Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/ANGÉLIQUE

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ANGÉLIQUE : Plante qui forme un buisson assez considérable ; son odeur est aromatique & tirant sur celle du musc : sa racine, ses feuilles, sa tige & sa graine sont d’un grand usage en médecine. Les parties qu’on emploie dans l’office, sont ses côtes ou cardons & sa tige. (Voyez le Dictionnaire domestique chez Vincent, pour la culture de cette plante.) On prétend que les vertus de cette plante ont fait danner le nom d’angélique.

Angélique. (Conserve d’ ) Pour la confire, il faut couper ses tiges lorsqu’elles commencent à être de bonne grosseur, & avant que la plante monte en graine. Il faut l’employer fraîche cueillie ; ôter les feuilles, couper les cardons par morceaux, plus ou moins grands, mais de six pouces pour le plus. Il faut en lever la pellicule & les filandres, & les mettre à l’eau fraîche. On les fait blanchir ensuite à l’eau bouillante ; on connoît qu’ils sont blanchis, lorsqu’ils s’écrasent facilement : on les retire alors, pour les laisser reverdir ; mettez-les ensuite à deux eaux fraîches ; après quoi, il faut les faire égoutter & leur faire prendre dix à douze bouillons au sucre clarifié ; retirer la poële de dessus le feu, écumer la confiture & mettre le tout dans une terrine. Laissez-la vingt-quatre heures infuser & prendre sucre ; tirez votre angélique ; faites cuire votre syrop au petit perlé ; jettez-le sur vos cardons, & les laissez reposer & infuser de nouveau, pendant trois jours : tirez une seconde fois votre angélique ; faites-la égoutter ; faites cuire votre syrop à la grosse perle, en l’augmentant de sucre. Quand il sera à ce degré, faites-y prendre cinq ou six bouillons à votre angélique ; après cela, tirez-la ; rangez-la sur des feuilles d’offices ou ardoises ; saupoudrez de sucre fin, & mettez sécher vos cardons à l’étuve, pour s’en servir au besoin.

Angélique. (Eau d’ ) Toute la plante étant aromatique, on pourroit l’employer, si l’on vouloit, pour faire cette eau ; mais, comme elle contient beaucoup moins d’huile essentielle que la graine qui semble concentrer en un petit volume toutes les propriétés de la plante, il vaut mieux ne se servir que de la graine, d’autant mieux sur-tout qu’elle ne contient, pour ainsi dire, point de phlegmes. Il faut choisir cette graine de l’année : si l’odorat ne vous instruisoit pas suffisamment de sa bonté, il faut la mâcher ; & si elle a le goût aromatique qu’elle doit avoir, vous pouvez l’employer. Pour cet effet, il faut la piler, pour que son parfum se développe davantage à la distillation ; ensuite vous la mettez dans la cucurbite, avec suffisante quantité d’eau & d’eau-de-vie ; &, pour que votre distillation ait plus d’effet, vous pouvez la laisser se macérer sur la cendre chaude, pendant une nuit. Quand les esprits commenceront à monter, ce qui se fera assez vite, si vous distillez à feu nud, il faudra faire attention, pour ne pas tirer de phlegme, de ne pas trop pousser le feu, de peur que votre liqueur ne prenne le goût d’empyreume : vos esprits tirés bien nets, vous les mettrez dans le syrop que vous aurez eu soin de préparer dans une terrine, pendant votre distillation ; vous mêlerez bien le tout, & le passerez à la chauffe. Si vous ne faites qu’une liqueur commune, vous réserverez un tiers de l’eau-de-vie que vous vouliez distiller, pour le mettre en nature avec vos esprits & votre syrop : si vous voulez une liqueur fine, vous distillerez toute votre eau-de-vie. Pour deux petites bouteilles de liqueur, mettez avec une once de graine, chopine d’eau & trois chopines d’eau-de-vie dans votre alambic ; prenez garde de tirer des phlegmes ; &, pour le syrop, livre de sucre fin avec chopine d’eau fraîche : le sucre bien dissous, le tout mêlé & clarifié, votre liqueur sera parfaite.

Observation médecinale.

L’angélique est une plante stomachique, pectorale, un peu échauffante, & sudorifique, propre à faire sortir les vents, à diviser les glaires & la pituite, à faciliter la digestion, à préserver les humeurs de corruption, de scorbut ; qui communique une odeur agréable à l’haleine, & empêche les effets d’une foible contagion : l’eau-de-vie & le sucre ne peuvent qu’augmenter toutes ses vertus.