Dictionnaire pratique et historique de la musique/Tonalité
Tonalité, n. f. « Ensemble des
phénomènes mélodiques, et harmoniques
organisés autour de la tonique
par les musiciens modernes.
On dit absolument : la tonalité d’ut,
de sol, etc., au lieu de ton d’ut,
de sol. Or, la tonalité est un ensemble
de faits musicaux constants, qui conservent
entre eux des relations immuables :
les tons sont des organismes
mobiles, ou, si l’on veut, les couleurs
de la tonalité. » (Emmanuel.) La
tonalité moderne, par opposition au
système mélodique de la pluralité des
modes, se réduit essentiellement à
l’adoption d’un mode unique, le mode
d’ut majeur, dont tous les autres tons
majeurs sont la transposition, et dont
le mode mineur est simplement une
variété. « La tonique d’une gamme
(moderne) n’est plus seulement la note
la plus grave et la note la plus aiguë
de cette gamme : c’est surtout le
son musical par rapport auquel les
autres sons ont été choisis de manière
à présenter avec lui les plus grandes
affinités… » (Bouasse.) On ne peut pas
choisir comme tonique une autre
note que celle qui nomme et caractérise
le ton ; dans le système tempéré,
où l’octave est divisée en 12 demi-tons
égaux, les différents tons ne diffèrent
que par la hauteur absolue. La notion
de tonalité se lie à la notion de hauteur
absolue, et le changement de ton
n’entraîne pas de changement de
mode. Le ton dans lequel commence le
morceau est appelé ton initial ; s’il
commence et finit le morceau, ton principal ;
le ton servant de point de départ
à un enchaînement modulant, ton primitif.
Le ton relatif est celui qui, en appartenant
à une autre modalité, ne diffère
pas du ton principal à l’armure
de la clef : la tonique du ton mineur
est toujours une tierce au-dessous de
celle du ton majeur ; le ton de la mineur
est relatif du ton de ut majeur ; le ton
de fa majeur est relatif du ton de ré
mineur. Les tons éloignés sont ceux qui
diffèrent l’un de l’autre par plus d’un
accident à l’armure de la clef. Les
tons voisins sont ceux qui ne diffèrent
que par un seul accident du même
genre (dièse ou bémol), en plus ou en
moins, à l’armure de la clef. « La
parenté de tous les tons avec la tonique
décroît au fur et à mesure que
la distance des toniques diminue. »
(Emmanuel.) Ce principe se démontre
par une figure que trace le même auteur,
et qui exprime plus clairement que la figure circulaire habituelle les affinités,
ou l’enchaînement des tons :
Ton.
La règle est exprimée en notes :
Le Stabat mater de Palestrina commence par un accord de la majeur qui a étonné beaucoup de musiciens. (Voy. ex. à l’art. Stabat.)
Mais ce n’est pas un fait si exceptionnel. Il a été relevé dans plusieurs ouvrages de Palestrina, lorsque le maître les commence par un accord plein ; il aime mieux y supprimer la tierce que d’y employer la tierce mineure. Dans la 2e moitié du xvie s., les maîtres se rapprochent rapidement de la tonalité moderne, en choisissant parmi les modes anciens ceux qui en sont le plus rapprochés, en employant comme accord de début celui de dominante, traité comme majeur de 3 sons et comme accord final un accord majeur, sol-si-ré, ré-fa ♯-la ou la-ut ♯-mi. On a remarqué l’unité tonale voulue de chaque acte de L’Étranger, de d’Indy. Le ton qui prédomine dans le premier acte est celui de la, dans le second, celui, de fa. Le ton de si ♭ est réservé exclusivement au rôle d’André le douanier « jeune fat à l’âme médiocre ».