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Dictionnaire pratique et historique de la musique/Entr’acte

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Entr’acte, n. m. Pièce instrumentale se jouant comme intermède, devant le rideau fermé, entre deux actes d’un spectacle. Sur la scène littéraire, où il fut longtemps regardé comme indispensable d’employer un orchestre, celui-ci jouait comme E. des morceaux quelquefois composés tout exprès pour le drame représenté, quelquefois simplement empruntés aux œuvres instrumentales à la mode. Les partitions composées par Lulli ou Charpentier pour les comédies de Molière, et qui n’ont pas toutes été conservées dans leur forme primitive, comprenaient de petites pièces en rythmes de danses, servant aux entrées de ballets et aux E. Dans le théâtre anglais, la plus ancienne composition connue en ce genre est celle de Mathieu Lock pour La Tempête, de Shakespeare. Les compositeurs allemands qui ajoutaient au xviiie s. des ouvertures et des morceaux de scènes aux traductions de tragédies françaises n’étaient pas d’accord sur le sens à donner aux E. : Scheibe, qui composa ceux de Polyeucte, et de Mithridate (1738), voulait qu’ils fussent un trait d’union entre deux actes, tandis que J.-F. Agricola, pour Sémiramis, faisait de chaque E. une introduction à l’acte suivant. Beethoven, dans sa musique pour l’Egmont de Gœthe (1809), ne s’est astreint ni à l’un ni à l’autre système, mais s’est inspiré de l’esprit et des péripéties du drame ; le second E. (larghetto), qui se joue immédiatement après la chute du rideau, commente la scène précédente ; le troisième commence avant même que le rideau soit baissé et continue d’exprimer les sentiments de Claire ; le quatrième ne laisse pas d’interruption dans le déroulement de l’action ; il relie la dernière scène d’un acte à la première scène de l’autre, l’arrestation d’Egmont à l’angoisse de Claire. Parmi les très nombreuses partitions de l’époque moderne, qui ont une destination analogue, les E. sont souvent des pièces symphoniques d’un grand intérêt descriptif ou dramatique, dont on a formé des suites pour le concert. (Voy. Musique de scène.) Sur le théâtre lyrique, la composition d’E. séparés est assez rare. Le plus souvent, les actes d’un opéra ne sont précédés que de quelques mesures servant de ritournelle au premier morceau. Il était d’usage à l’Opéra de Paris, pendant le xviiie s., de reprendre en guise d’E., un des airs de ballet de l’acte précédent : mais cette coutume n’était pas approuvée par tout le monde, et, en 1774, un journaliste louait Floquet d’avoir, à l’instar de Gluck, laissé reposer l’orchestre dans l’intervalle des actes. Beethoven n’ayant pas écrit d’E. pour Fidelio, on imagina de remplacer le morceau manquant par l’exécution de la principale des ouvertures de Léonore. Cette manière d’agir fut appliquée au Benvenuto Cellini de Berlioz (1838), dans lequel on introduisit l’Ouverture du Carnaval romain. Parmi les E. d’opéra les plus vantés, figurent celui de Mignon, d’Ambroise Thomas (1866), agréable « morceau de genre » que l’on vit « sur tous les pianos », et celui de Cavalleria rusticana, de Mascagni (1890), qui dut une part de son succès au fait, réputé nouveau, d’être joué à rideau ouvert. Les drames musicaux de Wagner ne contiennent pas d’E. proprement dits, mais le 3e acte de Lohengrin et le 3e acte des Maîtres chanteurs sont précédés d’introductions, que l’on détache pour les exécuter dans les concerts symphoniques.