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Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure/COULEUR ROMPUE

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COULEUR ROMPUE eſt un mêlange de deux ou pluſieurs couleurs, duquel réſulte une troiſieme, qui participe toujours, & conſerve le caractere de celle qui domine pour le clair ou le brun. Cette rupture adoucit la crudité des unes, affoiblit le brillant des autres, & marie aſſez agréablement les couleurs même ennemies, c’eſt-à-dire, dont la proximité ou le mêlange fait un mauvais effet à la vûe.

L’Auteur qui a donné cet article dans l’Encyclopédie, s’eſt trompé, quand il a dit que couleurs rompues eſt ſinonyme avec demi-teintes : celles-ci ſe font à la vérité avec des couleurs rompues, quelquefois avec un glacis léger d’une couleur ſimple & capitale ; mais couleur rompue ne peut être ſinonyme qu’avec teinte, parce que faire des teintes ſur ſa palette, c’eſt rompre ou mêler pluſieurs couleurs enſemble ; au lieu que le terme demi-teinte a plus de rapport au clair-obscur qu’à la couleur, puiſque demi-teinte & ton moyen entre la lumiere & l’ombre, ſont une & même choſe. Voyez Demi-teinte, Teinte.

On dit de toutes les couleurs mêlangées, qu’elles ſont rompues, c’eſt-à-dire corrompues, & toutes les couleurs corrompent, excepté le blanc, qui peut être corrompu, mais qui ne peut corrompre. On dira, par exemple, tel outremer eſt rompu de laque & d’ochre jaune, quand il y entre un peu de ces deux dernieres couleurs ; mais on ne doit pas dire, tel outremer eſt rompu de blanc. Les couleurs rompues ſont d’un grand ſecours pour l’union & l’accord des couleurs, ſoit dans les ombres, ſoit dans toute leur maſſe. De Piles.

Sans cette rupture des couleurs, il ne ſeroit pas poſſible de mettre en pratique le précepte de la Peinture, qui veut que les couleurs ſous la même lumiere d’un tableau, participent les unes des autres, ce qui ſe fait au moyen des réflets. On trouvera dans l’article Rupture une méthode de rompre les couleurs, fondée ſur des principes phyſiques. Un Peintre qui l’auroit gravée profondement dans ſa mémoire, ne feroit pas ſes teintes au hazard & en tâtonnant, & ne pourroit preſque jamais manquer de réuſſir à faire au premier coup toutes les teintes dont il auroit beſoin.

Couleur (bonne). Lorſqu’on dit qu’un tableau eſt de bonne couleur, on n’entend pas par cette expreſſion, que les couleurs employées pour faire le tableau, ſont d’une matiere plus rare, plus recherchée, plus choiſie, plus belle & plus chere que celles d’un autre, mais qu’une draperie, une carnation, ſont d’une bonne teinte, qui imite bien la couleur naturelle de l’objet que le Peintre s’eſt propoſé de repréſenter. On l’entend auſſi plus ordinairement du choix dans la diſtribution, qui fait que la rencontre des unes & des autres produit un bon effet, parce qu’elle eſt ménagée & bien entendue.

Couleur (belle). On ſe ſert de cette expreſſion plus particulierement quand il s’agit d’objets conſidérés ſéparément : on dit, par exemple, cette draperie, ce ciel, cet arbre ſont d’une belle couleur ; mais quand on parle des carnations, on dit qu’elles ſont bien coloriées.