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Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure/COSTUMÉ

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COSTUMÉ (Peinture) terme adopté de l’Italien : c’eſt la conformité de la repréſentation d’un ſujet de Peinture avec l’action même hiſtorique, ſuivant les mœurs, les caracteres, les modes, les uſages, les habits, les armes, les bâtimens, les plantes, les animaux, les loix, le goût, les richeſſes du pays & du tems où s’eſt paſſée l’action que le Peintre ſe propoſe de repréſenter.

Pour l’exactitude entiere du coſtumé, il faut qu’il y ait quelques ſignes particuliers, qui déſignent le lieu où la ſcene s’eſt paſſée, & les perſonnages du tableau ; repréſenter le lieu tel qu’il étoit, quand il eſt connu, & prendre garde à n’y rien mettre de contraire aux notions qu’on peut en avoir.

Le coſtumé demande auſſi que l’on donne aux perſonnages la couleur des carnations, & l’habitude de corps que l’Hiſtoire dit leur être propres : on comprend encore dans le coſtumé, tout ce qui concerne les bienſéances, le caractere & les convenances propres à chaque condition, &c. Voyez Convenance.

Quand on dit qu’il faut toujours obſerver le coſtumé, cette loi ſouffre quelque exception. Les habillemens du tems ont à la vérité l’avantage de devenir hiſtoriques pour la poſtérité ; mais ils entraînent ſouvent un très-grand déſavantage pour le bel effet. Cet inconvénient eſt très-ſenſible dans la Sculpture, encore plus que dans la Peinture. Un Guerrier moderne, dont les cheveux ſeroient arrangés à la mode du jour, la chemiſe qui paſſeroit le haut de la cuiraſſe & les braſſarts, formeroient un ouvrage de petite maniere & de mauvais goût. Que l’on ſoit, ſi l’on veut, fidele à l’etiquette de la mode dans le ſimulacre de ces hommes vulgaires, qui n’ont de mérite que de s’en occuper, afin d’exiſter ; mais que nos Artiſtes ne travaillent pas ainſi pour des hommes, dont la mémoire ne doit pas s’évanouir avec les modes ; & qu’ils ne donnent pas dans le ridicule de ces chevelure bourſouflées, tant artificielles que naturelles, qui avoient malheureuſement commencé à s’introduire : les cheveux naiſſans, tels que les Grecs & les Romains les portoient, ſont la ſeule coëffure qui réuſſiſſe dans la ronde-boſſe.

On peut bien, & même on le doit, employer dans un portrait les ajuſtemens du tems, quoiqu’ils ſoient ſi ingrats à traiter, & qu’ils n’ayent pas ces graces naturelles de vêtements antiques.

Par la maniere dont ceux-ci étoient coupés, ſe rapprochant plus des membres, il ſe répandoit à chaque mouvement du corps, une variété dans les plis, qui ſe groupoient d’eux-mêmes ; ce que n’ont point les ajuſtemens modernes : tout y eſt froidement ſymmétriſé ; ſymmétrie que les Peintres ne peuvent rompre que par des plis forcés, ou des lambeaux d’étoffes étrangers au ſujet, dont ils ſe ſervent pour contraſter.

Malgré cependant tout l’avantage que les Anciens trouvoient dans l’uſage de leurs draperies, ils ſentirent que le creux de leurs plis preſque adhérens au corps, ne deſſinant pas encore aſſez le nud, elles devenoient lourdes dans l’imitation ; ce qui les engagea pour draper, à ſe ſervir de linge mouillé : ſouvent même jaloux de conſerver à la nature toutes les graces de ſes contours, ils banniſſoient les vêtemens de leurs figures. On en a abandonné l’uſage, ainſi que celui du linge mouillé, & il eſt fort douteux qu’on y ait gagné.

C’eſt à quoi les Sculpteurs de nos jours devroient bien faire attention : la France ne fut jamais ſi riche en habiles Artiſtes en ce genre ; ils rendront un jour célebre le ſiecle où ils vivent, par les beaux morceaux qui ſortent de leurs mains.