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Dictionnaire pratique et historique de la musique/Étude

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Étude, n. f. Pièce de musique vocale ou instrumentale composée en vue de l’enseignement et dans laquelle un exercice d’exécution se trouve présenté sous un aspect artistique. Les É. destinées au chant sont le plus souvent intitulées Solfèges ou Vocalises (voy. ces mots). Hormis quelques morceaux isolés qui sont intitulés Studio dans les œuvres de Durante († 1755) ou de D. Scarlatti (1685-1757), pour le clavecin, le nom d’É. est rarement donné par les maîtres anciens aux pièces mêmes qu’ils écrivaient dans une intention pédagogique. C’est par le mot « Exercices » que Clementi a modestement désigné les cent grandes É. qui forment son recueil célèbre, le Gradus ad Parnassum (1817). Rode appelle Caprices ses jolies É. pour violon, et Boëly, celles qu’il compose, vers 1810, pour le piano. À cette époque, cependant, le genre É. commençait à prendre une place considérable dans la production instrumentale. Bien qu’aucune forme particulière ne répondît à ce nom, le plan généralement suivi était celui de l’aria avec da capo, ou du premier mouvement de sonate, avec partie centrale peu développée. On s’attachait à traiter dans chaque morceau une formule technique spéciale, et l’on disposait un recueil de manière à passer en revue les éléments essentiels de la virtuosité. Ce dessein, inhérent au but de l’É., y est resté traditionnel. Depuis le commencement du xixe s., il n’est guère de virtuose ou de professeur qui n’ait publié des É. pour son instrument. Plusieurs maîtres de piano renommés, comme le trop abondant Czerny († 1857) ou Henri Bertini (1798-1876), en ont fait paraître des séries nombreuses, formant un cours progressif. Les É. de Cramer (1771-1858), qui comptent parmi les plus anciennes, sont restées classiques. Celles de Steibelt, Kalkbrenner, Hummel, Moschelès, Thalberg, Alkan, Stamaty, Henselt, Stephen Heller, Le Couppey, Marmontel ont été jouées par deux ou trois générations de pianistes et font encore partie du programme d’enseignement de certains professeurs. Du milieu de ce répertoire trop souvent dénué de valeur proprement musicale se détachent les étincelantes É. de Chopin, op. 10 et 25 (1833 et 1837), véritables poèmes sonores, en même temps que précieux « exercices » techniques. Les É de Schumann, d’après les Caprices de Paganini, s’élèvent également au-dessus du niveau habituel. Les É. d’exécution transcendante, de Liszt, sont, comme leur titre le laisse deviner, de grands morceaux de concert où la virtuosité pianistique poussée à son paroxysme n’annule pas l’intérêt d’un style musical plein de fougue romantique. Les É. purement pédagogiques sont tombées de nos jours dans un discrédit relatif. D’éminents musiciens désavouent la méthode des longs exercices vides de sens musical, et mettent l’élève pianiste, presque dès ses débuts, au régime de Bach. Les œuvres qui paraissent de nos jours sous le titre d’É. pour le piano sont souvent isolées. Si vieux que vive un pianiste, il n’atteint plus, comme Czerny, son op. 798, et la qualité de ses ouvrages lui tient plus à cœur que leur nombre. Pour mesurer l’espace parcouru en un siècle par l’habileté technique dans le jeu du piano, et la transformation du style de l’É. instrumentale, accomplie dans le même temps, il suffit de comparer les 50 É. spéciales du professeur viennois aux 12 É. de Debussy (1916), qui ont également chacune pour programme un genre ou une formule de difficulté. Dans le répertoire du violon, les É. de Kreutzer, Fiorillo, Rode, Gaviniès sont pour ainsi dire l’équivalent des É. de piano de l’époque Cramer et Clementi ; les 24 Caprices de Paganini se dressent en face des É. de Liszt ; les méthodes de violon de Mazas (1862), de Bériot (1858), Baillot (1834), supplantées parfois par celles d’Alard (1840 et suiv.), Dancla (c. 1840), sont dépassées et de beaucoup par L’Art du Violon, de L. Capet, récemment publié, mais ayant pour but de former des artistes virtuoses. Les méthodes consacrées à l’enseignement de chaque instrument contiennent habituellement un choix d’É. composées ou recueillies par l’auteur.