UNITÉ, s. f. Dans toute conception d’art, l’unité est certainement la loi première, celle de laquelle toutes les autres dérivent. En architecture, cette loi est peut-être plus impérieuse encore que dans les autres arts du dessin, parce que l’architecture groupe tous ces arts pour en composer un ensemble, pour produire une impression. L’architecture tend à un résultat suprême : satisfaire à un besoin de l’homme. La pensée de l’artiste, en composant un édifice quelconque, ne doit jamais perdre de vue ce but à atteindre, car il ne suffit pas que sa composition satisfasse matériellement à ce besoin, il faut que l’expression de ce besoin soit nette : or, cette expression, c’est la forme apparente, le groupement en faisceau, de tous les arts et de toutes les industries auxquels l’architecte a recours pour parfaire son Œuvre. Plus une civilisation est compliquée, plus la difficulté est grande de composer d’après la loi d’unité ; cette difficulté s’accroit de la masse des connaissances d’arts antérieurs, des traditions du passé, auxquelles la pensée de l’artiste ne peut se soustraire, qui l’obsèdent, s’imposent à son jugement, et entraînent, pour ainsi dire, son crayon dans des sillons déjà tracés.
Un de nos prédécesseurs, dont les écrits sont justement estimés, a dit : « Aussi faut-il qu’un monument émane d’une seule intelligence qui en combine l’ensemble de telle manière qu’on ne puisse, sans en altérer l’accord, ni en rien retrancher, ni rien y ajouter, ni rien y changer[1]. » On ne saurait mieux parler, mais on comprendra qu’il est difficile à un architecte qui, pour exprimer sa pensée, va puiser à des sources très-diverses, de remplir ce programme. Nous reconnaissons volontiers que beaucoup d’architectes, de nos jours, n’admettent pas la loi d’unité, qu’ils en nient la puissance, et préconisent une sorte d’éclectisme vague, permettant à la pensée de l’artiste d’aller chercher dans le passé, au nord et au midi, les expressions propres à donner une forme à cette pensée. Ces artistes affirment que, de cet amas de documents mêlés, il sortira l’architecture de l’avenir. Peut-être ; mais, en attendant, celle du présent n’exprime le plus souvent que le désordre et la confusion dans les idées.
Nous ne sommes pas de ceux qui nient l’utilité de l’étude des arts antérieurs, d’autant qu’il n’est donné à personne d’oublier ou de faire oublier la longue suite des traditions du passé ; mais, ce que tout esprit réfléchi doit faire en face de cet amas de matériaux, c’est de les mettre en ordre, avant de songer à les utiliser. Que fait celui qui hérite d’une riche bibliothèque, si ce n’est d’abord d’en classer les éléments suivant un ordre méthodique, afin de pouvoir s’en servir le jour où il en aura besoin ? Faut-il encore, qu’après ce premier classement, il ait fait au moins un résumé analytique de chacun des ouvrages de cette bibliothèque, dans son cerveau, afin de pouvoir choisir et profiter judicieusement de ses choix. Parmi toutes les architectures qui méritent d’être signalées dans l’histoire du monde, il n’en est pas une qui ne procède d’après la loi d’unité. Sur quoi s’établit cette loi d’unité ? C’est là d’abord ce qu’il convient de rechercher. Les besoins auxquels l’architecture se propose de satisfaire ne sont pas très-variés. Il s’agit toujours d’abriter l’homme, soit en famille, soit en assemblée, et de lui permettre, sous ces abris, de vaquer à des occupations, ou de remplir des fonctions plus ou moins étendues, suivant que son état social est plus ou moins compliqué. Si ces premières conditions diffèrent peu, la manière d’y satisfaire est très-variée. En effet, l’abri peut être fait de bois ou de pierre ; il peut être creusé dans le tuf ou façonné en terre ; il peut se composer de parties juxtaposées ou superposées ; il peut n’avoir qu’une destination transitoire ou défier l’action du temps. C’est alors que l’art intervient et que la loi d’unité s’établit, et s’établit naturellement, parce que tout, dans l’ordre créé, n’existe que par l’unité d’intention et de conception. On veut faire une cabane de bois, on coupe des arbres : unité d’intention. On réunit ces arbres en utilisant leurs propriétés : unité de conception. Quoi qu’on puisse dire et faire, c’est donc sur la structure, d’abord, qu’en architecture la loi d’unité s’établit, qu’il s’agisse d’une cabane de bois ou du Panthéon de Rome. La nature n’a pas procédé autrement, et il est plus que téméraire de chercher des lois en dehors de celles qu’elle a établies, ou plutôt de nous soustraire à ces lois, nous qui en faisons partie. Les découvertes dans les sciences physiques nous montrent chaque jour, avec plus d’évidence, que si l’ordre des choses créées manifeste une variété infinie dans ses expressions, il est soumis à un nombre de lois de plus en plus restreint à mesure que nous pénétrons plus avant dans le mystère du mouvement et de la vie ; et qui sait si la dernière limite de ces découvertes ne sera pas la connaissance d’une loi et d’un atome ! En deux mots, la création, c’est l’unité ; le chaos, c’est l’absence de l’unité.
Sur quoi établirait-on, en architecture, la loi d’unité, si ce n’était sur la structure, c’est-à-dire sur le moyen de bâtir ? Serait-ce sur le goût ? Mais le goût, en architecture, est-il autre chose que l’emploi convenable des moyens ? Serait-ce sur certaines formes adoptées arbitrairement par un peuple, par une secte ? Mais alors, si nous avons à côté de ces formes d’autres formes arbitrairement adoptées par un autre peuple ou une autre secte, nous aurons deux unités. Nous voyons l’architecture des Hellènes parfaitement conforme aux lois de l’unité, parce que cette architecture ne ment jamais à ses moyens de structure ; de même, chez les Romains (quand il s’agit des monuments bâtis suivant le mode romain) ; de même chez les Occidentaux du moyen âge, pendant les XIIe et XIIIe siècles. Cependant ces monuments sont fort dissemblables, et ils sont dissemblables parce qu’ils obéissent à la loi d’unité établie sur la structure. Le mode de structure changeant, la forme diffère nécessairement, mais il n’y a pas une unité grecque, une unité romaine, une unité du moyen âge. Un chêne ne ressemble point à un pied de fougère, ni un cheval à un lapin ; végétaux et animaux obéissent cependant à l’unité organique qui régit tous les individus organisés.
De fait, l’unité ne peut exister dans l’architecture que si les expressions de cet art découlent du principe naturel. L’unité ne peut être une théorie, une formule ; c’est une faculté inhérente à l’ordre universel, et que nous voyons adaptée aussi bien aux mouvements planétaires qu’aux plus infimes cristaux, aux végétaux comme aux animaux. M. Quatremère de Quincy, dans son Dictionnaire d’architecture[2] distingue, dans l’art de l’architecture, « différentes sortes d’unités partielles, d’où résulte l’unité générale d’un édifice ». Cet auteur divise ainsi ce qu’il appelle les unités partielles, sans définir, d’ailleurs, ce que peut être une unité partielle :
« Unité de système et de principe.
Unité de conception et de composition.
Unité de plan.
Unité d’élévation.
Unité de décoration et d’ornement.
Unité de style et de goût. »
L’illustre auteur du Dictionnaire d’architecture ne nous dit pas comment l’unité de système se distingue de l’unité de conception, ni comment ces deux unités peuvent se séparer de l’unité de style et de goût ; comment l’élévation d’un édifice, qui semblerait dériver nécessairement du plan, possède cependant son unité distincte de celle qui régit la composition de ce plan. Nous pensions que l’unité possédait cette propriété de ne pouvoir être divisée, et que ce qu’on peut diviser est pluralité. Cette colonne de six unités (et nous ne voyons pas pourquoi on s’en tiendrait à ce nombre) précède le paragraphe où il est dit que l’unité de système et de principe ne permet pas de poser des arcs sur des colonnes, ni un chapiteau corinthien sur un style ionique. C’est, semble-t-il, un préambule bien solennel pour une mince conclusion. Plus loin, cependant, l’auteur du Dictionnaire, à propos de l’unité d’élévation, écrit ces lignes que l’on ne saurait trop soumettre aux méditations de l’architecte : « Ce qui constitue particulièrement, dans l’architecture, l’unité d’élévation, c’est d’abord une telle correspondance de l’extérieur de sa masse avec l’intérieur, que l’œil et l’esprit y aperçoivent le principe d’ordre et la liaison nécessaire qui en ont déterminé la manière d’être. Le but principal d’une façade ou élévation de bâtiment n’est pas d’offrir des combinaisons ou des compartiments de formes qui amusent les yeux. Là, comme ailleurs, le plaisir de la vue, s’il ne procède pas d’un besoin ou d’une raison d’utilité, loin d’être une source de mérite et de beauté, n’est plus qu’un brillant défaut. Mais là, comme ailleurs, le plus grand nombre se méprend en transportant les idées, c’est-à-dire en subordonnant le besoin au plaisir. De là cette multitude d’élévations d’édifices, dont les formes, les combinaisons, les dispositions, les ordonnances, les ornements, contredisent le principe d’unité fondé sur la nature propre de chaque chose. Ce qui importe donc à l’unité dont nous parlons, ce n’est pas qu’une élévation ait plus ou moins de parties, plus ou moins d’ornements, c’est qu’elle soit telle que la veulent le genre, la nature et la destination de l’édifice ; c’est qu’elle corresponde aux raisons, sujétions et besoins qui ont ordonné de sa disposition intérieure ; c’est que l’extérieur de cet édifice soit uni par le lien visible de l’unité à la manière d’être que les besoins du dedans auront commandée. » Nous n’avons pas à essayer, heureusement, d’accorder les opinions de l’ancien secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts avec les enseignements qui découlent des œuvres d’architecture laissées par les membres passés et présents de la docte assemblée. Ce sont affaires de famille ; nous constatons seulement que cette définition de l’unité des élévations, quant au fond, peut s’appliquer à l’unité dans les œuvres d’architecture, sans qu’il soit utile de diviser cette unité. Ne mentir jamais au besoin, à l’ordonnance qu’impose ce besoin, aux moyens que fournit la matière en œuvre, aux nécessités de la structure, ce sont les premières conditions de l’unité en architecture, et ces conditions ne sauraient séparer le plan de l’élévation, la conception du style[3]. Nous ne concevons pas plus un architecte faisant un plan sans prévoir les élévations que donne ce plan, que nous ne concevrions l’ombre sans la lumière, ou la lumière sans l’ombre. D’ailleurs qu’entend-on par l’unité de plan ? Est-ce que chaque partie de l’édifice projetée sur un plan horizontal possède les dimensions nécessaires, qu’elles soient placées en raison des besoins exprimés, qu’elles satisfassent pleinement à ces besoins en même temps qu’aux nécessités de la stabilité, de l’économie, de la durée, de l’orientation, de l’aspect intérieur et extérieur ? Que chaque partie ne puisse être arbitrairement augmentée, diminuée, changée, sans qu’il en résulte quelque chose de moins bon ? Que les pleins soient en raison de ce qu’ils doivent porter et que le mode de bâtir soit en rapport avec les matériaux à employer et avec les usages locaux ? Si c’est là ce que l’on entend par l’unité de plan, c’est fort bien, à notre avis ; mais nous ne pourrions comprendre la conception d’un plan ainsi dressé sans la conception simultanée des élévations ; car, à prendre les choses à la lettre, le plan n’est que la projection horizontale de ce qu’on appelle l’élévation : or, comment concevoir et tracer la projection horizontale d’une chose qui serait à créer, qui n’existerait pas ? Mais si, par l’unité de plan, on entend une image tracée sur le papier suivant certaines données symétriques, une sorte de dessin de broderie plaisant aux yeux par certaines pondérations de masses, de pleins et de vides, en torturant d’ailleurs les besoins auxquels tout édifice doit satisfaire, afin de rendre cette image plus agréable, alors nous avouons ne rien comprendre à cette unité ; mais nous comprenons que cette unité peut être distincte de l’unité d’élévation, puisqu’elle n’a rien à voir avec les nécessités auxquelles il faut satisfaire, avec le mode de bâtir, avec la nature des matériaux à employer, avec l’économie et le bon sens, qui commande, paraît-il, de ne rien faire en architecture qui n’ait une raison d’être et dont on ne puisse justifier.
Il est un seul moyen de donner à une œuvre d’architecture l’unité : c’est le programme et les forces connues — nous entendons par forces les ressources en hommes, argent et matériaux, — de trouver les combinaisons qui permettent de satisfaire à ce programme, et d’employer ces forces de manière à leur faire produire le résultat le plus complet. Il est évident que si, pour satisfaire à sa fantaisie, l’artiste jette une notable partie des ressources dont il dispose sur un point d’un édifice pour produire un effet, au détriment des autres ; que si son édifice présente des échantillons de tous les moyens de structure et d’ornementation par amour de l’éclectisme ; que s’il ment à la structure que lui fournit son temps pour imiter des formes appartenant à un mode passé ; que si le monument qu’il élève n’a aucun lien avec les mœurs du temps ; s’il choque ces mœurs par des dispositions appartenant à une civilisation différente ou à un autre climat, son œuvre ne peut prétendre à l’unité.
L’unité n’existe qu’autant qu’il y a relation intime entre l’architecture et l’objet. Un temple dorien présente un type de l’unité architectonique ; mais, si vous faites d’un temple dorien une bourse ou une église, l’unité est détruite : car, pour approprier cet édifice à une destination autre que celle pour laquelle on l’a élevé, il faut torturer ses dispositions, détruire ce qui constitue son unité.
Nous ne saurions trop le répéter, ce n’est qu’en suivant l’ordre que la nature elle-même observe dans ses créations que l’on peut, dans les arts, concevoir et produire suivant la loi d’unité, qui est la condition essentielle de toute création. Si, dans l’ordre des choses créées, on a cru voir parfois des déviations au principe de l’unité, l’étude plus approfondie a fini toujours par faire connaître que l’exception, au contraire, confirme la règle ; et c’est une des gloires de la science moderne d’avoir rattaché de plus en plus, par l’observation, l’organisme universel à la loi d’unité, ce qui ne fait pas et ne peut faire que cet organisme ne soit varié à l’infini.
Nous disons : en architecture, procédez de même ; partez du principe un, n’ayez qu’une loi, la vérité ; la vérité toujours, dès la première conception jusqu’à la dernière expression de l’œuvre. Nous ajoutons : voici un art, l’art hellénique, qui a procédé ainsi à son origine et qui a laissé des ouvrages immortels ; voilà un autre art, sous une autre civilisation, la nôtre, sous un autre climat, le nôtre, l’art du moyen âge français, qui a procédé ainsi à son origine et qui a laissé des ouvrages immortels. Ces deux expressions de l’unité sont cependant dissemblables. Il faut donc, pour produire un art, procéder d’après la même loi.
Avec cette persistance aveugle, qui donne souvent au défaut de compréhension les allures de la mauvaise foi, on nous répète : Vous prétendez nous faire adopter aujourd’hui les formes admises par les maîtres du moyen âge ; et pourquoi celles-là plutôt que d’autres ? toutes nous sont bonnes, toutes peuvent nous servir, car elles sont toutes du domaine de l’humanité. Nous répondons : L’objection part d’une pensée première à laquelle l’analyse fait défaut. Depuis le XVIe siècle, nous avons pris en France des formes produites en architecture par l’application du principe d’unité, dans certains milieux, pour l’unité même, sans recourir à la loi d’où découlaient ces formes. On a cru remplir les conditions d’unité parce qu’on adoptait plus ou moins fidèlement certaines formes des architectures antérieures à notre temps, formes qui étaient les conséquences du principe d’unité, mais qui, par cela même qu’elles étaient les conséquences d’un principe, ne sont pas le principe. Ceux qui ont pris l’habitude de procéder ainsi, c’est-à-dire de prendre la forme sans tenir compte du principe qui l’avait fait éclore, ne sauraient admettre qu’on puisse procéder autrement ; et, nous voyant étudier et analyser les applications de la loi générale faite par les maîtres du moyen âge, ils admettent que nous devons procéder ainsi qu’eux-mêmes le font, c’est-à-dire que, prenant la forme, l’apparence purement plastique de l’architecture du moyen âge, nous considérons cette forme comme notre unité préférée, non comme une conséquence de la loi générale d’unité, et que, dès lors, nous aurions cette prétention de prescrire l’emploi de cette forme.
Pour être plus clair, ayons recours à une comparaison que chacun peut saisir. Il y a, dans la nature inorganique que nous avons sous les yeux, une quantité innombrable de cristaux qui sont la conséquence d’une loi de la cristallisation. Reproduire l’apparence plastique de ces cristaux en n’importe quelle matière, ou établir des conditions physiques ou chimiques à l’aide desquelles ces cristaux peuvent se former d’eux-mêmes sous l’empire de la loi générale, sont deux opérations très-distinctes. La première est purement mécanique et ne donne qu’un résultat sans portée ; la seconde met un attribut de la création au service de l’intelligence humaine. La question est donc ainsi réduite à sa plus saisissante expression : copier en une matière quelconque des cristaux qui sont le produit d’une loi régissant la cristallisation ; ou chercher la loi, afin qu’en l’appliquant, il en résulte naturellement les cristaux propres à la matière employée. Pour trouver cette loi, il faut nécessairement définir les qualités de ces cristaux, analyser leur substance et les conditions sous lesquelles ils prennent la forme que nous leur connaissons. Et serait-on bien venu, dans le domaine de la science, de dire à un chimiste qui cherche la loi de la cristallisation, qu’il prétend nous faire vivre dans une géode ?
Malheureusement, ce qu’on ne se permettrait pas dans le domaine de la science, on se le permet, sans scrupules, dans le domaine de l’architecture, par suite de l’obscurité que l’on s’est complu depuis longtemps à jeter sur l’étude de cet art et ses principes. L’architecture n’est pas une sorte d’initiation mystérieuse ; elle est soumise, comme tous les produits de l’intelligence, à des principes qui ont leur siège dans la raison humaine. Or, la raison n’est pas multiple, elle est une. Il n’y a pas deux manières d’avoir raison devant une question posée. Mais la question changeant, la conclusion, donnée par la raison, se modifie. Si donc l’unité doit exister dans l’art de l’architecture, ce ne peut être en appliquant telle ou telle forme, mais en cherchant la forme qui est l’expression de ce que prescrit la raison. La raison seule peut établir le lien entre les parties, mettre chaque chose à sa place, et donner à l’œuvre non-seulement la cohésion, mais l’apparence de la cohésion, par la succession vraie des opérations qui la doivent constituer. Si large qu’on veuille faire la part à l’imagination, elle n’a, pour constituer une forme, que la voie tracée par la raison. Les génies n’ont pas procédé autrement, et leurs ouvrages ne nous charment que parce qu’ils s’emparent de notre esprit ou de notre cœur, en passant par le chemin de notre raison.
Nos monuments du moyen âge possèdent par excellence l’unité : 1o parce qu’ils remplissent exactement, scrupuleusement, servilement, les programmes donnés, et qu’ils sont ainsi la plus vive expression de la civilisation au sein de laquelle ils ont été construits ; 2o parce que leur forme n’est que le résultat combiné des moyens employés ; 3o parce que toutes leurs parties sont conçues de manière à satisfaire aux besoins pour lesquels ils sont élevés, et à assurer leur stabilité et leur durée ; 4o parce que leur décoration procède suivant un ordre logique et est toujours soumise à la structure ; 5o parce que cette structure elle-même est sincère, qu’elle ne dissimule jamais ses procédés et n’emploie que les forces nécessaires.
Nos monuments du moyen âge n’ont pas six unités, ils ont l’unité. Les articles du Dictionnaire font assez ressortir cette qualité, pensons-nous, pour qu’il ne soit pas nécessaire de s’étendre plus longtemps sur son importance.