Dictionnaire pratique et historique de la musique/Cor
Cor, n. m. Instrument à vent, en
cuivre, à embouchure, à tube conique
enroulé sur lui-même et que termine
un large pavillon. La mention du cor
chez les anciens auteurs français,
depuis le xie s., n’implique aucune
certitude quant à la nature de l’instrument,
qui se confond avec la corne
et le cornet, pour servir aux signaux
de guerre et de chasse. Joinville et
quelques écrivains postérieurs appellent
« cor sarrazinois » un instrument
non défini produisant des sons analogues
à ceux d’ « une cornemuse
bien haute ». L’une des tapisseries
de Reims (xve s.) contient l’image
d’une trompette de guerre, dont le
tube replié en forme circulaire semble
un acheminement vers le cornet de
position et le cor de chasse. Celui-ci
paraît avoir reçu sa forme définitive
en France dès le commencement du
xviie s.
Cor de chasse.
La
famille des
Chrétien, faiseurs
de trompes
de chasse,
qui travaillaient
à Vernon, puis à
Paris, sous
Henri iv,
Louis xiii et
Louis xiv, donnait à ses
instruments des longueurs
peu à peu accrues de 0 m. 66
à 1 m. 44. Le diamètre intérieur
d’un cor de chasse
de l’époque Louis xiv, à
une seule révolution, est
de 1 m. Des signaux mélodiques
pour les chasses
royales furent composés sous
ce règne par Philidor aîné. Ce répertoire
se compléta sous Louis xv par
les soins du marquis de Dampierre,
dont le nom est resté attaché au
modèle de cor simple, ou trompe, à
deux tours et demi, encore usité aujourd’hui ;
on le joue en le tenant d’une
seule main, le pavillon en
l’air ; au repos, les veneurs
le portent passé autour
du corps ; ils pratiquent
deux façons, dites « en
pleine trompe », ou en
force, et « en radouci » ; la
première manière comprend elle-même
trois procédés dits le ton simple, le ton roulé et le ton de vénerie ou « tayauté »
qui est celui que les musiciens
ont imité dans leurs ouvrages descriptifs,
comme Philidor, dans Tom Jones
(1765), Méhul, dans l’Ouverture de La
Chasse du jeune Henri (1797), Haydn,
dans Les Saisons (1801). Des fanfares
pour trois et quatre trompes ont été
composées dès le xviie s. ;
celle que Rossini a écrite
en 1828 pour le baron de
Schickler est devenue
populaire. Le cor simple
ou trompe de chasse fournit
les harmoniques 2 à
16 du son fondamental.
On le construit habituellement, de nos jours, pour la chasse, en ré et quelquefois en mi bémol. Son origine française est si bien reconnue qu’il a conservé dans la langue anglaise le nom de French horn ou cor français. Cependant, c’est comme une importation étrangère qu’il s’introduisit dans l’orchestre. Deux cornistes allemands, engagés par le fermier général La Pouplinière pour sa musique particulière, en jouaient au Concert Spirituel vers 1750, dans des symphonies de Guignon, de Stamitz, de Touchemolin. L’invention des corps de rechange, ou plutôt leur adaptation au cor, et la découverte des sons bouchés, datent à peu près de la même époque. Pour permettre au cor de jouer dans plusieurs tons, les facteurs en divisèrent le tube en deux parties, dont l’une s’étend de l’embouchure au boisseau, et l’autre, du boisseau au pavillon ; entre les deux s’introduit le fragment de tube supplémentaire, appelé corps ou ton de rechange ; l’instrument étant construit en si bémol, onze corps de rechange, qui s’échelonnent en le faisant baisser chacun d’un demi-ton, portent graduellement la longueur théorique du tube à 5 m. 90 et mettent à la disposition de l’exécutant autant de séries nouvelles d’harmoniques. À ce perfectionnement essentiel, le corniste Hampel ajouta, dit-on, par une découverte fortuite, l’emploi des sons bouchés. Cherchant le meilleur moyen d’obtenir des sons en sourdine, par l’introduction d’un tampon d’ouate dans le pavillon, Hampel s’aperçut qu’en produisant avec sa main gauche une fermeture partielle, il abaissait à volonté chaque son d’un demi-ton. Les sons ainsi obtenus, qui furent appelés sons bouchés, s’intercalant entre les sons naturels de l’instrument, dits sons ouverts, vinrent en augmenter considérablement les ressources ; leur sonorité voilée fut en même temps mise à profit pour des oppositions de coloris. L’échelle du cor, notée dans le ton d’ut, se trouva constituée ainsi qu’il suit, les notes blanches représentant les sons ouverts, harmonique 2 à 16 du son fondamental, fournis par l’instrument naturel, et les notes noires les sons bouchés :
En raison de ses perfectionnements,
on s’accoutuma à désigner le cor
simple, muni de corps de rechange,
par le nom de cor d’harmonie, qui le distinguait
du cor de chasse, ou trompe.
Cor d’harmonie.
C’est pour lui
qu’ont été
écrites les
parties renfermées
dans
les œuvres de
l’époque classique,
les
deux Concertos
de Haydn
(1762), ses
Symphonies et celles de Mozart, les trois
Concertos de Mozart (1782), la Sonate
de Beethoven, op. 17, et son Septuor,
op. 20. Gevaert a fait remarquer que
Beethoven réservait d’ordinaire les
sons bouchés pour les passages en
solo. Il a donné au cor un rôle admirable
et souvent difficile dans le
scherzo de la Symphonie héroïque et
celui de la Symphonie en fa et dans
l’adagio de la Symphonie avec chœur.
Ainsi que l’on fait à la même époque
ou immédiatement après lui Cherubini,
Spontini, Weber, et autres,
Beethoven emploie dans son orchestre
4 cors en deux groupes, accordés en
deux tonalités, qui permettent de les
combiner pour combler les lacunes
particulières à chacun. Vers 1815 se
produisirent les premiers essais de
cors omnitoniques ou chromatiques, à
cylindres ou à pistons, dus au facteur
allemand Stœlzel, au facteur belge
Sax père, et que l’on commença par
associer au type ancien, en réservant
à celui-ci le premier pupitre. L’adoption
de trois pistons, s’ajoutant à l’emploi
des corps de rechange, rendait les
tons aigus aisément accessibles et
permettait l’exécution de passages
et de gammes chromatiques d’une
homogénéité parfaite, dans une étendue d’un peu plus de trois octaves. Quoique
le cor à pistons puisse exister dans
plusieurs tons, on ne se sert que du
cor en fa, dont les facteurs établissent
Cor à deux pistons.
deux modèles,
rendus plus spécialement
propres
à monter ou
à descendre par
une modification
dans le jeu du
3e piston.
La partie
du cor se
note en ut, dans
les deux clefs de fa 4e et sol 2e ligne,
mais, par une anomalie que les
meilleurs auteurs déclarent absurde,
sans réussir à la supprimer, l’usage
se maintient d’écrire une octave
trop bas les sons notés en clef
de fa. Le contraste entre les sons
ouverts et les sons bouchés du cor
d’harmonie ne se réalise pas dans le
cor à pistons, duquel on obtient cependant
des sonorités atténuées que l’on
continue d’appeler sons bouchés ; sous
le nom de sons cuivrés, on désigne
les sons métalliques produits par
l’obturation, avec la main, dans le
pavillon, de la moitié de la colonne
d’air. L’artifice des sons doubles, que
pratiquait en 1777 le corniste Stich,
dit Punto, à l’étonnement des auditeurs,
et qui valut, un siècle plus tard, à
Vivier des succès analogues, s’explique
par la réunion aux sons de l’instrument
de quelques sons de la voix de
tête, que le virtuose réussit à émettre
par les narines. Ce procédé tant soit
peut charlatanesque n’est pas utilisé
en composition. L’étude du rôle tenu
par le cor dans l’orchestre moderne ne
saurait nulle part être plus profitable
que dans les partitions de Wagner,
qui abondent en passages d’une extraordinaire
variété d’effets, pour le cor
seul ou par groupes de 4, de 6 ou de 8.
Des méthodes pour les modèles successifs
de cor ont été publiées par
Dauprat (vers 1825), F. Duvernoy,
Meifred, H. Kling (1911). || Cor à
clefs, voy. Bugle. || Cor anglais, voy.
Hautbois alto. || Cor de basset, ancien
nom de la clarinette alto. Voy. Clarinette’’.
|| Cor de chamois, all. Gemshorn,
jeu d’orgues à bouche, de la famille
des jeux de gambe, dont les sons
passent pour avoir quelque ressemblance
avec ceux du cor. || Cor de nuit
all. Nachthorn, jeu d’orgues, en tuyaux
bouchés (bourdons) en usage dans la
facture allemande depuis le xviie s.
|| Cor des Alpes, all. Alphorn, instrument
populaire à vent, en bois ou
en écorce, à embouchure, dont la longueur
varie de 0 m. 90 à 2 m. 20, avec
une étendue sonore proportionnée.
Les pâtres des Alpes bernoises s’en
servent pour les signaux et pour
l’exécution de motifs très simples,
dits ranz des vaches, ou de séries
de sons rauques et forts, destinés
à faire parler les multiples échos
de l’Oberland, sur le passage des
touristes. || Cor français, angl. French
horn, nom anglais du cor d’harmonie.