche fut, dit-on, empoisonné par une paire de bottes[1]. »

  1. M. de Balzac, le Secret des Ruggieri.