Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Signe de croix

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Henri Plon (p. 612).
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Signe de croix. Un Juif qui se rendait à Fondi, dans le royaume de Naples, fut surpris par la nuit et ne trouva pas d’autre gîte qu’un temple d’idoles, où il se décida, faute de mieux, à attendre le matin. Il s’accommoda comme il put dans un coin, s’enveloppa dans son manteau et se disposa à dormir. Au moment où il allait fermer l’œil, il vit plusieurs démons tomber de la voûte dans le temple et se disposer en cercle autour d’un autel. Le roi de l’enfer descendit aussi, se plaça sur un trône et ordonna à tous les diables subalternes de lui rendre compte de leur conduite. Chacun fit valoir les services qu’il avait rendus à la chose publique ; chacun fit l’exposé de ses bonnes actions. Le Juif, qui ne jugeait pas comme le prince des démons et qui trouvait leurs bonnes actions un peu mauvaises, fut si effrayé de la mine des démons et de leurs discours qu’il se hâta de dire les prières et de faire les cérémonies que la synagogue met en usage pour chasser les esprits malins. Mais inutilement : les démons ne s’aperçurent pas qu’ils étaient vus par un homme. Ne sachant plus à quoi recourir, le juif s’avisa d’employer le signe de la croix. On lui avait dit que ce signe était formidable aux démons ; il en eut la preuve, dit le légendaire, car les démons cessèrent de parler, aussitôt qu’il commença de se signer. Après avoir regardé autour de lui, le roi de l’enfer aperçut l’enfant d’Israël.

— Allez voir qui est là, dit-il à un de ses gens. Le démon obéit ; lorsqu’il eut examiné le voyageur, il retourna vers son maître. — C’est un vase de réprobation, dit-il ; mais il vient de s’appuyer du signe de la croix.

Sortons, reprit le diable. Nous ne pourrons bientôt plus être tranquilles dans nos temples. — En disant ces paroles, le prince des démons s’envola ; tous ses gens disparurent et le Juif se fit chrétien.