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Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Avarice

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Éd. Garnier - Tome 17
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AVARICE[1].

Avarities, amor habendi, désir d’avoir, avidité, convoitise.

A proprement parler, l’avarice est le désir d’accumuler, soit en grains, soit en meubles, ou en fonds, ou en curiosités. Il y avait des avares avant qu’on eût inventé la monnaie.

Nous n’appelons point avare un homme qui a vingt-quatre chevaux de carrosse, et qui n’en prêtera pas deux à son ami, ou bien qui, ayant deux mille bouteilles de vin de Bourgogne destinées pour sa table, ne vous en enverra pas une demi-douzaine quand il saura que vous en manquez. S’il vous montre pour cent mille écus de diamants, vous ne vous avisez pas d’exiger qu’il vous en présente un de cinquante louis ; vous le regardez comme un homme fort magnifique, et point du tout comme un avare.

Celui qui, dans les finances, dans les fournitures des armées, dans les grandes entreprises, gagna deux millions chaque année, et qui, se trouvant enfin riche de quarante-trois millions, sans compter ses maisons de Paris et son mobilier, dépensa pour sa table cinquante mille écus par année, et prêta quelquefois à des seigneurs de l’argent à cinq pour cent, ne passa point dans l’esprit du peuple pour un avare. Il avait cependant brûlé toute sa vie de la soif d’avoir ; le démon de la convoitise l’avait perpétuellement tourmenté : il accumula jusqu’au dernier jour de sa vie. Cette passion toujours satisfaite ne s’appelle jamais avarice. Il ne dépensait pas la dixième partie de son revenu, et il avait la réputation d’un homme généreux qui avait trop de faste.

Un père de famille qui, ayant vingt mille livres de rente, n’en dépensera que cinq ou six, et qui accumulera ses épargnes pour établir ses enfants, est réputé par ses voisins « avaricieux, pince-maille, ladre vert, vilain, fesse-matthieu, gagne-denier, grippe-sou, cancre » ; on lui donne tous les noms injurieux dont on peut s’aviser.

Cependant ce bon bourgeois est beaucoup plus honorable que le Crésus dont je viens de parler ; il dépense trois fois plus à proportion. Mais voici la raison qui établit entre leurs réputations une si grande différence.

Les hommes ne haïssent celui qu’ils appellent avare que parce qu’il n’y a rien à gagner avec lui. Le médecin, l’apothicaire, le marchand de vin, l’épicier, le sellier, et quelques demoiselles, gagnent beaucoup avec notre Crésus, qui est le véritable avare. Il n’y a rien à faire avec notre bourgeois économe et serré : ils l’accablent de malédictions.

Les avares qui se privent du nécessaire sont abandonnés à Plaute et à Molière.

Un gros avare mon voisin disait, il n’y a pas longtemps : « On en veut toujours à nous autres, pauvres riches. » À Molière, à Molière.


  1. Questions sur l’Encyclopédie, deuxième partie, 1770. (B.)


Autorité

Avarice

Avignon