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Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure/COULEUR

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COULEUR : la Peinture en reconnoît de deux ſortes en général ; la couleur naturelle des objets que le Peintre ſe propoſe d’imiter, ſur ſa toile, & la couleur artificielle, ou celle qui réſulte du mêlange des couleurs de ſa palette. Ce mêlange appliqué ſuivant les régles de la Peinture, s’appelle couleur locale, couleurs rompues, demi-teinte, &c. on les trouvera expliquées à la fin de cet article.

Avant d’entrer dans le détail des couleurs à l’égard de la Peinture, j’ai cru devoir dire quelque choſe de la couleur des objets naturels, & des organes qui la font appercevoir, afin de mettre devant les yeux du Lecteur la raiſon phyſique qui s’oppoſe ſouvent à ce qu’un Peintre devienne bon coloriſte.

Que les objets ſoient en effet colorés, ou qu’ils nous paroiſſent ſeulement tels, je laiſſe ce problême à diſcuter aux Phyſiciens. L’uſage a prévalu de dire qu’on objet eſt de la couleur, dont l’idée eſt excitée en nous par les rayons de lumiere réfléchis par l’objet. Ces rayons agitent les fibres de l’œil, ſuivant leur diſpoſition ; cette agitation modifiée de telle ou telle façon, l’idée de telle ou telle couleur ſe préſente à l’eſprit : ainſi tous ceux qui ſont ſuſceptibles de cette impreſſion des rayons de lumiere, voyent le même objet, quand il eſt préſent à leurs yeux ; mais tous ne recevant pas également la même impreſſion, tous ne doivent pas voir l’objet teint de la même couleur. Ceux qui ont la jauniſſe voyent en tout des nuances de jaune. Ne peut-il pas arriver que la nature ou quelque diſpoſition du tempérarement, ayent diſpoſé les organes de quelques-uns, comme le ſont ceux des perſonnes affectés de quelque maladie ? Si le même objet faiſoit, quant aux couleurs, la même impreſſion ſur tous les hommes, la même couleur plairoit ſans doute également à tous : mais l’un aime le rouge, l’autre le bleu, celui-ci le vert, celui-là le jaune ; ce qui prouve la force ou la foibleſſe des fibres des uns & des autres, puiſque l’éclat & la vivacité flattent la vûe de celui-là, pendant que celui-ci ne ſe plaît qu’à voir des couleurs douces.

Cette différence de force dans les fibres, donne encore lieu à une obſervation qui n’eſt pas moins eſſentielle. Un homme dont les fibres ſont délicats, recevra l’impreſſion d’un fort beau rouge, d’un rouge éclatant, pendant que celui dont les organes ſeront moins ſuſceptibles d’une impreſſion auſſi vive, ne verra peut-être l’objet que teint de couleur de roſe, ou d’un rouge moins vif que le premier. Ne pourroit-on pas pouſſer les choſes encore au-delà ? Qui ſçait ſi les organes d’un homme ne recevront pas les impreſſions du verd, par la réflexion des mêmes rayons qui font ſur les organes d’un autre l’impreſſion du bleu, parce qu’il les a conſtituées de maniere à en recevoir une ſenſation plus ou moins vive ? Les préjugés de l’éducation influent beaucoup ſur les jugemens que nous portons à l’occaſion des ſens.

Quoiqu’il en ſoit, il y a des couleurs & des corps colorés. Les corps réfléchiſſent plus de rayons, & leur couleur eſt plus vive à proportion qu’ils participent du blanc. Le noir les abſorbe tous ; & moins une couleur réfléchit de rayons, plus elle approche du noir.

C’eſt ſur ces principes, qu’on doit juger un Peintre ſur ſon coloris, quand il eſt d’ailleurs très-habile dans toutes les autres parties de la Peinture. Si le Pouſſin avoit vû la nature par les yeux du Titien ou de Rubens, ſon coloris n’auroit pas été ſi foible ; c’eſt la ſeule bonne raiſon qui puiſſe excuſer le Pouſſin, & tous ceux qui, comme lui, donnent leurs ſoins & leur attention, pour ſe rendre parfaits dans cet art ſi difficile.

Le terme couleur ſe prend en différens ſens dans la Peinture, ſoit relativement aux couleurs que le Peintre employe, ſoit quant à la couleur générale du tableau, ou à celle qui eſt particuliere à chaque objet naturel, ou imité d’après la nature.

Comme le Peintre eſt obligé de conſidérer deux ſortes d’objets, le naturel ou celui qui eſt véritable, & l’artificiel ou celui qu’il veut peindre, il doit auſſi conſidérer deux ſortes de couleurs ; la naturelle & l’artificielle, qui prend ſon nom de ce que c’eſt par le ſeul artifice du mêlange des couleurs de la palette, qu’on peut parvenir à imiter la couleur des objets naturels.

Pour cet effet, il faut avoir une parfaite connoiſſance de ces deux ſortes de couleurs ; obſerver de plus que dans la couleur naturelle, il y a la couleur réfléchie, & la couleur de la lumiere ; & parmi les couleurs dont il fera uſage, il doit connoître celles qui ont amitié enſemble, pour ainſi dire, & celles qui ont antipathie ; ſçavoir, leurs valeurs priſes ſéparément & par comparaiſon des unes aux autres. Il faut encore que le Peintre ſe forme le goût, pour être en état de choiſir dans la nature ce qu’elle a de beau & de bon à imiter, ſelon les régles de ſon art ; car toutes les couleurs qui ſe préſentent indifférement, ne ſont pas propres à produire un effet avantageux. Il doit donc choiſir celles qui conviennent à la beauté de l’ouvrage qu’il ſe propoſe. Il ſongera non ſeulement à rendre ſes objets en particulier beaux, naturels & ſéduiſans ; mais il aura de plus une attention ſcrupuleuſe pour l’union de tout enſemble, tantôt en diminuant de la vivacité du naturel, & tantôt en enchériſſant ſur l’éclat, en exagerant même la force des couleurs qu’il y trouve. Un habile Peintre n’eſt pas l’eſclave de la nature, mais le judicieux imitateur, & pourvû qu’un tableau faſſe l’effet qu’il doit faire, en en impoſant agréablement aux yeux, c’eſt tout ce qu’on peut en attendre. De Piles.

Plus un Peintre réuſſit dans cet objet, plus il mérite des éloges : c’eſt ſur cela qu’on juge de ce qu’on appelle ſa couleur, c’eſt-à-dire celle des objets particuliers, & celle du tableau en général. On dit alors, ce Peintre a un bon ton de couleur ou une bonne couleur, ſa couleur eſt fiere, &c. Voyez Coloris, Ton, Ensemble, Clair-obscur.

La couleur artificielle étant proprement la couleur de la peinture, elle demande un détail plus circonſtancié. Elle ſe fait par le mêlange & la rupture de différentes couleurs qu’on peut encore partager un naturelles & artificielles. Les naturelles ſont celles que la nature nous fournit telles qu’on les employe, ſimples ou rompues ; les artificielles ſont celles que l’art forme au moyen du feu ou de quelqu’autre agent, par l’aſſemblage de pluſieurs ingrediens, ou par le changement que ces agens produiſent ſur une ſeule & même matiere. Les unes & les autres de ces couleurs conſidérées en elles-mêmes, ſe nomment couleurs capitales, parce qu’elles entrent dans la compoſition de toutes les autres, dont le nombre eſt infini.

Voici, ſelon M. de Piles, les noms & les qualités des couleurs capitales, quant à la Peinture.

L’ochre de rut eſt une couleur des plus peſantes & des plus terreſtres.

L’ochre jaune ne l’eſt pas tant, parce qu’elle eſt plus claire.

Le maſſicot eſt fort léger, étant un jaune clair qui approche du blanc.

L’outremer & l’azur ſont des couleurs très-légeres & très-douces.

Le vermillon eſt entierement oppoſé à l’outremer & à l’azur.

Les laques tiennent le milieu entre l’outremer & le le vermillon : elles ſont plus douces que rudes.

Le brun-rouge eſt des plus terreſtres.

Le ſtil de grain eſt une couleur indifférente, & qui par le mêlange eſt fort ſuſceptible des qualités des autres couleurs : mêlé avec le brun-rouge, il en réſulte une couleur des plus terreſtres ; rompu avec le bleu ou le blanc, il devient une couleur des plus fuyantes.

La terre verte eſt légere, & tient le milieu entre l’ochre jaune & le bleu.

La terre d’ombre eſt extrêmement terreſtre & peſante ; il n’y a que le noir qui puiſſe le lui diſputer.

De tous les noirs, le plus terreſtre eſt celui qui s’éloigne le plus du bleu. De Pilles.

Les terres d’Italies ſont plus ou moins légeres, ſuivant qu’elles participent plus ou moins du jaune-clair.

La terre de Cologne eſt très-peſante, parce qu’elle approche du noir.

Le carmin tient de la laque rompue avec le vermillon.

La gomme gutte eſt légere.

L’orpin jaune eſt un peu plus peſant.

Le rouge participe du vermillon.

Les autres couleurs ſont le jaune de Naples, la terre de Veronne, la terre noire d’Allemagne, le minium, la cendre bleue, le verd de montagne, le blanc de céruſe, le blanc de plomb, l’inde, le verd de gris, le noir d’os, le noir d’yvoire, le noir de pêches, le noir de fumée, le noir de lie de vin brûlée, le noir de liege brûlé, le biſtre, le brun-rouge d’Angleterre, l’ochre rouge, le blanc de craye, le verd d’iris, la pierre de fiel & le verd de veſſie.

On rend toutes ces couleurs plus ou moins terreſtres, ſelon qu’on y mêle plus ou moins de noir ou de brun, & d’autant plus légeres qu’on y mêlera plus de blanc. C’eſt de ce mêlange qu’on doit juger des qualités des couleurs rompues. Voyez Rompue.

Certaines couleurs ont de l’amitié enſemble, d’autres ont de l’antipathie. Celles qui ont de la ſympathie, font une couleur douce, quand elles ſont mêlées ; les autres font une couleur dure & déſagréable. Le bleu & le vermillon ne s’accordent point ; le jaune & le bleu font le vert, dont la couleur plaît & réjouit la vûe. Voy. Amitié, Union, Sympathie, Antipathie, Rupture.

Les couleurs ennemies peuvent cependant s’allier, quand on y mêle une couleur qui a de la ſympathie avec les deux, ou même avec une ſeulement, pourvû que celle qui ſert de médiateur, ſoit la couleur dominante.

Toutes les couleurs naturelles ou factices ſe trouvent chez les Epiciers, Marchands de couleurs. Ils les vendent en gros ou en détail, ſoit en pierre, en pains ou en poudre, ſoit broyées à l’huile. Elles ſont expliquées dans leurs articles, où l’on entre dans un aſſez grand détail de la maniere de faire celles qui ſont factices, des lieux d’où l’on tire celles qui ſont naturelles, & du choix que l’on en doit faire.

De ces couleurs, les unes s’employent à l’huile, d’autres ſeulement à freſque, d’autres en détrempe, d’autres à la mignature, d’autres enfin dans la peinture à la cire. Voyez la Préface & chacun de ces articles.

Les couleurs que la terre fournit en pierres ou en maſſe, ſe réduiſent en poudre dans un mortier de marbre avec le pilon, & puis ſe broyent ſur l’écaille de mer ou le porphyre, ou autre pierre à broyer avec la molette, en y mêlant de l’huile ou ſeulement de l’eau.

Celles que les Epiciers vendent préparées, & prêtes à mettre en œuvre pour la Peinture à l’huile, ſont renfermées dans des veſſies de différens poids. Les couleurs pour la détrempe, ſe vendent ordinairement ſans préparation, en pierre ou en poudre ; les Peintres les préparent eux-mêmes.

Pour celles qui ſervent à la mignature, qui ſont toujours les plus belles & les plus fines, elles ſe débitent au gros ou à l’once, ſuivant qu’elles ſont précieuſes. Les unes, comme les blancs, les noirs, l’inde, les maſſicots, le biſtre, la terre d’ombre, le cinnabre, &c. broyées avec un peu d’eau gommée, & réduites en petits pains de la groſſeur d’un pois ou d’une lentille, ou dans des petits godets d’yvoire, ou enfin dans des coquilles ; les autres, comme le carmin & l’outremer, en poudre impalpable : d’autres encore ſe vendent en maſſe, comme le verd de veſſie, le verd d’iris, la gomme gutte, la pierre de fiel, & la gomme arabique, qui ſert à préparer l’eau gommée.

Les Marchands qui font ce négoce, qu’on appelle communément Marchands de couleurs, débitent auſſi les huiles de noix, de lin, d’oliette, qui ſont les plus en uſage pour la Peinture à l’huile ; l’eſſence de thérébentine, les vernis, les toiles imprimées, & tout l’aſſortiment des Peintres, tels que les palettes, les broſſes, les pinceaux, les hantes pour mettre au bout, le coûteau, l’huile graſſe, &c. Voyez toutes ces choſes dans leurs articles.

On appelle couleurs ſimples celles qui ſervent aux Enlumineurs, & qui n’étant pour la plûpart que des extraits de fleurs des plantes, ne peuvent ſouffrir le feu, & perdent même ſouvent à l’air beaucoup de leur beauté, comme le jaune tiré du ſaffran, de la graine d’Avignon, &c. Ces couleurs ſont en quelque ſorte tranſparentes. V. Enluminure.

COULEUR MINÉRALE, eſt celle qui ſe tire des métaux ou des mineraux ; telles ſont celles qu’employent les Peintres en émail & en apprêt. Voyez ces deux articles.

COULEUR LOCALE, celle qui relativement au lieu qu’elle occupe, ſuivant les loix de la dégradation, & par le ſecours de quelque autre couleur, repréſente un objet particulier, tel qu’un linge, une étoffe, ou tel autre objet diſtingué des autres. Elle eſt ainſi appellée, parce que la place qu’occupe l’objet dans le tableau, l’exige telle, pour avoir un caractere de vérité par elle-même, qu’elle puiſſe communiquer aux couleurs des objets voiſins, pour rendre l’illuſion plus parfaite. Voy. Degradation, Perspective.

COULEUR ROMPUE eſt un mêlange de deux ou pluſieurs couleurs, duquel réſulte une troiſieme, qui participe toujours, & conſerve le caractere de celle qui domine pour le clair ou le brun. Cette rupture adoucit la crudité des unes, affoiblit le brillant des autres, & marie aſſez agréablement les couleurs même ennemies, c’eſt-à-dire, dont la proximité ou le mêlange fait un mauvais effet à la vûe.

L’Auteur qui a donné cet article dans l’Encyclopédie, s’eſt trompé, quand il a dit que couleurs rompues eſt ſinonyme avec demi-teintes : celles-ci ſe font à la vérité avec des couleurs rompues, quelquefois avec un glacis léger d’une couleur ſimple & capitale ; mais couleur rompue ne peut être ſinonyme qu’avec teinte, parce que faire des teintes ſur ſa palette, c’eſt rompre ou mêler pluſieurs couleurs enſemble ; au lieu que le terme demi-teinte a plus de rapport au clair-obscur qu’à la couleur, puiſque demi-teinte & ton moyen entre la lumiere & l’ombre, ſont une & même choſe. Voyez Demi-teinte, Teinte.

On dit de toutes les couleurs mêlangées, qu’elles ſont rompues, c’eſt-à-dire corrompues, & toutes les couleurs corrompent, excepté le blanc, qui peut être corrompu, mais qui ne peut corrompre. On dira, par exemple, tel outremer eſt rompu de laque & d’ochre jaune, quand il y entre un peu de ces deux dernieres couleurs ; mais on ne doit pas dire, tel outremer eſt rompu de blanc. Les couleurs rompues ſont d’un grand ſecours pour l’union & l’accord des couleurs, ſoit dans les ombres, ſoit dans toute leur maſſe. De Piles.

Sans cette rupture des couleurs, il ne ſeroit pas poſſible de mettre en pratique le précepte de la Peinture, qui veut que les couleurs ſous la même lumiere d’un tableau, participent les unes des autres, ce qui ſe fait au moyen des réflets. On trouvera dans l’article Rupture une méthode de rompre les couleurs, fondée ſur des principes phyſiques. Un Peintre qui l’auroit gravée profondement dans ſa mémoire, ne feroit pas ſes teintes au hazard & en tâtonnant, & ne pourroit preſque jamais manquer de réuſſir à faire au premier coup toutes les teintes dont il auroit beſoin.

Couleur (bonne). Lorſqu’on dit qu’un tableau eſt de bonne couleur, on n’entend pas par cette expreſſion, que les couleurs employées pour faire le tableau, ſont d’une matiere plus rare, plus recherchée, plus choiſie, plus belle & plus chere que celles d’un autre, mais qu’une draperie, une carnation, ſont d’une bonne teinte, qui imite bien la couleur naturelle de l’objet que le Peintre s’eſt propoſé de repréſenter. On l’entend auſſi plus ordinairement du choix dans la diſtribution, qui fait que la rencontre des unes & des autres produit un bon effet, parce qu’elle eſt ménagée & bien entendue.

Couleur (belle). On ſe ſert de cette expreſſion plus particulierement quand il s’agit d’objets conſidérés ſéparément : on dit, par exemple, cette draperie, ce ciel, cet arbre ſont d’une belle couleur ; mais quand on parle des carnations, on dit qu’elles ſont bien coloriées.

COULEURS FRAICHES, COULEURS FLEURIES, COULEURS VIVES, COULEURS BRILLANTES, ſont des expreſſions qui ſignifient à peu près la même choſe ; c’eſt-à-dire, qu’elles ont tout le frais, le vif & l’éclat des couleurs des objets naturels repréſentés ſur la toile. Pour conſerver aux couleurs rompues ce frais & cet éclat ſéduiſant, il ne faut les tourmenter ni ſur la palette avec le coûteau, ni ſur la toile avec la broſſe. On doit coucher les teintes largement les unes auprès des autres, en empâtant beaucoup, & ſe contenter de les réunir & de les fondre en adouciſſant légerement.

COULEUR TENDRE eſt preſque ſinonyme avec couleur légere, que nous avons expliquée ci-devant.

COULEUR FIERE eſt celle qui dans un clair-obſcur bien entendu, imite la couleur naturelle des objets les plus colorés dans leur eſpece, & qui par cette raiſon, rend les objets peints plus frappans.

COULEUR FONDUE. On dit que les couleurs d’un tableau ſont fondues, pour ſignifier que la touche eſt moëlleuſe, ſoignée, & que les teintes ſont tellement d’accord, qu’elles paroiſſent n’en faire qu’une.

COULEURS TRANSPARENTES ſont celles qui par leur légereté, ſont propres à faire les glacis, au travers deſquels les couleurs de deſſous ſemblent percer.

COULEURS AMIES. Voyez Amitié.

COULEURS ENNEMIES. Voy. Inimitié.

COULEUR, en termes de Deſſein, ſe dit de la maniere de les frapper. On dit qu’un deſſein a de la couleur, & qu’il eſt chaud, quand il eſt touché avec feu & fermeté ; que les caracteres y ſont bien exprimés & les contours bien prononcés : tels ſont ceux du Baroche, de Guillaume Baur, du Benedette, du Guerchin, de Rubens, de Rembran, de la Foſſe, &c.

Je finirai cet article par une obſervation eſſentielle pour le gracieux de la Peinture. D’où vient ne voyons-nous pas aujourd’hui dans les tableaux de nos Peintres des couleurs bien fondues, une touche ſoignée, les ſoins, les attentions & la propreté, dont nous admirons le ſuccès & le fruit dans les ouvrages des plus anciens Peintres modernes, c’eſt-à-dire de ceux qui ont travaillé dans le commencement de la découverte de la Peinture à l’huile ? Seroit-ce que ceux d’aujourd’hui travaillent trop à la hâte, & ne donnent pas à leurs tableaux tout le tems qu’une telle peinture exigeroit ? Il eſt vrai que demandant plus de tems, les amateurs devroient y avoir égard, & les payer proportionnellement. Feu M. Cazes me diſoit un jour à cet égard : Si ceux qui font faire des tableaux, nous donnoient le tems de les perfectionner, & les payoient ce qu’ils vaudroient, nous ferions ſortir de la toile les nez de nos figures ; mais ils veulent jouir, avoir du beau, & à bon marché : comment faire ?

Je ne penſe pas cependant que ce ſoit l’unique raiſon. Il ſe trouve encore aujourd’hui des Peintres qui travaillent autant pour la gloire, que pour l’intérêt. Mais les Albert Durer, les Lucas de Leiden, les Holbein, les Porbus & les autres du même tems, faiſoient préparer leurs couleurs ſous leurs yeux, & dans leurs atteliers, ainſi que les Médecins des premiers ſiecles compoſoient eux-mêmes leurs remedes. Depuis long-tems on ſe confie entierement à des ames mercenaires, les Médecins aux Pharmaciens, les Peintres aux Marchands de couleurs, qui font paſſer de mauvaiſes marchandiſes, les ſophiſtiquent & les apprêtent mal : la Peinture en ſouffre conſidérablement. On trouve dans la Préface beaucoup de choſes ſur les couleurs, leur nature & leurs qualités.