Dictionnaire pratique et historique de la musique/Polonaise
Polonaise, n. f. Danse marchée (non sautée), mesurée à 3/4, avec le rythme au premier temps redoublé :
et pour finir | ou | . |
Le premier
temps est légèrement accentué, son
mouvement, modéré. Ses pas forment
plusieurs figures, dont le caractère
reste grave et fier. La P. est suivie
d’ordinaire d’une danse plus vive, une
mazurka ou kujawiak. Danse nationale
polonaise, la seconde après la cracovienne,
par ordre d’ancienneté, elle
aurait déjà été connue lors de l’élection
d’Henri de Valois au trône de
Pologne (1574) et sa vogue s’est
maintenue jusqu’à nos jours, au travers
des transformations musicales
qu’elle a subies. Rapportée en France
par les seigneurs français, elle se répandit
dans toute l’Europe. Malgré son
nom, cette danse serait cependant
d’origine espagnole ; son origine polonaise
est contestée et contestable.
La danse exécutée en 1574 n’était
peut-être pas du tout dans la forme
et le rythme auxquels nous attachons
ce nom. Les plus anciens auteurs
qui ont noté des danses polonaises
ne leur donnent pas ce rythme. Le
premier document noté est un ms.
de 1585 de la bibl. de Berlin, il est à . Ceux du livre de luth de Waisselius
(1592) sont à 2/4. Dans un ms.
de 1598 de la bibl. de Dresde, dix
danses polonaises pour les instruments
sont à 2/4.
On y trouve les rythmes | que |
présentent d’autres pièces appelées
Danza polacca chez les luthistes de
1600 à 1620. Une seconde période
s’ouvre alors et dure jusqu’à 1730 pendant
laquelle la Chorea polonia apparaît
à avec 2e partie à 3/4, qui est
appelée proportio. La « danse polonaise »
fait alors le tour de l’Europe ; on la
trouve dans les livres de musique instrumentale
de toutes les nations,
France, Allemagne, Suède. Sa troisième
période, 1730-1830, la montre aussi
répandue, mais dirigée plus nettement
vers un rythme de sarabande ; sa seconde
partie, l’ancienne proportio, s’en détache
et adopte bientôt le nom de
Mazurka. Les trois périodes se résument :
i. 1590-1630, formation en
rythme pair ; ii. 1630-1730, formation
de la 2e partie impaire ; iii. 1730-1830,
séparation des 2 parties, la seconde
devenant la mazurka, et la 1re adoptant
le rythme impair actuel.
L’origine de cette danse n’est pas populaire, c’est une danse de cour, non de village. — En Suède, la P. s’acclimata et se transforma en descendant dans l’usage populaire sous le nom de polska. Au xviiie s., et au commencement du xixe, ce nom devenait presque générique pour les danses du peuple. Le rythme se conservait à 3/4 sous diverses combinaisons, dont la plus commune était
On trouve des P. (très courtes) dans les suites instrumentales en Allemagne au xviiie s. J.-S. Bach a placé six petites polonaises dans le Petit livre de Magdalena Bach, et une plus importante comme quatrième morceau de sa 2e Suite pour orchestre (en si mineur). Cette P. est à 3/4 et divisée en trois reprises, dont celle du milieu est un « double » ou variation mélodique de la première, et la troisième une reprise de la première. À la fin du xviiie et au xixe s., la P. devenue pompeuse, solennelle, en façon de marche dansée, a été cultivée principalement par les musiciens polonais (comme danse). Leurs P. sont d’ordinaires construites sur le plan d’une marche avec trio et reprise. Celles de Chopin, plus développées, sont plus libres et plus compliquées de forme. La célèbre P. populaire dite « de Kosciuszko » a pour thème initial :
Oginski (1731-1803), Kurpinski (1785-1860 ?), Chopin (à partir de 1833), Moniuszko (1819-18..), ont composé de célèbres P. Celles de Chopin sont au nombre de neuf. Le rythme caractéristique y apparaît généralement dans l’accompagnement de la mélodie :
En fait de P. moderne pour orchestre, on peut citer celle que Meyerbeer a placée dans sa musique pour le drame de Struensée (1846).
Dans la musique de chambre, on rappellera la P. du Trio, op. 8 de Beethoven (Sérénade) et, dans la musique de piano, les P. de Weber, et celles de Chopin déjà citées.