Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Mitre

La bibliothèque libre.
Miséricorde <
Index alphabétique - M
> Moellon
Index par tome

MITRE, s. f. Couronnement d’un tuyau de cheminée, destiné à empêcher la pluie ou le vent de s’introduire dans la trémie, en laissant cependant échapper la fumée. Les mitres, pendant le moyen âge, sont faites en terre cuite, en brique ou en pierre. Peut-être en existait-il en fer battu, mais nous n’en avons pas trouvé en place, bien que parfois des scellements conservés à la tête de tuyaux de cheminée indiquent la présence d’un chapeau en fer.

Il existe encore dans l’hôpital de Sens une belle mitre en terre cuite vernissée qui paraît remonter au XIIIe siècle.
En voici (1) le tracé. Cette mitre, en forme de faîtière, laissait échapper la fumée par trois orifices verticaux, quatre gueules latérales et les deux extrémités de la courbure. La disposition de ces issues était bien faite pour empêcher le vent de s’engouffrer dans la trémie. En A, nous donnons la projection horizontale de cette mitre, en B sa coupe transversale, et en C sa face latérale. Les dents qui bordent les petits cylindres sont obtenus au moyen d’un coup de pouce donné dans le profil lorsqu’il était encore frais et après la soudure de ces cylindres sur le dos de la faîtière. Habituellement cependant, à cette époque, les tuyaux de cheminée se terminaient en cylindre et les mitres alors prenaient la forme conique. Une de ces mitres coniques en terre cuite vernissée se voyait encore, il y a quelques années, sur une maison du XIVe siècle dépendant de la porte orientale de la ville de Semur en Auxois (2).
En A est tracé sa projection horizontale et en B son élévation. Sens, Troyes, Villeneuve-sur-Yonne possèdent encore quelques débris de ces anciens couronnements de tuyaux de cheminée en terre cuite. Mais dans les contrées où la pierre est résistante et facile à travailler, les tuyaux ont presque toujours des couronnements tenant à la construction, et les chapiteaux de ces tuyaux sont de véritables mitres. De même, dans les pays où la brique était employée pendant le moyen âge, les mitres sont faites au moyen d’assemblages de tuiles et de briques (voy. cheminée). Les architectes du moyen âge cherchaient toujours à décorer les parties de la construction qui se découpaient sur le ciel et à leur donner une silhouette agréable. On voit, dans les vignettes des manuscrits du XVe siècle, des têtes de cheminées richement ornées ; mais malheureusement la fragilité de ces détails des édifices publics ou privés, très-exposés aux intempéries, est cause de leur destruction dans toutes nos anciennes cités.

On fit encore, pendant l’époque de la Renaissance, d’assez belles mitres en terre vernissée et même en faïence. Ces mitres en faïence sont composées de plusieurs rondelles s’emmanchant les unes sur les autres et quelquefois curieusement ornées de détails délicats soit en relief, soit en peinture, trop petits d’échelle, il est vrai, pour la place qu’ils occupent. Mais alors le sentiment vrai de la décoration extérieure des édifices était fort altéré, et ces mitres en poterie fine, très-jolies à voir de près dans un musée, ne produisent aucun effet sur le sommet d’un comble.