Dictionnaire pratique et historique de la musique/Choral

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Choral. 1. Adj. 2 g. Qui appartient au chœur : chant choral, composition, société chorale, signifient chant en chœur, composition pour le chœur, société établie pour exécuter des chœurs. On dit abusivement le Ch. ou la Ch. de telle ville ou de telle usine ou centre ouvrier, pour la société Ch. de, etc. || 2. N. m. La langue allemande désigne sous ce nom le chant liturgique à l’unisson, Choralgesang ou Gregorianischer Choral. La langue française réserve le même vocable au chant protestant allemand tel que l’ont créé Luther et ses contemporains et qu’il a été harmonisé et porté par J.-S. Bach à sa plus haute expression. L’idée de Luther était de donner au peuple des chants allemands faciles à retenir, par lesquels il pût intervenir dans la célébration du culte. Aidé de son ami Johann Walther et de quelques poètes et musiciens, Luther en proposa les premiers modèles, qui se chantaient en chœur à l’unisson. Les textes, inspirés des livres saints, étaient divisés en 4 ou 8 strophes ou couplets semblables, portant la même mélodie. Les thèmes étaient imités du chant romain ou du chant populaire profane. Le plus célèbre et l’un des plus beaux de tous, surnommé le Choral de Luther, sur les paroles Ein feste Burg, fut ainsi composé en 1530 par Walther d’après le Gloria de la messe De Angelis et dédié par lui à Luther, comme en fait foi le ms. La forme première de ce chant différait quelque peu de celle sous laquelle il est devenu traditionnel :


\language "italiano"
melody = \relative do'' {
  \override Staff.TimeSignature.color = #white
  \override Staff.TimeSignature.layer = #-1
  \time 98/2 % approximatif
  \key fa \major
  fa2 fa1 fa do re2_\markup { \lower #3 \italic "etc." } fa1 mi2 re1 do r2 \bar "" \break
  \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
  \override Score.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
  fa2 mi1 re do re2 sib1 la2 sol1 fa mi2\rest \bar "||" \break
  fa2 la2. sib4 do2 re2. do4 do1 sib2 do1 fa, do' re \bar "" \break
  mi1 \once \override NoteHead.style = #'petrucci fa\breve mi1 fa mi re do re re do2 re1 do2 \bar "" \break
  la1 sol2\rest fa'2 mi1 re do re2 sib1 la2 sol1 
  \once \override NoteHead.style = #'petrucci fa\longa^\fermata \bar "|."
}
text = \lyricmode {
  Ein fes -- te Burg,
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \autoBeamOff \melody }
    \new Lyrics \lyricsto mel \text
  >>
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
             }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}

Bientôt Walther, Senfl et quelques autres maîtres donnèrent au genre du Ch. une acception nouvelle en l’harmonisant à 4 voix. La mélodie, placée à la partie supérieure, ressortait clairement au-dessus d’une succession d’accords très simples ; sa division en segments séparés par des repos suspensifs correspondait vers pour vers au texte poétique. L’impulsion donnée à cette forme porta bientôt des fruits abondants. À la fin du xvie s., les communautés protestantes de langue allemande étaient déjà dotées par Osiander, Calvisius, Hassler, Eccard, de nombreux recueils de Ch. Mais c’est avec J.-S. Bach (1685-1750) que le Ch. atteignit sa dernière perfection. À la fin de chacune de ses Cantates d’église et dans ses Passions, Bach a placé des Ch. à 4 voix et orchestre, où la plénitude et la magnificence de l’harmonie s’allient à la simplicité des formes. Non moins admirables sont les Ch. pour orgue qu’il écrivit pour servir de préludes aux réunions cultuelles. Enfin, le Ch. varié, tel qu’il l’a traité, soit pour l’orgue, soit pour l’orchestre et les voix, constitue « l’une des plus belles formes de l’art religieux au xviiie s. ». Les générations suivantes, en cultivant honorablement les mêmes genres, n’y ont rien ajouté. Plus de soixante harmonisations du seul Ch. Ein feste Burg ont été publiées avant et après Bach. Les premières mesures de la version qu’en a donnée ce maître à la fin de sa cantate de ce nom, (1730 ou 1739), suffisent à en indiquer le style :


\language "italiano"
porteeA = \relative do'' {
  \partial 4 re4 | re re la8 si dod4_\markup { \lower #2.5 \italic "        etc." } | re8 dod si4 la\fermata re | \break
  \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
  \override Score.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
  dod4 si la si8 la | sol fad mi4 re\fermata re'_\markup { \hspace #4 \italic "etc." } |
}

text = \lyricmode {
  Ein fes -- te Burg,
}
porteeB = \relative do'' {
  \partial 4 la | la8[ sol] fad mi re4 mi | la,8 la'4 sold8 mi4\fermata si' | \break
  \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
  \override Score.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
  mi,8 fad sol!4 fad8 mi re[ dod] | si4 dod la\fermata la' |
}
porteeC = \relative do' {
  \partial 4 fad8 mi | re[ mi] fad sol la4 sol | fad re8 mi dod4\fermata fad,8 sold | \break
  \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
  \override Score.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
  la4 mi'8 re dod4 si8 dod | re4 la8 sol fad4\fermata fad'8 mi |
}
porteeD = \relative do' {
  \partial 4 re8 dod | si4 la8 sol fad[ sol] fad[ mi] | re4 mi la,\fermata si | \break 
  \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
  \override Score.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
  dod8 re mi4 fad sol8 la | si sol la[ la,] re4\fermata re'8 dod |
}
\score {
  \new ChoirStaff <<
    \new Staff = "mel" <<
      \clef "treble" \key re \major 
      \new Voice = "mel"  { \porteeA }
      \new Lyrics  { \lyricsto "mel" \text }
    >>
    \new Staff = "mel" <<
      \clef "treble" \key re \major 
      \new Voice = "mel"  { \porteeB }
    >>
    \new Staff = "mel" <<
      \clef "treble" \key re \major 
      \new Voice = "mel"  { \porteeC }
    >>
    \new Staff <<
      \clef "bass" \key re \major
      \new Voice = "acc" { \porteeD }
    >>
  >>
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
               \remove "Time_signature_engraver"
             }
    indent = 0\cm
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
    line-width = #120
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}

De nos jours le titre de Ch. est donné, indépendamment de toute relation avec le culte protestant, à des pièces instrumentales d’un caractère religieux, non confessionnel, rappelant librement les formes du Ch. varié de Bach. Les trois Chorals pour orgue, de César Franck (1890), prennent rang parmi les chefs-d’œuvre du répertoire de l’orgue.