Dictionnaire pratique et historique de la musique/Mouvement
Mouvement, n. m. 1. Degré de vitesse dans l’exécution musicale. L’importance du M. et les profondes altérations que le trop de lenteur ou le trop de vitesse peuvent introduire dans le caractère d’une simple mélodie ou d’un morceau de musique, ont incité de bonne heure les musiciens à chercher un point de repère pour déterminer la durée du temps musical et des signes pour l’indiquer. L’étroite liaison de la musique avec la danse imposant aux pièces qui en étaient issues une allure régulière, l’Orchésographie (1588) réglait le M. sur la régularité du pas, pendant la marche continue. Après même que Loulié (1696) et quelques autres auteurs eurent proposé l’usage du pendule « chronomètre » ou du balancier d’une horloge battant la seconde, instrument perfectionné par Sauveur (1701), on vit, par exemple, Quantz (1752), préconiser la fixation de l’unité de temps sur les battements du pouls. À l’égard de la notation, on avait d’abord essayé de trouver la précision nécessaire dans le choix des signes de mesure. La question préoccupa les virtuoses en tout temps. Rien n’est plus difficile, disait Purcell († 1695), que de jouer le véritable M. ; afin de l’indiquer à l’exécutant, il employait, pour la mesure binaire, trois formes du signe ordinaire, le marquant un M. très lent, le barré, Un M. plus animé et le barré et retourné un M. vif, avec les mêmes valeurs de notes ; la mesure ternaire se marquait de même par trois formes du signe 3 et le signe 6/4 était réservé aux M. rapides, tels que celui de la gigue. Brossard (1703) dit du terme M. qu’il « signifie aussi souvent une égalité, réglée et bien marquée de tous les temps de la mesure. C’est en ce sens qu’on dit que le récitatif ne se chante pas de mouvement ; que le menuet, la gavotte, la sarabande, etc., sont des airs de M. ».
Au xviiie s., les chiffres de mesure
conservaient une signification de M.
Buterne (1745) classait comme « lentes »
toutes les mesures où l’unité de
temps se chiffrait par 1 ou par 2,
soit
,
,
et
; comme « ni légères,
ni lentes », celles qui avaient 4 pour
dénominateur ; et enfin comme « vives
et légères », celles où le nombre 8
exprimait l’unité de temps. Mais
l’interprétation de ce principe restait
livrée au sentiment de l’exécutant.
Rameau (1724) préférait le voir
« pécher par le trop de lenteur, que
par le trop de vitesse » et supposait
que « quand on possède une pièce,
on en saisit insensiblement le goût
et bientôt on en sent le M. ». Bach, au
contraire, passe pour avoir penché
vers la rapidité du jeu.
Voici, d’après Eug. Borrel, « une classification générale de la comparaison toujours concordante » que donnent des M. les auteurs français du xviie s. et du xviiie, en prenant pour base la mesure à quatre temps ou à , dont le temps doit être environ « le pas d’un homme qui marche à son ordinaire » (Saint-Lambert) :
L’indécision en matière de M. s’accrut
lorsqu’acheva de se perdre l’usage
des danses qui avaient dicté les
formes des anciennes pièces instrumentales
et dont les titres, courante,
sarabande, etc., indiquaient alors
suffisamment le degré de vitesse convenable
au morceau. On y suppléa
par des termes appropriés, français
ou italiens, tels que grave, gai, vif,
andante, allegro, etc., qui, malgré
l’appoint de qualificatifs variés, andante
con moto, allegro vivo, etc., restaient
en somme assez vagues. Les mots
« tempo di minuetto » qui se remarquent
notamment chez Beethoven (viiie Symphonie, 1812) et signifient
« dans le M. d’un menuet », rappellent
encore une danse en voie de disparition.
L’invention du métronome de
Maëlzel (1816) offrit aux compositeurs
la possibilité de fixer d’une façon
précise la durée de l’unité de temps au
début de chaque morceau. La souplesse
et l’élasticité du M. et de ses nuances
d’accélération ou de ralentissement
restent le fait de l’interprétation. À
dater de l’invention du métronome,
les indications placées par Beethoven
et par Clementi en tête de leurs œuvres
indiquent avec précision les M. moyens
de vitesse à cette époque. Un « allegro
non troppo » chez Clementi (op. 50, no 2),
indique 96 ; un « allegro maestoso »
(op. 50, no 1), 58 à la blanche, soit 116
à la noire ; les autres allegros oscillent
en moyenne de 138, à 160 pour
l’ « allegro agitato » ou « con fuoco ».
L’indication = 138 dans la plupart
des éditions de la célèbre op. 106 de Beethoven
est une erreur : il faut
lire = 138. Les « scherzos »
sont les plus rapides : leur M.
est généralement indiqué à
la blanche pointée, de 76 à
80, soit 228 à 240 à la noire ;
les rythmes ternaires,
héritages lointains de la
mesure du moyen âge, sont
d’ailleurs toujours plus rapides
que les binaires. L’ « adagio »
oscille entre 92 et
65 à la croche ; une fois, Clementi
indique 72 (op. 50, no 1),
ce qui est habituellement
un mouvement de « largo »,
76 chez Beethoven dans l’op.
106. Un « adagio » est marqué
108 à la croche par Clementi
dans sa fameuse Didonne
abandonnata, mais
c’est un
, donc en M. ternaire.
Les vitesses marquées
par Czerny et autres pédagogues
du même temps, pour
l’interprétation par exemple
des œuvres de Bach (Clavecin
bien tempéré), ou de Beethoven,
sont donc absolument
exagérées, et il contient
de les réduire fortement.
|| 2. En considération
des contrastes que forment
entre elles les parties successives
d’une sonate, d’un quatuor,
d’une symphonie, on
emploie quelquefois le mot
M. dans le sens de « morceau »
et l’on dit « le premier M. de
la Symphonie héroïque », etc.
|| 3. Direction du dessin
musical, dans les parties
d’une composition harmonique. On
distingue 3 sortes de M. : le M. direct
ou parallèle, ou semblable, où les parties
progressent dans le même sens
et en même temps ; le M. oblique, lorsqu’une
partie monte ou descend, l’autre
restant immobile ; le M. contraire, lorsqu’une
partie monte tandis que l’autre
descend. Ces trois procédés étaient
connus et pratiqué dès l’enfance du
contrepoint. Le traité anonyme de
la Bibl. de Milan (xie s.) règle dans
l’organum la disposition permise du
M. contraire ; les œuvres des déchanteurs
et celles des contrepointistes
des xive et xve s. en contiennent de
nombreux exemples ; les maîtres des
écoles suivantes le regardent comme
particulièrement élégant et fécond en
effets ingénieux et piquants, et le
mélangent aux M. parallèle et oblique.
Les traités d’harmonie vantent le M. contraire comme plus élégant et déclarent pauvre le M. parallèle. La défense des quintes et des octaves consécutives est plus rigoureuse encore lorsque les parties procèdent par M. parallèle. On y ajoute la Défense d’amener une consonance parfaite par M. parallèle, sauf dans le cas où la partie supérieure procéderait par degrés conjoints. On nomme M. obligé celui d’une partie harmonique qui se résout, en vertu de la présence de notes attractives, sur une note invariable de l’accord suivant. Le titre de M. perpétuel a été donné à quelques morceaux de virtuosité instrumentale dans lesquels un dessin animé et régulier se poursuit sans aucune interruption. Tels sont l’op. 11 de Paganini et le finale de la 1re Sonate, op. 24, de Weber. || 4. T. de facture, dans la mécanique du piano ou l’abrégé de l’orgue, pour signifier l’ensemble des organes transmettant le M. de la touche à l’agent sonore.