Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/BRÛLON (CANTON)

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BRULON (Canton de), de l’arrondissement de la Flèche, compris entre le 2.e degré 22 minutes et le 2.e degré 33 minutes de longitude ; et entre le 47.e 53 minutes et le 48. e degré 0 minutes de latitude ; se compose de 10 communes ou anciennes paroisses, qui sont :

Avessé, * Pirmil,
Brûlon, Chef-lieu ; Poillé,
* Chantenay, S.-Christophe-en-Champagne,
Chevillé, S.-Ouen-en-Champagne,
* Fercé, * S.-Pierre-des-Bois,
* Fontenay, * Tassé,
* Maigné, * Villedieu-en-Champagne,
Mareil-en-Champagne, Viré-en-Champagne.

Avant l’arrêté du 13 brumaire an x, ce canton qui, d’après l’organisation de 1790, faisait partie du district de Sablé, ne se composait que de 8 communes. Celles dont les noms sont précédés d’un astérisque *, formaient en entier le canton de Chantenay, supprimé. — Le canton de Brûlon, dont l’extrémité S. S. E. la plus rapprochée du chef-lieu d’arrondissement, en est distante de 19 kilomètres, et celle E. la plus voisine du chef-lieu de département, de 14 kilomètres, est borné par les cantons de Loué, au N. et au N E. ; de la Suze, à l’E. ; de Malicorne, au S. E. ; au S., par ce dernier ; au S. et au S. O, par celui de Sablé ; à l’O., encore par celui-ci et par le département de la Mayenne, qui le limite également au N. O. Sa forme est celle d’un ovoïde, fort irrégulier, qui s’étend du N. O. au S. E. et dont la pointe ou la partie la plus aiguë est dans cette dernière direction : le chef-lieu s’y trouve placé presque à l’extrémité N. N. O. — Diamètres centraux : vertical, ou du N. au S., 14 kilom. ; horizontal, ou de l’E. à l’O,, 21 kilom. Plus grand diamètre, ou du N. O. au S. E., 26 kilom. ; du N. E. au S. O., 11 kilom. 1/2. — La commune d’Asnières, du canton de Sablé, possède une enclave dans celui-ci, de forme presque triangulaire, d’environ 2 kilom. de côté, renfermée entre les communes de Fontenay et de Chantenay, et séparée de celle d’Asnières par une bande de terrain variant de 6, 14 et jusqu’à 19 hectomètres de largeur. — Superficie, environ 160 kilomètres carrés.

populat. De 12,360 individus, repartis en 2,640 feux, dont 5,975 mâles et 6,385 femelles. Augmentation de population depuis 1804, 570 individus seulement, ou 3/43.es à-peu-près. — La superficie du canton étant de 160 kilomètres carrés, et sa population totale de 12,360 habitans, c’est 77 1/4 individus par kilomètre carré.

Mouv. décenn. De 1793 à 1802, inclusivement : mariages, 852 ; naissances, 3,586 ; décès, 2,567. — Produit de chaque mariage, 4 3/14.es environ. Excédant des naissances sur les décès, 1,019, ou très-peu moins de 3/7.es. De 1803 à 1812 : mar., 922 ; naiss., 3,268 ; déc., 2,798. — Produit de chaque mariage, 3 25/46.es. Excédant des naissances sur les décès, 470, ou un peu moins de 1/7.e = De 1813 à 1822 : mar., 909 ; naiss., 3,654 ; déc, 2,460. — Produit de chaque mariage, 4, et très-peu plus. Excédant des naissances sur les décès, 1,194 ou un peu plus de 1/3.

contrib. Foncier, 71,316 f. ; personn. et mobil., 6,501 f. ; port. et fen., 2,475 f. ; 335 patentés : dr. fixe, 2,303 f. 50 c. ; dr. proport., 706 f. 50 c. Total, 83,302 f. ; ce qui fait par individu, 6 f. 74 c ; ajouter 3 f. 75 c. additionnels, fait environ 10 f. 49 c. de contributions directes payées par chaque individu. Cinq percepteurs sont chargés de leur recouvrement, dont quatre ont leur résidence dans le canton et le cinquième dans celui de Malicorne.

Ce canton, de l’arrondissement électoral de la Flèche, a fourni aux élections du collège d’arrondissement, en décembre 1827, 11 électeurs, et au Grand-Collège, 6.

géolog., hydrogr. Surface irrégulière, montueuse, à l’O. principalement, où elle est coupée par le ruisseau le Treulon, faisant la limite de ce canton et même du département, du côté de celui de la Mayenne ; et par la petite rivière de Vègre et le ruisseau de Roche-de-Poil, peu éloignés du Treulon, un peu plus à l’E., bordés tous trois de coteaux élevés de 40 à 80 mètres au-dessus du niveau de leurs eaux. Le sol s’affaiblissant ensuite de l’O. à l’E., forme une plaine qui comprend une partie de celle connue sous le nom de Champagne du Mairie (v. ce mot), arrosée au centre, par les ruisseaux peu importans de Palais, des Deux-Fonts et de Clairon ; à l’E., par ceux de l’Arche et par la petite rivière de Gée. Les coteaux qui bordent ces cours d’eau, bien moins prononcés que ceux de la Vègre et du Treulon, rompent cependant l’uniformité de cette plaine, surtout à l’E. où le sol est bien plus irrégulier. Tous ces cours d’eau ont leur direction vers la Sarthe, du N. au S. — Terrain intermédiaire ou de transition, à l’O, entre le Treulon et la Vègre, qui sert, à-peu-près, de passage au terrain secondaire, lequel occupe le reste de l’espace entre la Vègre et la Gée, et forme le sol de la plaine de Champagne, dont il a été parlé. Le premier de ces terrains, le plus intéressant du département pour les géologues, offre des grès siliceux à grains fins, souvent imprégnés de matière charbonneuse ; des schistes argileux, qui se rapprochent plus ou moins du grès ; et, comme couches subordonnées, des calcaires fétides, noirâtres, à grains fins, contenant des fossiles de grandes dimensions, non encore déterminés ; des veines plus ou moins puissantes d’anthracite, combustible si rare encore en France, et dont l’exploitation a favorisé les progrès de l’agriculture dans ce canton ; du minerai de fer, abondant et d’excellente qualité. Les rochers qui bordent la Vègre, sur sa rive droite surtout, offrent des masses considérables de marbre gris, plus ou moins foncé, veiné de blanc, en S.-Ouen et en Brûlon ; brun dans d’autres localités, et remplis de fossiles du genre Strophomène ? etc. Dans certains lieux (v. les art. des communes de ce canton), ces bancs de marbre alternent avec des rochers de grès qui se divisent en fragmens affectant la forme rhomboïdale. Le grès ferrifère se présente sur quelques autres points, et y donne à l’exploitation une pierre de taille assez belle quoique un peu tendre ; la plaine de Champagne offre le calcaire horizontal jurassique, compacte, qui s’emploie comme moëllon, ou fournit, dans certains lieux, d’excellente pierre d’appareil. Le calcaire oolitique de Chantenay, dans lequell on a observé des débris d’échinites, pourrait être une continuation de celui de Mamers, à empreintes de fougères, si bien observé et si savamment décrit par M. J. Desnoyers, (Ann. des Scienc. Natur., tom. 4, p. 353). Tous ces divers calcaires abondent en coquilles des genres Belemnite, Nautile, Ammonite, Bucarde, Gryphée, Peigne, Térébratule, etc. ; on y trouve encore une grande coquille bivalve qui paraît appartenir an genre Plagiostome, remarquable par la conservation de son test. Quelques communes offrent en outre des carrières d’une craie friable, qu’on y expose en guise de marne pour l’amendement des terres. — Plusieurs mollusques fluviatiles observés dans ce canton, ont été indiqués à l’article Avessé. — La botanique n’y offre pas moins d’intérêt que la minéralogie. On y rencontre plusieurs plantes rares dans le département, et quelques unes même qui lui sont particulières. Déjà nous en avons désigné un certain nombre à l’article Avessé ; on en trouvera plusieurs autres à l’article suivant et aux articles des communes de ce canton.

Il existe sur les différens cours d’eau de son territoire, 28 moulins à blé, dont plusieurs à deux roues ; un moulin à foulon et un à tan.

cultures. Sol varié ; beaucoup de terres argilo-sablonneuses, terre franche, légère, ou terre douce des cultivateurs ; d’autres argilo-calcaires, pierreuses, appelées terres de grouas ; médiocrement productif, ne donnant guère au delà de 10 pour 1 malgré l’emploi de la chaux, qui y est avantageux. On y cultive le méteil, froment, seigle et orge ; peu d’avoine, très-peu de sarrasin ; chanvre et lin, en moyenne quantité ; pommes de terre, pour l’engrais des porcs pendant l’hiver et le printemps ; trèfles, à peine le quart des ensemencés, semé avec l’orge et qui dure trois ans ; très-peu de sainfoin sur les terres calcaires, au centre du canton ; luzerne, quelques planches dans les jardins ; vesce, mêlée à l’avoine et quelque-fois au seigle ; pois et jarosses, qu’on laisse mûrir à tort, au lieu de les enfouir en vert, pour en obtenir un demi engrais. Plans de vigne, à l’extrémité S. E. ; quelques petits clos, de moindre qualité, vers le centre et le S. O. ; arbres fruitiers, en moyenne quantité, dont les meilleurs espèces à cidre sont, en pommiers, le Fréquin, plusieurs variétés : Doux-Amer, Normandie, etc. ; en poiriers : Rougeolet, Bourdinière, Talfut, etc. ; prairies fertiles, dans le vallon de la Vègre, donnant un foin d’excellente qualité, qu’on rend productives en les arrosant au moyen d’un barrage dans la rivière, qu’on appelle Portineau ; aucuns massifs de bois considérables ; les landes ont presque toutes disparu pour faire place à la culture des céréales ; celle de Poibelle, en Avessé, n’a pu encore subir cette transformation, grevée qu’elle est d’anciens usages féodaux, devenus coutumiers, qui en empêchent la division. — Elèves de beaucoup de poulains, vendus à l’âge de 6 mois, très recherchés des marchands de la Picardie, qui viennent les acheter aux foires des environs, particulièrement à celle de la Saint-Martin à Conlie ; d’une très-grande quantité de bœufs et de vaches, de la race dite mancelle, qui engraissent facilement, et atteignent un poids de 350 à 400 kilogrammes, pour un bœuf de 6 à 7 ans : les herbagers du Haut-Maine et de la Normandie, les enlèvent aux foires et marchés environnans, notamment à la foire de Pasques à Sablé ; peu d’élèves de moutons, dont on ne trouve pas plus de 20 mères et à peine quelques vieilles têtes dans une métairie de 30 hectares (68 journaux) ; la laine, longue et propre au filage, est vendue à de petits marchands du pays, qui la revendent en gros, ou à des tireurs-d’étaim qui la préparent pour le tricot, ou pour la fabrication de quelques pièces d’étoffes grossières, à l’usage des habitans ; chèvres, nourries par le pacage des prairies de la Vègre, ou de l’herbe qui croît dans les chemins : ces animaux sont utiles pour aider à élever les cochons de lait, dans le moment où les jeunes veaux consomment celui des vaches ; élèves de porcs, dont on engraisse de 10 à 12 par an, dans une ferme de la proportion ci-dessus ; peu de ruches, 3 à 5 par chaque ferme ; oies en très-grande quantité, dans les communes de Brûlon, d’Avessé et de Chevillé, au moyen de l’usage qui permet de les faire pacager dans les prairies, depuis le 22 juillet jusqu’au 25 mars suivant : la facilité qu’elles ont de s’y baigner dans la Vègre, leur procure une plume estimée, dont on les prive deux fois par an, et dont elles donnent environ 3/4 de kilogr. à raison de 5 à 6 fr. ; chaque habitant de la campagne en nourrit depuis 5 à 6 jusqu’à 50 et quelquefois davantage. — Propriétés rurales très-divisées ; pas plus de 4 métairies ayant une contenance de 60 hectares (136 journaux) ; le plus grand nombre de 25 à 30 ; beaucoup plus de bordages ou closeries, de 8 à 12 et au-dessous. Baux ruraux de 9 ans, le plus ordinairement. Assolement quaternal dans la partie du canton la plus voisine de la Champagne, triennal dans la plus grande partie, mais combiné de manière à ne laisser qu’une certaine quantité de terre en jachère ou en vieux trèfle, pour y mettre pâturer le grand nombre de bestiaux qu’on y élève. L’assolement, dans la partie O. du canton, où l’on se livre le plus à l’éducation des bestiaux, se combine ainsi : 1.re année, en blés ; 2.e, repos ou herbe ; 3.e, blés ; 4.e, orge avec trèfle ; 5.e et 6.e, trèfle. Dans le surplus, où l’on suit l’assolement par quart ; 1.re année, en blés ; 2.e, orge et trèfle ; les deux dernières en trèfle de 2 et 3 ans. Outre les fumiers naturels, on fait un grand usage dans ce canton, de la chaux, comme engrais, en en formant des compôts : son emploi y a beaucoup amélioré l’agriculture et ses produits. Les labours s’y font presque exclusivement avec les bœufs, rarement au-dessous de quatre à chaque charrue, avec un ou deux chevaux en tête. Cet attelage, employé, en outre, assez généralement dans le Bas-Maine et l’Anjou, pour les charrois des provisions dans les villes, qui y paraît ridicule et y est souvent gênant, a pour but de ne point fatiguer les jeunes bœufs, qui s’y trouvent alors au nombre de 6 et de 8 quelquefois, à l’éducation desquels on apporte beaucoup de soin.

industrie. L’industrie manufacturière consiste dans l’extraction du minerai de fer, dont nous avons parlé, qui approvisionne en partie les forges de Moncors (Mayenne), et de Chemiré-en-Charnie ; dans celle du marbre et du calcaire à bâtir : tous deux sont aussi convertis en chaux ; de l’anthracite, qui sert à leur cuisson dans ce dernier cas, ainsi que pour les forges des cloutiers, seulement jusqu’ici ; de l’argile pour la brique. Il existe sur le canton, 6 fourneaux à brique et à chaux ; 3 pour la chaux seulement. — Fabrication d’une certaine quantité de pièces de toiles de lin et de chanvre, en 2/3 et en 3/4 ; et de toiles noires, en fil, dont la fabrication est bien diminuée : celles en lin se vendent à Laval, les autres à Conlie et au Mans. Le plus grand nombre, dites communs ou toiles de ménage, se confectionnent pour le compte et l’usage des particuliers. On fabrique aussi des pièces de tissus en fil et coton, appelés siamoises ; étoffes grossières, telles que serges, flanelles, etc., pour la consommation du pays. En somme, l’agriculture de ce canton, l’une des plus prospères du département, surtout à cause de l’éducation des animaux agricoles, fait la principale richesse de ses habitans. Son commerce principal consiste en grains et bétail ; le chanvre, le lin, la graine de trèfle, viennent en second ordre ; il s’y vend très-peu d’avoine et de sarrazin ; les vins, en blanc et en rouge, et les cidres, se consomment dans le canton ; les oies, la plume, la volaille, le gibier, les menues denrées, offrent aussi un produit assez important.

Les foires fréquentées pour le commerce des bestiaux, sont celles de Sablé, Vallon et Loué, dans le département ; Gréez-en-Bouère et Ballée, dans celui de la Mayenne ; les marchés suivis, comme les plus importans pour le commerce des grains, sont ceux de Loué, Sablé et Noyen, qui sont des principaux du département pour ce genre de productions.

Le chef-lieu de canton a seul un marché à blé et à menues denrées, qui tient le samedi ; il est assez fréquenté, mais ne donne lieu qu’à un commerce peu considérable. Les foires sont nulles actuellement.

La route départementale n.°5, d’Angers à Alençon et à Mamers, par Sablé, traverse la partie O. du canton, en passant au chef-lieu ; elle n’est pas totalement terminée, de Sablé à Brûlon, mais doit l’être incessamment. Les anciens grands chemins, de Sablé à Loué, de Loué à Vallon, et de Crannes à Mareil, ainsi que tous les chemins vicinaux, sont extrêmement mauvais et mal entretenus : la seule commune de Maigné offre une exception sous ces deux rapports.

Il n’existe sur ce canton qu’un petit nombre de monumens celtiques, peu remarquables ; en revanche, il est riche en monumens du moyen âge, dont les plus intéressans sont les ruines du château de l’Isle (v. ce mot), le château de Viré, plusieurs constructions du bourg de Poillé, etc., etc. Chacun de ces monumens sera décrit dans l’article de la commune où il se trouve situé.

Pendant tout le cours de la révolution, même en 1815, le canton de Brûlon fut un foyer ardent d’opposition royaliste : ce fut dans ce canton que s’organisa la résistance armée, et que se formèrent les premières compagnies de Chouans qui se répandirent dans le département. Après la prise du Mans, par le général royaliste de Bourmont, le 16 octobre 1799, toute la jeunesse de ce canton s’empressa d’aller se placer sous son commandement. Une seule de ses communes montra constamment un esprit opposé.