Dictionnaire pratique et historique de la musique/Enchaînement
Enchaînement, n. m. Jonction de deux ou plusieurs accords. Les règles classiques de l’harmonie soumettent le choix de chaque accord à la considération de la nature et de la situation de l’accord qui le précède et de celui qui lui succède ; elles multiplient les prohibitions, défendent les quintes et octaves consécutives, visibles ou cachées, les fausses relations, l’emploi de deux accords de quarte et sixte de suite, à moins que le second ne soit un accord de quarte augmentée et sixte ; elles recommandent, si l’on a le choix entre plusieurs accords, de préférer ceux qui ont entre eux des notes communes. Ces lois sont depuis longtemps enfreintes dans la pratique, et l’on signale aujourd’hui comme un des faits qui leur sont le plus délibérément opposés les enchaînements d’accords dissonants se succédant par degrés conjoints en mouvement semblable dans toutes les parties, et n’ayant entre eux aucune note commune. C. Franck en fournit un exemple dans la finale de sa Symphonie, sous forme d’accords de 9e :
D’autres enchaînements également
hardis sont relevés dans La Mer, de
Debussy (1905), dans un Prélude de
Ch. Kœchlin. (Voy. Résolution.) || Rattachement
de deux morceaux dans
une composition en plusieurs mouvements.
Le Scherzo et le Finale de la
Symphonie en ut mineur, de Beethoven,
offrent un des plus célèbres
exemples d’enchaînements ; ses Sonates,
ses Quatuors (op. 95, op. 131)
en présentent d’autres. À l’époque
actuelle, il n’est pas rare de voir
toutes les parties d’une œuvre instrumentale
se tenir étroitement rattachées,
de même que, dans la musique
dramatique, toutes les scènes se
relient logiquement sans séparation
jusqu’à la fin de l’acte. Dans le commencement
de cet usage, l’inscription
« enchaînez » ou « attacca » avertissait
les exécutants de la continuité du
plan. On regarde aujourd’hui comme
inutile ces indications, auxquelles la
notation supplée.