Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/EAU

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inconnu
Lottin le Jeune (p. 217-220).
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EAU : la plus legere, la plus limpide, & celle qui n’a aucune saveur, est la meilleure.

Eaux. On appelle ainsi, en office & distillation, certaines préparations ou liqueurs faites avec les fleurs, les fruits ou épices, dont on se sert ou pour se rafraîchir, ou pour aider la digestion, selon les propriétés connus de ces sortes de liqueurs.

Eaux sans glace. Elles se font avec les mêmes compositions de fleurs, ou fruits ou graines que celles marquées pour les glaces, si ce n’est qu’il faut à celles-ci moins de sucre & de fruit que pour les autres, dont les saveurs se concentrant par le froid, exigent qu’on force un peu les doses, tant en fruit qu’en sucre.

Eau clairette. Prenez de bonne lie de vin, fraîche, & non éventée. Remplissez-en la moitié du matras d’un alambic ; mettez-y de la cannelle, du macis & du sucre ; laissez macérer vos épices un jour entier dans cette lie. Lutez bien votre alambic & son récipient ; faites distiller à petit feu. Cette liqueur est très-agréable.

Eau cordiale. Distillez des fleurs de jasmin d’Espagne, belles & fraîches, avec des zestes de citron, du cedrat, & un peu de coriandre, à feu modéré. Faites le syrop à l’ordinaire, & dans la proportion des autres liqueurs dont on a parlé ci-dessus, c’est-à-dire pour trois pintes de liqueur, pinte & chopine d’eau-de-vie, & demi-septier d’eau ; pour le syrop, cinq demi-septiers d’eau, & trois quarterons de sucre.

Observation médecinale.

La fleur de jasmin donne un parfum & des principes agréables à l’odorat & aux nerfs en général ; ce qui la fait passer avec raison pour céphalique, cordiale ou stomachique, calmante ou anti-spasmodique & salutaire aux vaporeux, hystériques & hypocondriaques.

Eau cordiale. (Autre) Faites infuser dans une pinte d’eau-de-vie une demi-livre de cerises des plus belles & bien mûres, dont vous ôterez les queues & les noyaux ; mettez demi-livre de sucre, un gros de cannelle, quelques cloux de girofle, un peu de macis. Bouchez bien votre bouteille, & couvrez le bouchon d’un parchemin mouillé. Laissez infuser au soleil ; de tems en tems remuez la bouteilles, pour que le marc pénetre la liqueur : faites clarifier pour vous en servir au besoin. On prétend que cette liqueur est bonne contre le mauvais air, facilite la digestion, dissipe les crudités de l’estomac, chasse les vents, & fait du bien dans les coliques causées par le froid.

Eau d’argent. Pour six pintes, les zestes de trois citrons, un gros d’angélique, & huit cloux de girofle pilés, mis dans l’alambic avec trois pintes & chopine d’eau-de-vie, demi-septier d’eau. Faites distiller à feu ordinaire. Faites ce syrop avec trois livres du plus beau sucre dans deux pintes & demie d’eau ; versez-y vos épices. Passez cette liqueur à la chauffe ; & quand elle sera clarifiée, mettez-y quelques feuilles d’argent, en agitant la bouteille pour les diviser en particules legeres.

Eau divine. On peut se servir ou de l’eau de fleurs d’orange, ou laisser infuser six semaines des fleurs d’orange blanchies dans l’esprit-de-vin ; après quoi, vous passez cette infusion au tamis, & la versez dans un syrop d’à-peu-près moitié de la quantité d’eau-de-vie ; demi-livre de sucre pour pinte de liqueur. La quantité des fleurs d’orange n’est point déterminée ; elle dépend des goûts ; les uns l’aiment plus forte, d’autres moins.

Eau d’or. Distillez des zestes de citron, à la même quantité que pour l’eau d’argent ; joignez-y de la cannelle choisie, & un peu de coriandre avec la même quantité d’eau, d’eau-de-vie & de sucre, en tirant un peu de phlegme, à cause des épices. Vos esprits étant mêlés avec le syrop, faites cuire du sucre au caramel ; délayez-le avec de l’eau, & versez-en dans votre liqueur jusqu’à ce que vous la jugiez de couleur d’or. Faites-la passer à la chauffe, pour la clarifier, & si ce pouvoit être dans une chauffe, ou l’on eut passé de l’escubac, la couleur, n’en seroit que plus belle. On peut y mettre encore des feuilles d’or, comme dans la précédente, & les diviser en très-petites particules, en agitant la bouteille, comme on l’a dit à l’article de l’Eau d’argent.

Eau simple. C’est une sorte d’extrait liquide des fleurs ou plantes odorantes, & autres, qu’on tire par la voie de la distillation. Pour avoir cette espece d’essence des plantes avec les qualités qui leur sont propres, il faut les distiller à l’alambic de verre au bain-marie, ou bain de vapeur, & faire attention que le récipient soit uni à l’alambic ; de façon qu’il n’y ait aucune évaporation, s’il est possible. Les extraits sont d’ordinaire beaucoup plus parfaits, d’une odeur & d’un goût supérieurs à la plante ou fleur, dont ils sont tirés si la distillation est bien faite, & valent infiniment mieux que la plante même, sur-tout celles qu’on garde séches, & dont l’infusion n’a jamais à beaucoup près, les qualités de ces eaux simples distillées sans aucune liqueur spiritueuse.