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Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure/CAMAYEU

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CAMAYEU, tableau peint avec une ſeule couleur, ſur un fond d’une couleur différente. Il conſerve cependant le même nom, quand on y en employe que deux ; un fond doré ne lui ôte même pas cette dénomination.

On range encore dans cette claſſe les Peintures qui ſont de blanc & noir ſeulement, appellées par les Italiens chiaro ſcuro, ou clair-obſcur. Cette maniere de peindre eſt employée pour repréſenter des bas-reliefs de marbre ou de pierre blanche. Les camayeux peints en gris, font des griſailles, & ceux en jaune ſe nomment cirages.

Un camayeu eſt comme un deſſein lavé, où l’on obſerve la dégradation des objets, pour former les loingtains, & faire fuir les objets par l’affoibliſſement des teintes. Les clairs & les ombres doivent y être obſervés.

Ce mot ne devroit ſervir que pour les bas-reliefs, puiſqu’il tire ſon nom du mot Grec Kamai, qui ſignifie bas, à terre : mais la reſſemblance qu’ont les ouvrages de clair-obſcur avec les bas-reliefs peints, a rendu ce mot commun aux uns & aux autres, ſans leur ôter néanmoins leur nom particulier de clair-obſcur & de bas-relief.

Camayeu, eſt auſſi une ſorte de gravûre qui imite en eſtampes les deſſeins lavés, & l’eſpece de Peinture à une ſeule couleur, que les Italiens appellent chiaro ſcuro. Avec le ſecours de cette invention, on exprime le paſſage des ombres aux lumieres, & les différences du lavis. Celui qui fit cette découverte en Italie, ſe nommoit Hugo da Carpi ; on voit de lui de fort belles choſes en ce genre, qu’il a exécutées d’après les deſſeins de Raphaël & du Parmeſan. Voici la façon de les faire ſelon Abraham Boſſe. Ayez deux planches de pareille grandeur, exactement ajuſtées l’une ſur l’autre ; on peut ſur l’une graver entierement ce que l’on deſire, puis la faire imprimer de noir ſur du papier gris & fort, ayant enſuite verni l’autre planche, comme l’on fait pour graver à l’eau-forte, & ayant mis le côté verni ſur l’endroit de l’empreinte que la planche gravée a faite en imprimant ſur cette feuille, on la paſſe de même entre les rouleaux de la preſſe, & de cette maniere l’eſtampe fera ſur le vernis ſa contr’épreuve ; ſur cette contr’épreuve, on gravera les réhauts, qu’on fera creuſer profondement à l’eau-forte. On peut faire le même au burin. Il faut enſuite mettre de l’huile de noix très-blanche, & tirée ſans feu, dans deux vaiſſeaux de plomb, & la laiſſer au Soleil tant qu’elle ſoit épaiſſie à proportion de l’huile foible cuite au feu ; dans l’un des deux vaiſſeaux, on laiſſera l’huile au Soleil juſqu’à ce qu’elle ait acquis la conſiſtance de l’huile forte. Enfin il faut avoir du beau blanc de plomb bien net, & l’ayant lavé & broyé extrêmement fin, le faire ſécher, & en broyer avec de l’huile foible à conſiſtance de pâte, & après l’allier avec l’autre huile plus forte & plus épaiſſe, comme on fait pour le noir ; puis ayant imprimé du noir ou autre couleur, ſur du gros papier gris, la premiere planche qui eſt gravée entierement, vous en laiſſerez ſécher l’impreſſion pendant dix ou douze jours : alors ayant rendu ces eſtampes humides, il faut encrer de ce blanc la planche où ſont gravés les réhauts, de même façon qu’on imprime, & l’eſſuyer à l’ordinaire, puis la poſer ſur la feuille de papier gris déja imprimée, enſorte qu’elle ſoit juſtement placée dans le creux que la premiere planche y a faite, & prenant garde de ne point la mettre à l’envers, ou le haut en bas. Étant donc ainſi bien ajuſtée, il ne s’agit que de la faire paſſer entre les rouleaux de la preſſe. Man. de graver à l’eau-forte.