À valider

Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Heurtoir

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Herse <
Index alphabétique - H
> Horloge
Index par tome

HEURTOIR, s. m. Hurtoir. Marteau pour frapper aux portes. Les premiers heurtoirs paraissent avoir été de petits maillets suspendus extérieurement aux huis des portes.

« Bien sembloit l’hermitage de vieil antiquité.
Cele part est alée s’a à l’uisset hurté.
D’un maillet qui là pent a sus l’uis assené[1]. »

Les anneaux de fer attachés à des têtes de bronze en dehors des portes, dès une époque très-ancienne, servaient également de heurtoirs, car ils sont souvent munis d’une boule ou partie renflée qui frappait sur une grosse tête de clou. Ces anneaux facilitaient le tirage des vantaux lorsqu’on voulait les fermer ; de plus ils étaient, à la porte de certaines églises, un signe d’asile. Pour requérir l’asile, il suffisait de saisir l’anneau. À ce sujet, Lebeuf[2] dit avoir eu connaissance de cet ancien usage (mentionné d’ailleurs par Grégoire de Tours) dans l’histoire des miracles de saint Germain, recueillis par le moine Hérie d’Auxerre, sous Charles le Chauve. Au XVIe siècle, pour indiquer l’action de se servir du heurtoir, on disait tabuter à la porte[3].
Voici (1) l’un des plus anciens heurtoirs à anneau que nous connaissions en France, et qui est attaché à la porte du nord de la cathédrale du Puy-en-Vélay ; il date du XIe siècle ; la tête de bronze est parfaitement conservée ; l’anneau seul a été enlevé.
Nous en donnons un second (2) qui date du commencement du XIIIe siècle et qui est intact ; il est attaché à la porte occidentale de la cathédrale de Noyon. Ici la tête et l’anneau sont en bronze. Mais ces heurtoirs à anneaux paraissent avoir été particulièrement destinés aux portes d’églises, par suite peut-être de cette tradition du droit d’asile. Aux vantaux des portes d’habitations, les heurtoirs sont primitivement, ainsi que nous le disions tout à l’heure, des maillets, puis plus tard des marteaux suspendus au moyen de deux tourillons.
Les plus anciens dont nous ayons pu nous procurer des dessins sont très-simples de forme (3)[4] et ne sont ornés que par les gravures au burin qui couvrent la tige du marteau ainsi que les deux boucles servant à maintenir ses tourillons. Les heurtoirs du XVe siècle sont moins rares ; il en existe un fort beau sur le vantail de la porte de l’Hôtel-Dieu de Beaune[5]. En voici un autre qui provient de Châteaudun et qui est de la même époque (4).
Les tourillons du marteau sont garantis de l’humidité par un petit toit en appentis percé d’une lucarne. Le tout est en fer forgé d’un joli travail.
L’un des plus beaux provient d’une maison de Troyes (5), et est actuellement déposé dans le musée archéologique de la ville. Il appartient également au XVe siècle, et le marteau se meut non plus au moyen de deux tourillons, mais est suspendu par un œil à travers lequel passe un boulon. Devant la tige du heurtoir, sur un cul-de-lampe très-délicatement forgé et ciselé, est posé un enfant nu portant un écusson armoyé, vairé de… au chef de… chargé d’un lion léopardé de… Cette petite figure est une pièce de forge très-remarquable. En A, on voit le profil du marteau, moitié d’exécution. Probablement l’écu était peint aux couleurs du blason.

Au XVIe siècle, on en revient aux heurtoirs en forme d’anneau ou de boucle, avec poids à l’extrémité, pour les portes d’hôtels et de maisons. Il en existe de fort jolis de ce genre aux musées du Louvre et de Cluny. Les heurtoirs à marteau ne furent plus guère en usage que pour les portes d’habitations rurales.


Il y avait aussi des heurtoirs aux portes des châteaux forts. — « Atant es vous .i. chevalier qui hurte à la porte : et on vint as creniaus[6]. » Toutefois il faut admettre que ces heurtoirs ne pouvaient être attachés qu’aux huis des poternes sans pont-levis, ou aux portes des barrières extérieures.

Les heurtoirs ont disparu de nos maisons et hôtels pour faire place aux sonnettes ou timbres, qui ont cet avantage de ne pas réveiller toute la maisonnée si quelque habitant attardé veut se faire ouvrir la porte au milieu de la nuit.

  1. Li Romans de Berte aus grans piés, ch. XLV. Édit. Techener ; 1832.
  2. Histoire de la ville et du diocèse de Paris, t. I, p. 374.
  3. Cymbalum mundi.
  4. Heurtoir qui nous paraît être du XIVe siècle, et qui provient d’une porte d’une maison de Vézelay.
  5. Voy. l’Archit. viv. et domest., par MM. Verdier et Cattois, t, I, p. 6.
  6. La Chronique de Rains (XIIIe siècle), ch. XXXI. Publ. d’après le manuscrit de la Bib. imp., par Louis Pâris ; 1837.