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Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure/COPIE

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COPIE, répétition d’un morceau de Peinture, de Sculpture, de Gravûre ou de deſſein. Celui qui ſert de modele pour faire cette répétition, s’appelle original, quand il a lui-même été fait d’après nature, ou de pratique : c’eſt pourquoi l’on dit travailler d’après nature, & non copier d’après nature.

Pour faire un original, on puiſe ſes idées dans la nature, que l’art ne ſçauroit égaler ; & c’eſt des ouvrages défectueux de l’art, qu’on les emprunte pour faire une copie. On a le champ libre pour la touche, le coloris, les attitudes, la diſpoſition & l’expreſſion, quand il s’agit de faire un original, & l’on eſt tellement aſtreint & borné quand il faut copier, que l’ouvrage ne ſçauroit avoir cet air libre, ni cet eſprit qui ſe fait voir dans un original : le même Peintre qui feroit l’un & l’autre, n’y mettroit même pas la même beauté. Suppoſant que le Copiſte fût plus habile que l’auteur de l’original, la copie n’égalera pas le tableau du ſecond, parce qu’il eſt preſque impoſſible que la main exécute parfaitement ce que l’imagination n’a pas conçue. D’ailleurs un habile homme ne s’amuſe guéres à faire des copies ; elles ſont communément l’ouvrage d’une main médiocre.

Mais quoiqu’on diſe avec raiſon, qu’une copie eſt ordinairement inférieure à ſon original, il peut arriver qu’elle ſoit meilleure. Un Peintre médiocre peut avoir eu une grande penſée, & n’avoir pas ſçu la rendre avec toutes les beautés dont elle étoit ſuſceptible. Qu’un très-habile homme ſaiſiſſe d’après lui cette penſée dans tout ce qu’elle a de ſublime & de beau, il en perfectionnera la touche, le coloris, l’expreſſion : la copie alors qu’il en aura faite, ſera préférable à l’original.

Certains Peintres ont copié ſi exactement des tableaux, que des grands Connoiſſeurs même ont été embarraſſés à diſtinguer la copie de l’original. Les amateurs de tableaux doivent donc être très-circonſpects, ſoit dans leurs jugemens, ſoit dans leurs achats, ſur-tout quand il s’agit des grands Maîtres de l’Ecole Italienne, parce qu’on voit encore aujourd’hui des copies de leurs tableaux, faites avec une franchiſe, une hardieſſe & une facilité ſurprenante.

Quand en copiant un tableau ou un deſſein, on ne s’aſtreint pas préciſément à la touche, à la maniere du Maître, & à tous les traits de l’original, le tableau n’en eſt pas moins une copie, comme une traduction eſt toujours une traduction, quoiqu’habillée à la Françoiſe, & qu’elle ne ſoit pas littéralement ſervile.

On peut dire de certains morceaux, qu’ils ne ſont proprement ni copies, ni originaux. Ce ſont ceux qui tiennent de l’un & de l’autre. Lorſque, par exemple, dans la compoſition d’un tableau d’hiſtoire on fait entrer une ou pluſieurs figures priſes d’un tableau d’un autre Peintre, le tableau du premier eſt copie dans cette partie, & original dans le reſte. C’eſt pourquoi on dit qu’un Peintre ſe copie quand il place dans un ſecond tableau, une figure, des airs de têtes, des attitudes préciſement les mêmes qu’il avoit employées dans un de ſes ouvrages précédens.

Une copie dans laquelle on a corrigé ou d’invention ou d’après nature, & dans laquelle le copiſte a changé quelque choſe d’aſſez eſſentiel, eſt d’une dénomination équivoque ; mais elle appartient plus à la copie qu’à l’original.

Le même Peintre pour ſa propre ſatisfaction, ou pour faire plaiſir à quelqu’ami, fait quelquefois deux tableaux ſemblables pour la compoſition, la touche ; mais en faiſant le ſecond, il lui ſurvient des idées plus vives ſur le ſujet, qui pouvoient lui être échappées dans le premier ; il rendra l’expreſſion plus forte & plus énergique, le coloris plus brillant, & plus vrai dans le ſecond, celui-ci doit-il paſſer pour copie ?

Il eſt encore des tableaux d’une autre eſpéce qu’on pourroit regarder comme de ſeconds originaux. Ce ſont ceux que d’excellens Peintres ſe font donné la peine de faire d’après certains fameux morceaux peints à freſque ou autrement ſur les murs des Egliſes. Voy. Original, Connoissance.